Des tyrannies antiques aux dictatures d’hier et d’aujourd’hui
Par Madame Anne-Marie COCULA
Merci, Madame Cocula, pour cette conférence-débat remarquable.
Tyrannies et dictatures (Résumé par Madame Cocula)
Elles s’inscrivent dans une longue durée qui va de l’Ancien Testament jusqu’au monde d’aujourd’hui confronté à la terrible réalité de régimes dictatoriaux, impitoyables et inhumains. S’interroger sur leurs origines et sur leurs excès, c’est remonter aux alternances politiques qui ont vu la Grèce antique subir le joug de tyrans et inventer la démocratie. D’ailleurs, il revient à Aristote d’avoir opéré une distinction, toujours d’actualité, entre les tyrans d’exercice et les tyrans d’usurpation. Les premiers, porteurs d’une légitimité initiale, profitent de l’autorité que leur confère le pouvoir pour l’étendre indéfiniment et se porter, progressivement, à des abus scandaleux et intolérables. Les seconds sont d’emblée des usurpateurs qui se sont emparés du pouvoir par la force ou par la ruse avec la volonté farouche de le conserver par tous les moyens. Les uns et les autres font de la propagande une arme de combat contre toutes les formes d’opposition. Les uns et les autres fortifient leur emprise grâce à un entourage de tyranneaux, comme les appelait La Boétie, où les rivalités le disputent à la corruption.
Pour en finir, les tyrannicides ou tueurs de tyrans sacrifient leurs vies et gagnent le statut de héros au sein de la démocratie athénienne du Ve siècle. Tel ne fut pas le cas, dans l’Europe médiévale, des régicides ou tueurs de rois, jugés et traités comme des parricides, torturés et exécutés. Il est vrai qu’ils se dressaient contre des monarques protégés par la cérémonie du sacre qui avait fait d’eux l’équivalent de prêtres, dépendants de Dieu et capable de guérir des malades. Tels étaient les rois thaumaturges ou faiseurs de miracles que la protection divine protégeait de la colère de sujets opprimés.
À la Renaissance, la référence à l’Antiquité, la lecture de Machiavel, la diffusion de la Réforme protestante et les guerres de religion ont propagé l’accusation de tyrannie contre des souverains oppresseurs de leurs sujets. Tel fut le sort de Charles IX après la Saint-Barthélemy. Tel fut celui d’Henri III après l’exécution du duc de Guise et de son frère, cardinal, juste avant la Noël 1588. Dès janvier 1589, Henri III est assimilé à un tyran par les ultras catholiques de la Ligue et excommunié. Son assassin, le moine Jacques Clément, devient un martyr que ses partisans souhaitaient canoniser. Il n’en fut pas de même du régicide François Ravaillac qui, le 14 mai 1610, assassina Henri IV. Mais, pour avoir été protestant et avoir changé de religion à plusieurs reprises, la suspicion de tyrannie continuait de se propager à son égard. Au XXe et XXIe siècles, Aristote—s’il était encore parmi nous—aurait pu distinguer un troisième type de tyrannie : une tyrannie d’élection qui, à la suite d’une arrivée au pouvoir légitime, engendre en peu de temps les pires dévoiements de dictateurs. Il faut garder en mémoire cette longue durée des régimes tyranniques…
Anne Marie Cocula.
31 Janvier 2023 à l’Ermitage Compostelle au Bouscat