Café littéraire du 10/06/2024 📜📚

Nous retrouvons l’appartement de Nicole, aujourd’hui, pour un café littéraire, L’Ermitage étant occupé. C’est comme si le passé revenait :  nous débutions, il y avait aussi le covid….

Nous sommes moins nombreux : Jacqueline, Nadine, Annick, Sylvie, Marcel, Marielle ont prévenu de leur absence, nous les regrettons. Marielle a été accidentée, elle se repose, vous pouvez lui envoyer un SMS. Nous ont rejoints : Louis, Ida, Marie, Isabelle, Evelyne, Aurore, Marie-Josée, Jean.

Pour changer et donner du temps à nos participants, nous prenons un café et le cake de Aurore.

Marie-Josée nous avait promis de terminer un livre qu’elle a beaucoup aimé : « Un grand désir de silence » de Anne Le Maître, éditions du Cerf. Elle avait expliqué la première partie (Le 13 mai) : une recherche sémantique et sémiologique assez complète sur les sens de : « silence » et les « comportements de silence », ce qu’ils sont ou ne sont pas. L’autrice est Aquarelliste, la technique même de l’aquarelle se fait en silence et avec une inspiration intérieure, impossible de rattraper une erreur. Ce livre analyse finement ce qu’est la méditation, le vide en soi, puis l’ascèse et la liberté intérieure. Très cultivée, elle mêle les citations, les exemples qui aident à définir le bien-être du silence, les lieux qui prédisposent au silence.

C’est une apologie du silence pour échapper au bruit de l’extérieur, sons, images, activités forcenées, fuite dans l’oubli. D’ailleurs notre amie développe sa présentation calmement, en insistant sur les mots essentiels, en respirant pour laisser le temps de la réflexion.  Ce livre a valu à son autrice le Prix de la liberté intérieure. Marie-Josée insiste sur la spiritualité qui se dégage de cette lecture, sans poser des étiquettes religieuses qui enferment les êtres. La nature est appelée en exemple, la métaphore de la « Jachère » qui nous entraîne vers le savoir rural, le temps est un composant de la sagesse, de la vie, de la fertilité, de la fin de vie. La mémoire peut le rejoindre, les grands textes religieux, particulièrement dans le Bouddhisme. Merci à Marie-Josée.  Cet appel au retour sur soi séduit particulièrement Evelyne qui a trouvé une sorte de chemin qu’elle suit pour se donner du temps à soi. D’autres pensent à l’écriture qui a besoin de silence pour se dérouler, se construire, émerger de l’être en train de créer son texte…

 

Nicole se permet de citer des articles de « L’express » dernier numéro : 30 mai/juin qui met en question l’intense activité des éditeurs et libraires, celle des prix littéraires (1000 à 2000 par an) ; dans le journal précédent, Louis-Henri de la Rochefoucauld s’étonnait que Hervé Le Tellier, Prix Goncourt 2020, pour l’Anomalie, livre vendu à plus d’un million d’exemplaires, soit amené à réfléchir sur l’intérêt du concept de Prix littéraire. Il le fait en comparant son aventure et celle d’un héros de la Résistance FFI tué à 20 ans par les allemands en 1944, mais resté dans l’anonymat jusqu’à ce que Hervé Le Tellier découvre son nom sur la porte de la grange d’une maison qu’il vient d’acheter. Beau sujet de controverse morale !!!! Succès et valeur ?

On parle beaucoup d’écriture littéraire et des essais. Il existe de nombreux cafés littéraires ou historiques. De nombreux prix soutiennent les écrivains ; c’est une activité peu lucrative si l’on manque de chance ou de formation, ou d’ardeur à l’écriture. Nous pouvons en parler. Pour donner un exemple de ce que nous faisons au sein de notre association. Le Café littéraire est un lieu de relations, de loisirs, d’échanges pour prendre en compte les besoins relationnels, mais aussi on peut y parfaire sa culture, on peut se stimuler en groupe pour agir en tenant compte des rythmes de chacun. Marcel nous parle de son travail d’architecte, nous fait admirer les œuvres de son frère, nous fait partager ses ouvrages écrits avec son art personnel et ses illustrations originales. Evelyne nous fait partager ses créations sculpturales. Pour répondre à l’invitation d’Isabelle : « Parle nous de ce que tu écris ! » je vais vous parler de mes travaux d’écriture destinés à ma famille, essentiellement.

 Il s’agit d’une chronique familiale : « Les quatre vies de Raymonde », commencée en 2015, éditée une première fois sous forme de cahier A4 avec des photos. Elle décrit la vie d’un Grand-Père original qui devient au fil des années Maître de Forge, à La Garenne-Colombes. L’une de ses filles est Raymonde, elle naît en 1900, partage la vie de ce père puis elle épouse en 1920, un Ingénieur revenu de captivité en Prusse. Elle connaît la vie d’une épouse heureuse avec des enfants : une vie trépidante, jusqu’en 1946. Cela est dû en large partie aux évolutions Techniques, Economiques, Politiques et Sociales de ce XXème siècle. Le livre apparaît donc comme une chronique simple alternant les événements de la vie de Raymonde et l’environnement qui influence chaque période de sa vie. Le livre ne peut parvenir à l’image complète de sa vie qui la conduit jusqu’en 1984. Le premier tome s’intéresse à la période de sa jeunesse et à sa vie professionnelle et familiale jusqu’en 1960. Il comporte une centaine de pages. Voici quelques éléments de sa présentation.   

Chronique de la vie d’une femme du XX° siècle.

                                                   Les quatre vies de Raymonde.

Un deuxième tome, assez différent, montrera Raymonde à la retraite : elle s’occupe de sa grande famille qui s’élargit avec les mariages de ses enfants, l’arrivée des petits-enfants dans une France totalement différente. Ses grands enfants voyagent et Raymonde participe à cet élargissement de l’horizon. La grande famille s’enrichit de jeunes femmes de cultures diverses, ses petites-filles par alliances, ses gendres sont très différents : Si Louis, le plus âgé reste attaché à son pays Auvergnat, avec l’entreprise de galoches qu’il dirige en famille ; Pierrot est très amoureux de ses montagnes Livradoises qu’il quittera rarement ; lui aussi travaille le bois comme charpentier- menuisier ; tandis que Michel, fils de Raymonde rejoint la Picardie pour gérer une affaire de matériels frigorifiques. Maurice qui épouse Nicole, la plus jeune des filles de Raymonde accepte en 1965, de lui ouvrir sa famille qui va l’accueillir comme une voisine privilégiée et qu’elle choisit de suivre dans son évolution. Il est chercheur en Physique nucléaire au CEA avec une nécessaire ouverture sur de nombreux pays. Cette richesse, cette diversité la passionnent ; mais elle reste surtout une Maman qui conseille, une Mamie qui protège et gâte ses petits-enfants. Elle a retrouvé ses amis d’autrefois, des cousins du côté de son père, la famille de Maurice très proche affectueusement. Les amis de Maurice et Nicole entrent dans cette communauté de sorte que la vie est gaie, active, voyageuse !

Marcel, notre architecte, intervient dans cet édifice, pour conseiller de faire une préface, une quatrième de couverture. Je vais reproduire ici quelques paragraphes qui représentent l’âme du livre.

Pourquoi ai-je voulu écrire cette chronique ?

En réfléchissant, Raymonde m’apparaît comme l’héroïne de sa vie, une vie qu’elle a eu le temps de méditer surtout dans cette quatrième période où l’action était moins pressante, où la sérénité pouvait se ressentir. Une vie qu’elle a su analyser et dont elle a clarifié les prises de décision qui la construisent. Peu à peu, elle a trouvé une joie certaine due au travail bien fait, aux revers surmontés, aux enfants bien soutenus et aimés, aux combats assumés et menés jusqu’à leur terme.

En reprenant le texte en 2023, c’est à mon Père que je pense beaucoup, à sa vie d’homme, d’époux, de Père. Certes nous avons passé peu de temps ensemble, mais quelle impression de sérénité et de courage, je garde de lui après cette écriture. Dans notre société actuelle, tourmentée par des courants sociaux et politiques qui modifient profondément la vie des personnes et des familles, les êtres comme lui font partie du passé. A 55ans, aujourd’hui, les hommes sont plus jeunes d’allure, d’espoir, de projets qu’à l’époque de son décès en 1946. Les années ont été moins pénibles et moins douloureuses collectivement, pour nos générations qui ont eu la chance de n’avoir pas connu de guerre sur notre sol. L’espérance de vie a donc progressé : les soins médicaux sont plus efficaces, beaucoup d’aspects de la vie matérielle sont plus aisés. Et pourtant, au milieu de ses difficultés passées, cette famille conduite par Raymonde et Aimé était soudée et heureuse.

Pour les professionnels de l’aide psychologique « le voyage du héros »1990, est un modèle de l’Américain Joseph Campbell, connu pour aider les personnes dépressives à retrouver leur équilibre. Dans le déroulement de ce modèle, on passe par des étapes proches de celles rapportées dans notre chronique.

* Les étapes de l’enfance et l’apprentissage des valeurs ;

* Les étapes de la vie adulte avec les prises de conscience des efforts à accomplir pour atteindre les objectifs désirés, des combats avec soi-même pour grandir, des renoncements qui ne sont jamais simples ;

* Les épreuves viennent ensuite, bouleversements, dangers à courir, soutiens à apporter aux autres, ressources à trouver en soi pour sortir des conflits ou des injustices ou des maladies extrêmes ;

*Puis, les solutions trouvées, les ressources développées pour réussir, font que l’on sort des conflits pour accepter les situations et devenir plus riche de tout ce qu’on a vécu. C’est la quatrième vie de Raymonde qui dure environ quinze ans, le deuxième tome.

Je souhaitais transmettre à mes enfants, à mes neveux et à leurs enfants, cette richesse, pour leur donner, d’une part, le courage d’accepter les événements de leur vie, d’autre part, la force de savoir réagir en se donnant les moyens de construire, d’atteindre ce que l’on a décidé de faire ou de devenir. On a longtemps dit que « la vie est un combat » ; il ne s’agit pas de « guerroyer » de tous côtés, mais de rester vigilant et de choisir l’effort pour grandir et atteindre ses objectifs.

Chaque vie est un roman à réussir, chacun de nous en est l’écrivain, responsable de ses décisions et de ses engagements. A nous de prévoir le scénario et les actes ; parfois le hasard vient les bouleverser, mais c’est parce que l’on manque de lucidité. Sur le damier du jeu d’échecs, il faut s’exercer pour prévoir les problèmes à rencontrer et les résoudre au mieux.

Ce que j’ai admiré particulièrement dans la personne de Raymonde, de même que dans celle de mon père Aimé, c’est leur grande bonté qui leur a permis d’élargir leur monde de références :

familles, enfants, collègues, hiérarchie, relations amicales. Bien que Raymonde ait été constamment occupée à des activités de couture, de tricot ou de broderie, de ménage, de courrier, de gestion de ses affaires. Elle savait s’ouvrir à tous ceux qui venaient vers elle, pratiquant une écoute, une attention aux autres qui l’ont enrichie et formée à la réflexion.

C’est ce que m’inspire une de ses dernières photos que je vous confie là, en conclusion. (1984)

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Nous avons ainsi évoqué le passé, Ida a été très touchée, car elle a recueilli des photos de famille. Aurore a retrouvé des situations assez similaires dans sa famille qui l’ont émue, elle aimerait qu’on en parle. Evelyne confiait à Isabelle des photos. Louis a évoqué aussi des souvenirs de sa vie professionnelle en Allemagne du sud. Jean me racontait en aparté le récit d’un épisode de la vie de son père à Dunkerque, lors du départ de l’armée anglaise en fuite, sans accepter de sauver les soldats français qui ont été faits prisonniers au début de la guerre de 1940, pour 5 ans. Robert Merle en fait le récit dans Week-End à Zuydcoote Goncourt 1949. Un beau film de Henri Verneuil, la même année avec Jean-Claude Belmondo.  Je ressentais une timidité à évoquer les écrits familiaux que je souhaite donner en famille à l’occasion d’un anniversaire à mes petits-enfants et à mes neveux. Mais cela sera peut-être porteur d’héritage pour nos adhérents lecteurs.

Notre prochaine réunion :

  •  le 24 juin à L’Ermitage ;