Zoom littéraire du 26/04/2021

Chers amis lectrices et lecteurs,

 Nous étions 5 adhérents, animés du plaisir de vivre un grand moment d’échanges, d’apporter notre point de vue à une discussion sur le thème des « Ames et des Saisons » de Boris Cyrulnik, grâce au YouTube réalisé lors de son interview à la librairie Mollat de Bordeaux.

 Arlette et Marie, Mauricette ainsi que Louis, se sont prêtés au jeu de quelques questions :

  • Quelles sont les grandes idées qui vous ont intéressés ?
  • Quelle évolution sociale semble -t-il constater ?
  • Quelles seraient les victimes de cette évolution ?
  • Comment pourrait-on agir ?

Louis et Marie sont intervenus pour rappeler l’évolution du fœtus, puis du bébé au sein de sa matrice puis de son nid familial. Arlette remarqua que les mots disaient beaucoup sur ce point. Je ferai un résumé synthétique pour l’essentiel des échanges.

L’environnement, au sens large, est la notion essentielle pour le Psychiatre. Il souhaite développer ses idées comme on « pèle un oignon », pelure après pelure. Il rappelle aussi que le psychisme s’exprime par la parole, c’est à dire qu’il est bon de parler de ce que l’on ressent ou pense. De plus, on parle bien, ici, des comportements masculins ou féminins et non des entités Homme ou Femme, mais la généralisation est souvent proche.

Il prend des grandes idées : L’influence du Milieu sur le comportement humain : la « Violence (et sa corrélation l’autorité) » par exemple, s’exerçait largement autrefois pour la survie, contre les animaux, les forces naturelles, les ennemis. Elle apparaît encore aujourd’hui dans les adaptations des corps à l’altitude ou aux rôles sociaux : les réactions endocriniennes pour la femme, les corps musclés et virils pour l’homme afin de répondre aux besoins de survie et de sécurité. Toutefois ces rôles peuvent se modifier et les réactions physiologiques également.

On peut dire que la loi de survie est l’adaptation ou la disparition. Les exemples sont nombreux à travers les groupes humains et l’histoire de ces sociétés ; et plus encore pour les groupes d’animaux.

 La famille et les rôles des deux acteurs principaux, le père et la mère, sont constamment en évolution. Toutefois, sur le plan psychique, si la fierté du montagnard vient de la survie de l’humain en face des difficultés innombrables qui pourraient l’écraser, on ne peut contester les déterminants génétiques qui apparaissent, même s’ils ont une certaine plasticité, puisque le couple humain ne peut engendrer que des Bébés à son image. (Classique opposition de l’inné et l’acquis par le milieu).

La discussion suit la progression de la pensée de Cyrulnik : actuellement, nous sommes témoins des efforts de changement dans les rôles sociaux.

Les forgerons faisaient partie des aristocrates de la Force : Vulcain, la Forge, la maîtrise du Feu et des métaux : les Maîtres de Forges existaient encore dans le début du XXème siècle. Puis vers 1960, ce sont les diplômes qui sont devenus un pouvoir, une force. On ne proteste plus quand les Russes envahissent l’Ukraine… Les Hommes préfèrent l’Amour à la Guerre…Ils sont plus heureux dans leurs familles. Les femmes prennent un rôle différent, les hommes ne sont plus héroïsés.

La difficulté de ce changement vient de ce qu’on ne sait plus où et comment se situer : les femmes sont conscientes de leur avancée sur le plan intellectuel par les diplômes, leurs postes de responsabilité qui sont des acquisitions positives, mais ces dernières rendent difficile la vie de la famille. Les hommes sont conscients que les adolescents sont intéressés par le sport, les nouveaux modes de communication, les jeux informatiques :  ils semblent moins matures que dans les périodes anciennes. Les filles sont proches de la culture, des idéologies humanistes, des changements sociaux, et dans la société occidentale, elles souhaitent la parité complète avec les hommes dans les divers ordres hiérarchiques.

Dans le même temps, les jeunes hommes et jeunes femmes, souhaitent des changements sociaux et politiques leur permettant de parvenir à des postes de responsabilités que seuls, autrefois, des cinquantenaires ou soixantenaires ou plus, expérimentés et rompus aux stratégies et aux difficultés, pouvaient atteindre. Ce n’est pas facile, ni gagné, mais en marche.

Au milieu de ces mouvements complexes, on prend conscience que la négociation est essentielle pour éviter des mouvements brutaux ; elle suppose du temps et de la patience, de la compréhension des difficultés, mais elle évite les dangers tant redoutés par l’esprit de mesure : des protections en tout genre sont mises en place dans les législations.

Les effets de cet esprit de protection, de « Care », de droits fondamentaux de l’individu, puis de la nature, animaux, forêts, eau, espaces maritimes, pour protéger nos écosystèmes vont modifier nos habitudes ancestrales. Cela doit influencer la famille, les droits de l’enfant et des victimes, jusqu’aux animaux, etc…

 Louis rappelle que Boris Cyrulnik pointe quelques dangers à ces progrès qui feraient que l’homme et la femme deviennent des collaborateurs pour vivre ensemble dans une société pacifiée, élever les enfants, développer les soins, les progrès pour réduire les risques et les catastrophes. Les effets secondaires seraient de trois ordres :

  • La surpopulation ou la surdensité,
  • La dilution affective,
  • La perte de sens dans les choix et les rôles.

Beaucoup de jeunes vivent dans une certaine solitude, devant leurs écrans, stressés par l’obligation de se former constamment pour répondre aux besoins économiques et être employables ; et les dépressions sont nombreuses en réponse à la surpopulation, aux difficultés sociales, à l’impression d’être noyé dans la foule.

Mauricette nous rappelle les petits livres de Michel Serres « Petite Poucette 2012» sur l’évolution de notre société : « C’était mieux avant », «  contrat naturel »…

La désinformation, les maladies sociales comme les rumeurs, les fake-news, les attaques informatiques sont nombreuses et créent des impatiences pour ne pas dire plus. Louis nous en a longuement parlé lors des derniers zooms ; Mauricette nous alerte souvent sur ces difficultés qui créent du doute, de l’insécurité et « fabriquent de l’ignorance ». Les jeunes ont du mal à faire des choix de formation, peut-être à cause de la perte du sens de nos objectifs, les diplômes qui semblent mal adaptés aux besoins économiques, créent des réponses négatives : « Je fais n’importe quoi…» « Je ne veux pas continuer mes études… » Le désir de liberté, les méfaits de la drogue, la disparition des structures de parenté en seraient les effets négatifs (sauf en Afrique, rappelle Marie en évoquant un cas d’enlèvement par une ONG d’un jeune orphelin.)

Le fait d’élargir nos horizons en développant les médias et les réseaux internationaux d’information est un progrès incontestable, mais cela rend difficiles les politiques européennes, s’il en existe vraiment, et mondiales encore davantage.

Les progrès à faire sont importants : Mauricette parle de la « dérégulation » de l’information sur les réseaux sociaux ; nous sommes tous convaincus qu’il est nécessaire de reconstruire une société en tenant compte des éclairages apportés par des responsables éclairés. Des recherches comme celles de Y. N. Harari (« Sapiens », « Homo Deus », « 21 leçons pour le XXIème siècle »), comme celles de Boris Cyrulnik, psychiatre humaniste et lanceur d’alertes peuvent nous aider. Le 28 février 2021, il disait sur un média du matin « Il est urgent d’agir pour les jeunes. » A d’autres moments, il s’inquiète de la dilution affective qui risque d’atteindre la famille, lorsque les changements de partenaires produiront des relations distendues, un garçon pourrait exercer dans sa vie 7 ou 8 métiers et avoir 2 ou 3 familles. Comment construire de l’attachement entre les partenaires et les enfants. Les dangers relationnels seront importants.

Merci, chers amis d’avoir animé et enrichi cette réunion dans le zoom littéraire et humaniste. Nous reprendrons nos lectures et nos échanges le 3 Mai 21, à 14h30. Une recherche est nécessaire pour penser le « monde d’APRES » le groupe le souhaite ; toutefois, la lecture de nos livres ou celle de textes intéressants sont les bienvenues.

Je rappelle que le 3 mai, nous aurons deux Zooms littéraires, l’un à 14h30 et l’autre à 20h30.  Je rappelle , pour le soir, les propositions de lecture de Renée, « L’œuvre au noir » de Marguerite Yourcenar et de visualisation d’un YouTube qui pourrait intéresser Marie-Do, la conférence de Boris Cyrulnik :« La biologie de l’attachement » 2012.

A bientôt chers amis. Je remercie particulièrement, Michèle, Francine, Jean-Jacques de nous avoir prévenus de leur absence. Nous avons pensé à eux.

Nicole.

Nicole vous propose de lire l’article « La « Grande Vague » d’Hokusai, une image pour penser notre avenir ? » avec le lien suivant :
https://theconversation.com/la-grande-vague-dhokusai-une-image-pour-penser-notre-avenir-159675