Café littéraire du 27/09/2021

Nous sommes réunis chez Nicole, autour d’un café … Certains de nos lecteurs se sont excusés, Marcel, Mauricette, Annick, Marie-Christine, Jean-Jacques, Michèle, et Louis, je les en remercie, cela m’aide de connaître les absences.

Suzel, Marie, Nadine, Jean et Nicole, une voisine et amie que nous accueillons avec plaisir. Tous acceptent que nous connaissions et utilisions leurs coordonnées téléphone et mail, qu’ils ont immédiatement échangés. Nicole mettra sur le site, le calendrier des « Café littéraire » pour les 6 prochains mois.

Jean est tout de suite disponible pour parler du livre qui l’a passionné et même inspiré dans sa vie.

De Erri De Luca : « Montedidio »2002, Prix Fémina. Cet écrivain napolitain est né en 1950, il est journaliste engagé, poète, traducteur et alpiniste…Sa famille est pauvre, issue d’une bourgeoisie ruinée par la guerre, elle vit, repliée sur elle-même, dans un quartier de Naples très populaire ; son père ouvrier lit beaucoup et sait éveiller son fils à la littérature, tout en étant rigide dans ses principes. Sa mère meurt pendant son adolescence. Le livre est l’histoire de sa propre vie, sans être une biographie. Il parle en napolitain, langue populaire, mais connaît bien l’Italien, « Un vêtement sur le corps nu du dialecte. »

Sur le plan des idées, il s’engage en 1968, dans la vie sociale pour faire changer les conditions de vie des ouvriers ; il est communiste, puis anarchiste, mais pacifique. Il faut dire que le contrôle des américains, débarqués à Naples, est lourd à supporter pendant plusieurs années, après la guerre.  Il part vers Rome, et poursuit cette vie militante jusqu’en 1983. A ce moment, il souhaite partir loin, la Tanzanie, puis la Bosnie en guerre, puis il s’engage dans des oppositions altermondialistes.

Il reste un humaniste, un peu comme le jeune Albert Camus en Algérie, il est amoureux de la nature, de la liberté. « Mes romans se ressemblent parce que le personnage principal est la ville de Naples… » Cela conduit sa vie. Il apprend l’Hébreu pendant sa période humanitaire et rencontre des amis typiques de la conception idéaliste, de la sagesse populaire, c’est « la montagne de Dieu », « où la magie et le sacré se mêlent au quotidien, le roman associe la réalité au surréel, la douceur à l’amertume, le symbole au réel, la poésie au dénuement. »

Il raconte la douceur de Maria et les dangers de la promiscuité ; la sagesse du menuisier son maître professionnel, le cordonnier bossu, souffrant, mais qui a des dons… Il raconte l’école des pauvres avec le regard de l’adulte et une certaine amertume lucide cela rend respectueux des êtres qui s’adaptent sans se plaindre.

Un style limpide et poétique admirablement bien traduit en Français. « La vie est un long trait continu et mourir est aller à la ligne sans le corps ».

Merci à Jean de nous permettre cette grande rencontre avec un humaniste qui a vécu et expérimenté ses convictions sociales, politiques et morales.

Une discussion s’engage sur le genre de ce livre court et dense, souvent poème, souvent récit. Est-ce une autobiographie où est-ce un roman ? et Jean pose une question importante, « Qu’est-ce qu’un roman ? » Nous répondons un peu, mais cela mérite un rappel classique que je donnerai à la fin du compte rendu avec ses références.

Suzel prend la parole, elle souhaite nous parler d’une saga, qu’elle lit en langue anglaise, et qu’elle trouve passionnante, reconnaissant que les grands romans anglais ou américains ont peu d’équivalents en Europe, sauf peut-être en Russie. Jane Austen, ou Paul auster par exemple…

Jonathan COE vit à Birmingham, né en 1961, il appartient à une bourgeoisie intellectuelle, il est passé par Cambridge au Trinity Collège, enseigne à l’université de Warwick, et détient une maîtrise et un doctorat de littérature anglaise. Il aime la musique et la pratique dans un groupe et écrit des chansons. Il devient célèbre grâce à une critique virulente de la société anglaise pendant les années Thatchèriennes.  « Testament à l’anglaise » qui lui vaut plusieurs prix en Angleterre et en France dont le prix Médicis en 1998 pour « La maison du sommeil » ; Cette critique de la société se poursuit avec « Cercle fermé », le même groupe de personnes a évolué et se trouve aux commandes de la société anglaise ; l’orientation dans l’éducation est contrôlée et cela permet de choisir les personnalités et les projets. L’humour est incisif. L’ère est au libéralisme, avec Tony Blair 1er ministre ; Enfin en 2018 « Le cœur de l’Angleterre » qui aborde le Brexit.

Suzel est passionnée par cette satire du milieu anglais : Elle en parle avec une belle aisance. Merci beaucoup de partager ces informations.

Nicole, ma voisine, nous parle d’un livre remarqué par la librairie Mollat : de Nikos Kokantzis : « Giocanda » 2002. Sous l’occupation allemande, un jeune homme rencontre sa voisine Gioconda, ils sont très jeunes, de milieux différents et tombent amoureux. Les parents surveillent mais l’époque est douloureuse, 1942, les nazis vont déporter 54 000 séfarades dans les camps, près de 98% de la population juive totale connut la mort. Ils s’y étaient installés depuis les années 1492 environ, lors de leur fuite hors d’Espagne. Le rayonnement de la ville de Salonique est dû en grande partie à leur présence depuis 500 ans environ, quand se produit l’invasion militaire allemande.

Les amours d’adolescents sont émouvantes parce qu’elles sont souvent tragiques (Roméo et Juliette, le grand Meaulnes…) Nikos et Gioconda s’apprivoisent puis s’aiment tendrement mais cela ne peut pas durer puisqu’en 1942 elle disparait. Jamais il ne l’oubliera et il décrit cette passion de jeunesse pour témoigner sur ce sacrifice, cette disparition à Auschwitz.

Ce roman rappelle à Nicole le livre de Catherine Pancol : « Un homme à distance », autre histoire liée à l’éloignement, il a marqué Nicole parce qu’il représente une tranche de vie, un amour très fort, un récit tendre et émouvant, lié aux livres.

Merci Nicole de t’adapter si rapidement à nos échanges, à nos envies de livres ; tu nous aideras surement à faire vivre notre groupe en partageant tes expériences et tes goûts.

Nicole S qui conduit le Café littéraire aujourd’hui, a été très intéressée par le dernier livre de Eric-Emmanuel Schmitt membre du Comité du Prix Goncourt : « Les paradis perdus », un gros volume bien écrit, évidemment, original par son thème, ses objectifs. L’écrivain au visage souriant, sensible aux recherches du public, souhaite nous donner des aides pour surmonter les crises qui nous assaillent au début de ce 21ème siècle. Il avait créé « Odette Toulemonde » dans la même perspective en 2006. L’originalité est plus grande encore quand on perçoit qu’il entreprend de chercher dans notre passé lointain, des solutions ou une philosophie de contact avec la Nature qui pourrait nous réapprendre à être mesuré et économe dans notre jardin paradisiaque. Ce créateur prolifique de romans et de pièces de théâtre entreprend de tracer notre Histoire passée sur 5 gros volumes prévus. « La traversée des temps ».

Dans Paradis Perdus, l’écrivain donne vie à Noam, le personnage principal. Il le fait « renaître » dans une grotte, genre Lascaux, alors que plus loin, les visiteurs se pressent pour apprendre et observer les vestiges de la préhistoire. Pour Noam, c’est presqu’une intrusion dans son monde personnel, il se sauve et va vers la ville, déjà alerte et conscient des années d’hibernation qu’il vient de vivre. Il se souvient de tout ce qui lui est nécessaire pour vivre dans le Beyrouth de notre époque. Installé dans un studio il commence à écrire le passé, pour nous prévenir, nous lecteurs et les Beyrouthins.

Alors commence « le Livre »de son Histoire, courte puisque son âge semble arrêté à 25 ans, et immensément longue, puisqu’il est né 134 ans après la bataille d’Elodé (?) une bataille d’extermination dans l’Antiquité imaginaire. « Je suis né il y a plusieurs milliers d’années dans un pays de ruisseaux, de rivières au bord d’un lac devenu une mer. » sorte de mélopée qui lui permet de retrouver son enfance et son village.

Je vous laisse devant une aventure étonnante, qui nous passionne si nous nous sommes posés des questions qui s’écartent un peu de la Génèse ; cela pourrait se situer avant la Génèse lorsque les hommes apprenaient à vivre et à s’organiser…Bien avant le monothéisme et les livres que nous connaissons. L’aventure est plus proche des « Enfants de la Terre » 2013 de Jean Auel, une universitaire américaine dont la saga de 5 ou 7 volumes eut un succès considérable. Le point de vue est différent : elle est scientifique et cherche à valider les hypothèses des chercheurs.

Schmitt est plus créatif dans la fiction et l’humour, son récit est intéressant, tous les mots représentent une découverte pour Noam et pour nous : sensation, indice, remarque, émotion, douleur, réflexion. Tout est fait pour animer les quelques personnages, les faire découvrir la nature, leur environnement, leurs comportements comme dans un film ou au théâtre. Schmitt disparaît en tant qu’observateur et écrivain, c’est Noam qui est le filtre de tout, encore que certains clins d’yeux sont inattendus.

Bonne découverte, chers lecteurs, je suppose que la médiathèque peut vous permettre de le lire, bien sûr je le prêterai pour que vous le lisiez.

Fiche sur le ROMAN.

Définition classique : Une œuvre de fiction en prose racontant l’histoire de personnages engagés dans des aventures. L’écrivain y peint des mœurs, des caractères, les passions de l’être humain et les fonctionnements de la société.

C’est un genre, un cadre polymorphe dans une langue d’une grande liberté.

Roman, Romane : langue du peuple français par opposition au Latin, langue savante. Elle sert depuis la Moyen Age à composer des récits fictifs et divertissants. Les romans médiévaux sont souvent liés au merveilleux et à l’imaginaire. « Les chevaliers de la table ronde » légende arthurienne, ou épopée de la naissance de l’Angleterre. Au moyen Age le roman diffuse une vision morale.

Le roman fut longtemps moins important que le théâtre ou les épopées (Chanson de Roland) ou les œuvres en vers (Christine de Pisan). Chanson et Dits sont plus populaires. La reproduction des textes étant pratiquement impossible pour les gens, il faut donc mémoriser et raconter ce que l’on a entendu sans le modifier…

Au 18ème S, le roman devient plus important que les autres genres, son but est de connaître l’individu. (Jacques le Fataliste). Au 19ème S, il se crée des courants, Roman Romantique (F.R.de Chateaubriand, Balzac, Hugo, Stendhal), puis le Roman Réaliste (Flaubert, Maupassant), puis le Roman Naturaliste qui pousse plus loin l’exigence de Précision, observation presque scientifique, vocabulaire (Zola, Thomas Hardy…) au 20ème S, le roman devient Psychologique (Proust essentiellement) puis Humaniste (Céline, Camus) puis engagé (Malraux, Sartre).

Sources diverses :

*wikipédia,

 *Editions-ellipses.fr : thème le roman du 17ème S à nos jours.

Merci à vous tous de poser des questions, de chercher à aller plus loin, c’est un amusement et une passion. Cela fait vivre…nous nous retrouverons le 11 octobre pour un nouveau Café Littéraire à 14h30. Le lieu est incertain, nous vous le préciserons.

Bonnes lectures et soyez créatifs, c’est le bonheur.