Café littéraire du 22/05/2023 📜📚

De retour à l’Ermitage, nous nous réunissons, les voyageurs sont de retour et nous avons beaucoup de projets et des réalisations toutes proches. Nicole apporte le thé et quelques biscuits, Sylvie, Marie-José, Isabelle, Marcel, Louis, Evelyne, Renée, Noëlle, Marielle sont présents.

Michel nous prévient qu’il ne peut venir en ce moment, il en est de même pour Jean, Nicole C., Nicole D., Jeannine, Annick, Marie-Françoise, Marie, Nadine.

Nous avons vécu de grands moments le 9 Mai dans le café littéraire. Des témoignages importants, une étude de l’Amour sous ses formes diverses Eros, Philia, et Agapè. Vous avez surement lu le CR ; toutefois, les commentaires personnels n’ont pas été cités par discrétion.

Je fais des essais d’enregistrement de notre réunion, aujourd’hui, vous pouvez le faire aussi, toutefois ces enregistrements ne doivent pas être transmis ou diffusés, cela trahirait nos échanges. Je vous le recommande. Pour moi, c’est une vigilance pour ne pas trahir les contenus qui émanent de vous. Louis à qui j’en ai parlé, est également opposé au fait que nous pourrions être en faute à l’égard de la loi sur les données personnelles à respecter. Sur ce, je vous signale que transcrire un document enregistré prend un temps considérable, presque impossible. Il vaut mieux prendre des notes et résumer.

Sylvie qui nous enchante, poète et penseur, nous apporte une suite au dernier café littéraire sur l’Amour.

Et pour continuer cette recherche du Moi, exposée en partie dans ton livre choisi chez Eric Emmanuel Schmidt : « Soleil sombre »…
<Nous ne surmontons les dépressions qu’en retrouvant le goût de naître, qui par-delà les résignations et les peurs, rend disponible pour de nouvelles rencontres collectives.
J’ai gagné la certitude en cours de route que les catastrophes sont là pour éviter le pire. Le pire c’est bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été  précipité dans une autre dimension.
Les crises dans la société où nous vivons, sont vraiment ce qu’on a de mieux, à défaut de maîtres, pour entrer dans l’autre dimension.
Dans une société  où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n’y a que la douleur pour venir briser ces murs autour de nous.
L’épreuve sert de bélier en quelque sorte pour enfoncer les portes de cette forteresse où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être.

Et pour continuer sur le soufisme:
Jean DAVID est mort. Il était un chanteur nourri des contes de sa terre natale, le Maroc, auteur de chants sacrés inspirés de ses origines juives, joueur de luth, prophète d’amour dans son pays d’adoption, la France
L’amour se retire pour que l’être aimé s’accomplisse. (5ème niveau de la recherche spirituelle)
En Hébreu, DAVID signifie : Incarnation du bien-aimé.
Ultime épreuve du feu où les dernières voiles se déchirent douloureusement et joyeusement dans le creuset alchimique d’une vie donnée.
Et que reste-t’il quand il ne reste plus rien ?
Une grande place nue où la présence invisible peut enfin apparaître et le chant pur de l’être se déployer. Devenir soi-même : Le chant !
«  Et que le chant qui t’a traversé tout au long des jours continue à interpeller le monde.
Comme l’oiseau qui interroge par son chant et qui reçoit pour toute réponse une pierre et qui chante encore, même mort, chante encore, encore et encore… Bien après que la pierre qui l’a tué soit redevenue friable, poussière, moins que poussière, silence, moins que silence, rien… Et toujours cette vibration du chant pur dans le rien manifesté du monde. »
Christian BOBIN – L’homme qui marche (Le temps qu’il fait).

Merci Sylvie, toi qui vis si intensément toutes les situations.
   
De beaux livres sont édités, mis en valeur, ces temps-ci : Isabelle nous parle de Grégoire Delacourt 2023 : « Une nuit particulière » ; Louis nous rappelle le beau livre de Frank Thilliez : « La Faille »2023 ;

Puis il nous signale « Une histoire des abeilles » de Maja Lunde, romancière, norvégienne, lors du visionnage d’un documentaire sur ARTE « Maja Lunde – L’écologie est un roman » tout à fait passionnant, il y a quelques jours.
Elle est née en 1975 à OSLO où elle vit. Elle a commencé par des livres pour la jeunesse avant de s’intéresser de très près à l’écologie et de produire son premier roman pour les adultes en 2015 avec un livre qui a été un grand succès de librairie, en Allemagne d’abord où il a été le livre le plus vendu en 2017, et à l’international ensuite : « Une histoire des abeilles ». 

Son idée est de faire entrer les écrivains dans la lutte contre le dérèglement climatique, déjà promue par Hans-Joachim SCHELLHUBER, car elle estime que la diffusion des connaissances scientifiques ne suffit pas pour mobiliser le grand public. Il faut pour cela des histoires et des émotions et c’est le rôle de la littérature. La place des atteintes à l’environnement dans la littérature française est faible et on ne s’y intéresse que depuis 2010 dans le milieu universitaire. Elle estime qu’il faut attendre les premiers désastres pour une vraie prise de conscience. Aux USA, il a fallu avoir L’ouragan KATRINA à la Nouvelle Orléans pour que le sujet soit pris au sérieux.

Son livre nous emmène dans trois histoires de famille dans des époques et des milieux différents, ce qui lui permet de nous faire percevoir les évolutions néfastes que nous connaissons. Elle s’est appuyée sur des spécialistes pour décrire ce monde des abeilles qui l’a émerveillée.   « En 1851, William a remisé ses rêves de carrière scientifique, toutefois l’apiculture l’intéresse, et pour motiver son fils, il lui promet de concevoir une ruche révolutionnaire. »

Son second roman est « La fin des océans ».  Tous ses romans portent sur les relations entre les humains et la nature.

Nicole souhaite vous parler d’un livre de E.E.Schmitt : « Soleil sombre » : 3ème tome de la « Traversée des temps. » 2022.

Vous connaissez déjà l’écrivain qui fait partie du Jury du Prix Goncourt actuel. Il est né en 1960. Il écrit autant pour le théâtre que pour la veine romanesque. Il est philosophe, normalien, son talent est ouvert et prolifique : Ses petits livres, sortes de contes à méditer, comme « Oscar ou la dame en rose », ou « Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran » l’ont rendu populaire. Beaucoup de ses œuvres sont des apprentissages de la vie sociale, positifs, humanistes.

Le livre qui nous intéresse est le 3ème tome d’un projet « extravagant », faire un grand roman populaire en 7 ou 8 tomes, débutant aux sources paradisiaques, puis s’attardant au fil des grands événements légendaires puis historiques.  Notre époque aime la réécriture, libérée de la Bible et des histoires fondamentales de notre culture. Sans oublier peut-être les souvenirs et icones de la chrétienté. On voit tout de suite les difficultés à élaborer ce grand projet :

* Quels grands événements choisir depuis la Bible jusqu’à notre époque ?

* Comment les traiter avec respect, humour(?), sur un plan pseudo-historique ?

* En incluant les découvertes et approches scientifiques qui actualiseront les mythes ou légendes ?

*Comment créer la cohérence entre les diverses étapes du projet et relier la stupéfiante énormité d’informations ?

* L’objectif principal de l’écrivain humaniste est de chercher dans la continuité des expériences connues, des solutions aux impasses climatiques actuelles, aux mouvements de population que cela engendre, aux appétits politiques que ces dérèglements peuvent faire naître ; et peu à peu, faire émerger une nouvelle confiance dans les savoirs anciens, dans des choix humanistes à retrouver…    

Est-ce possible dans une société où la rapidité est reine ? au mépris du savoir, de l’approfondissement et même de la cohérence dans les avis, les phrases, les mots.

<Dans le tome 3, il aborde l’Egypte et sa fabuleuse civilisation antique, relativement connue avec la création du peuple hébreu, des personnage connus, Abraham, Moïse, les pharaons de l’Ancien Testament, les croyances religieuses égyptiennes. Ces mémoires sont souvent perçues à travers un filtre uniquement religieux. En réalité, les archéologues donnent des informations fragmentaires qui appuient cette histoire des temps reculés ; mais ce n’est pas suffisant pour ce créateur d’épopées.

Le lien entre les livres, c’est Noam, « la mémoire » des livres précédents, (Noë par exemple tome 1- Abraham tome 2). Il est le meneur et l’observateur des événements : il les vit pleinement physiquement et mentalement Noam=Moi, c’est l’auteur Eric-Emmanuel. Il vit un grand amour jamais satisfait, il aime Noura, belle, exigeante et insaisissable…Ces dynamiques impulsent une réelle force à sa recherche du bonheur. Le « méchant » est présent aussi dans le personnage dangereux du frère de Noam, Derek, qui devient dans chaque livre Caïn, ou Seth…

Le présent s’insère aussi dans les livres, induisant des thèmes urgents, comme si l’écrivain ne voulait pas que le lecteur perde son héros dans les méandres historiques. Son idée essentielle est de rassurer : les solutions à nos recherches sont en marche : Noam côtoie la famille de Greta Thumberg, c’est un ami du couple suédois, Britta, la jeune écologiste manque d’être victime d’un opposant, motard dangereux qui est heureusement stoppé par Noam, toujours 25 ans, athlétique, Bodygard… cette présence du temps présent est inattendue, parfois dérangeante, mais cela constitue son fil d’Ariane pour sa thèse principale.

Puis le livre nous entraîne dans les déserts de la Mer Morte et du Sinaï : Noura est la compagne de Abraham, meneur du peuple Hébreu, à la recherche d’un asile paisible. Noam sera enlevé par une tribu qui le drogue et l’enferme dans un coffre jeté dans les eaux du Nil. Sa destinée l’emporte donc vers l’Egypte. Quelques Siècles plus tard, il est retrouvé, desséché, exsangue, mais toujours immortel… Pendant sa convalescence, il apprend les signes de l’écriture égyptienne et leur interprétation ; puis il retourne vers les hommes et une société à découvrir pour vivre de nouvelles étapes… Noura lui écrit et lui donne des gages de son amour et des missions. (p. 107). Puis il cherche à comprendre la nouvelle société : le Commerce des charmes, où les hommes sont libres et raffinés, les femmes impliquées dans ce commerce, étrangement belles … élégantes de haut niveau social. Il rencontre Néférou, fille du Pharaon, dans une société égyptienne qui utilise les Hébreux comme esclaves.

Comme Orphée, Noam descend aux Enfers pour retrouver son Eurydice : il apprend les rites funéraires de la Maison des Morts devenue la Maison de l’Eternité(!), puis les plaisirs et la sensualité de l’érotisme égyptien. Les parfums, les musiques, les relations platoniques ou non, sont délicatement notés dans le milieu raffiné proche du Pharaon. Noam est un avatar d’Osiris, comme Noura, l’est de Isis. Pourquoi toute cette séduction, cette joie de vivre passionnément dans un pays immense de déserts et d’oasis ?>

Le récit est passionnant, pour mon goût. La conception du livre est différente de ce que l’on trouvait dans les œuvres de Christian Jacques que j’avais lues avec passion. Ce dernier faisait revivre des familles, des groupes sociaux, des institutions, dans une vision plutôt sociologique fondée sur l’archéologie. Dans l’œuvre de E. E. Schmitt, l’intrigue domine et renouvelle librement l’histoire ; en revanche, le philosophe qu’il est, s’introduit dans les lieux secrets en utilisant les apports scientifiques, psychologiques venus des recherches actuelles. Il insiste sur l’écologie des lieux qui environnent les héros. La nature domine autour de Noam, avec ses parfums, ses charmes, que nous aimerions retrouver comme un « monde perdu », mais il est saccagé par les dégradations de la mondialisation et nos excès. Ces paradis perdus pourraient-ils être restitués ou recréés ?

Des méditations sur l’amour, le désir, sur l’énergie vitale de l’être, la quête de la sérénité, le sens que l’on donne aux événements, le bonheur de vivre simplement en accord avec la nature…Les notes qui actualisent le récit sont intéressantes, l’écrivain est attentif à l’évolution des techniques et des sciences. Les personnages sont sympathiques dans une atmosphère positive. Cette recherche d’un « monde désirable », dans un environnement comblé par les richesses naturelles paraît un conte oriental, bien sûr ; pourrait-il devenir un futur accessible ?

C’est une occasion aussi de recourir aux encyclopédies pour actualiser ses connaissances, ou aller voir l’exposition à Paris sur « Ramsès et l’or des pharaons ». Bonne lecture à vous, c’est un grand livre. Et je ne vous parle pas des aventures qui vont se dérouler dans la suite…

Très vite, Marcel demande « où veut-il en venir ? » suivi de plusieurs lecteurs. C’est une bonne question et complexe, puisque l’écrivain va écrire huit tomes pour redonner un sens à notre culture, un objectif à son œuvre qui ne se veut pas religieuse. C’est le sens de notre histoire qui va se redessiner au fil des livres. (Voir les titres des œuvres à paraître.)

Pour renouveler ce récit, lui donner une vision et une cohérence, les personnages, les intrigues qui ne manquent pas d’humour, se succèdent. Noam et ses amis, ses amours, dans un nature parfois sauvage, parfois luxuriante, ou désertique mais toujours bienveillante pour les humains, montrent comme il était bon de vivre avec simplicité, avec des animaux, des plantes, les eaux des fleuves, des lacs, les bords de la Méditerranée.

 Cette nature rend bienveillant, Noam est positif et bienveillant, il rend Seth, le frère dangereux, plus doux, plus ouvert aux autres… Savons-nous encore voir la nature, la mère nourricière ; savons-nous surtout vivre avec elle. Nous l’avons sacrifiée à nos désirs médiocres. Nous la voyons plus souvent à travers notre appareil de « Prise de vues », le téléphone, nous nous concentrons sur nos techniques, sur l’artificiel, et non sur le ressenti, sur l’émotion, sa forme d’expression, dans le présent.

En y réfléchissant, un autre grand écrivain avait commencé une œuvre de synthèse aussi passionnante. A.Malraux dans les « Antimémoires »1967 (tome 1 du Miroir des Limbes). Son objectif était bien : pourquoi entretenir la Mémoire ? Les faits de guerre laissaient encore des traces à ne pas oublier. Mais en replongeant dans le passé biblique, la reine de Saba, Salomon, et les traces présentes encore au Moyen Orient, il retrouvait nos sources culturelles et la sérénité en quelque sorte. En liant les grands romans qu’il avait déjà produits sur la lutte contre le despotisme, la conquête de la liberté, l’humanisme grâce à l’Art et la Mémoire des grands hommes, il donnait un autre sens à son œuvre : elle devient une vision à un autre niveau, les êtres sont périssables mais les générations qui se succèdent donnent un sens à une civilisation centrée sur la libre expression, respectueuse de Valeurs, la démocratie peut-être.

 Un livre cité par Sylvie :« La vie devant elles » sur l’exil et l’émigration…

Marcel nous présente Nathalie Cabrol, astrobiologiste, spécialisée dans la planétologie, elle enseigne à la Sorbonne et son livre « A l’aube de nouveaux horizons » (seuil 2023), recherche des situations environnementales proches. Dans le cosmos…  En 2021 elle publiait un livre auto-biographique : « Voyages aux frontières de la vie ». Passionnée d’aventures et de réflexions sur l’origine de la vie. D’où on vient, vers quoi on va… ? Hasard…

Autre écrivain, autre livre : Cormas MacCarthy, 89 ans, prix Pulizer pour « On the road », en 2008, il vient de publier un thriller : « Le passager », 2023 la même année que Stella Maria. Le « passager » décrit un jeune homme Bobby Western, plongeur bien décidé à retrouver sa sœur disparue. Dix ans plus tard, un avion tombe en mer, dans le Golfe du Mexique ; Il pénètre dans l’appareil englouti…

Physicien brillant comme son père qui participa à la création de la bombe atomique dans les années 1955, il n’atteint pas au génie de sa sœur, en mathématiques, mais il lit en Français un traité de physique quantique, il sait choisir un vin, il roule en Maserati…et il est triste… Que peut-il lui arriver ? ( cf le Monde du 1ermars 2023).

Isabelle nous parle de Jérome Chantreau, « Belhazar, » 2021 est le troisième livre de cet écrivain, une histoire vraie… un enseignant vit une aventure marquante dans une de ses classes ; un jeune élève disparait brutalement et cette intrigue change la vie de cet homme. Percer le secret de cette jeune vie devient la matière d’un livre où l’adulte se dévoile dans un labyrinthe passionnant.

Sylvie nous parle de jeanne Benameur, « Ceux qui partent » sous-entend « Ceux qui restent » : C’est Donatio Scarpa, ancien comédien de tragédie, il a perdu ses repères après la mort de sa femme. Sa fille désire émigrer à New York…

Pour terminer elle nous lit un beau poème de Christian Bobin : dans le Muguet Rouge : « La caresse du vent ».

Encore un café littéraire riche, ouvert, tendu par l’intérêt et le désir de trouver le sens des écrits. Pourquoi écrit-on ? La vérité est toujours relative et à redéfinir… C’est notre groupe qui donne la vie au Café littéraire. Merci à vous tous.

Nous nous retrouvons le lundi 5 juin à l’Ermitage, à 14h30. Pour de nouvelles découvertes.