Café littéraire du 20/02/2023 📜📚

Nous nous retrouvons dans notre salle à l’Ermitage-Compostelle pour une suite de la Conférence qui nous a passionnés (résumé de la conférence en cliquant ici). Dans la littérature contemporaine il y a beaucoup d’exemples de peuples en difficultés sociales, humaines, leur gouvernement pense plus à sa continuité, à ses succès qu’au bonheur, ou au moins à la sécurité de ses citoyens.

Nous sommes nombreux, Marie, Annick, Nicole C. sont les premières, puis Nicole S. aidée par Louis qui apporte le café et le thé de notre réunion ; puis Evelyne, Marcel, Marielle, Sylvie, Michel, Jean, MarieFrançoise et Jeannine, enfin Nadine. Nous accueillons Isabelle qui est une nouvelle lectrice que la conférence de Anne-Marie présentée dans Sud-Ouest, a convaincue de venir nous retrouver.

Il nous manque Noëlle, peut-être souffrante ?

*Nous pensons d’abord à cadrer nos activités et nos richesses à diffuser dans notre groupe.

Marielle prévoit de rencontrer M. Robillot, Astronome qui a fait paraître une livre de référence « L’Hyperbole humaine » en 2022, C’est un ami qui nous apportera un peu de son savoir. Nicole C. nous dit le plaisir et la richesse de l’exposition de l’espace Mauriac qu’elle a visitée à Malagar, et nous lui disons que le domaine de Malagar nous intéresse beaucoup : sa soirée de lecture, animée par des acteurs connus, aura lieu le samedi 1er Juillet, cette année 2023.

Jean nous apporte une information sur la peinture de Van-Gogh : ses ciels étoilés sont observés avec sa volonté de réalisme. Les étoiles sont à leur place ! Evelyne nous informe que le samedi 25 et le dimanche 26 mars, Le chœur Polyphonia interprètera « la Passion selon Saint jean » de JS Bach, à la Cathédrale de Bordeaux, à 20h30 le samedi et 16h le dimanche. L’entrée est à 32 euros, Evelyne réservera les places peu nombreuses, à faire très rapidement.

Louis nous informe : Série documentaire de NETFLIX : « Le parcours des tyrans ».
En lien avec la conférence récente de Anne-Marie COCULA sur la tyrannie, Louis souligne l’intérêt de cette série, qui pourrait enrichir notre vision du sujeten ce qui concerne les dictatures et tyrans du XXème siècle. Elle comporte 6 épisodes de 30 mn environ chacun : 1) s’emparer du pouvoir, 2) Ecraser ses rivaux, 3) Faire régner la terreur, 4) Contrôler la vérité, 5) Créer une nouvelle société et 6) Gouverner depuis la tombe. Cette série est sortie en 2021 des USA. Louis a visionné les 2 premiers épisodes : travail remarquable et passionnant, mais sombre et parfois difficile à voir compte tenu des actes inimaginables commis par ces dictateurs du XXème. « Le parcours de Tyrans », 2021, est raconté par Peter Dinklage. Intéressant à voir en complément de nos approches.

Il est aussi intéressé par le « CHATGPT Nouveau logiciel conversationnel de la société OpenAI.
Louis veut attirer notre attention sur cet outil, au cas où certains de nos lecteurs voudraient l’utiliser. Il a été mis en ligne en novembre 2022 et connait un succès fulgurant, en particulier auprès de nos lycéens et étudiants qui voient en lui un outil extraordinaire pour les aider à traiter les sujets qui leur sont demandés (voire les faire à leur place !). C’est un logiciel gratuit qui s’appuie sur des bases de données construites jusqu’en 2021 afin d’éviter les questions d’actualité brûlante. Il fonctionne sur le mode « Chat » à savoir questions – réponses, mais il peut aussi générer des images sur demande. Compte tenu de sa conception, il ne donne pas de réponse exacte ; il donne seulement la réponse « la plus probable » qui peut parfois se révéler exacte mais pas toujours et c’est là un grand danger à l’utilisation. https://etudestech.com/decryptage/openai-chat-gpt-intelligence-artificielle/

Merci à notre ami scientifique de nous préciser ces perspectives.

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Pour faire exemple au thème de la conférence de AM Cocula sur la Tyrannie, Nicole vous a envoyé un résumé assez détaillé du livre de Yeonmi Park, écrit à partir de 2007 et édité en 2015 ; il retrace son enfance en Corée du nord, de 1994 à 2009, à son arrivée en Corée du Sud. Puis elle reprend une vie plus apaisée dans ce pays très aidé par les USA.

Evelyne et Nicole nous parlent de « Je voulais juste vivre », livre de Poche de Yéonmi Park, (7.40€). Toutes deux ont été touchées par ce récit de vie en Corée du Nord. Par le résumé, vous avez pu deviner l’évolution politique de ce pays entre 1948 et actuellement sous le gouvernement de KIM JONG Un. En 70ans environ, le despotisme s’est installé, avec sa dureté, ses contraintes, les crises économiques, les contrôles de la police et des gardiens. Les camps de rééducation ou de Travail forcé. On sait que l’épopée de cette adolescente et de sa mère, à travers des pays lointains pour nous, Corée du Nord, Chine du nord, Mandchourie, Corée du sud, a été controversée par des auditeurs à la suite des conférences de la jeune militante des droits de l’Homme, actuellement ; des journalistes ont remis en question certains faits présentés au cours des conférences faites par cette jeune femme qui reste une victime du gouvernement Coréen parmi d’autres, bien sûr. Il n’est pas facile de retrouver la mémoire de faits douloureux, soit on les amplifie au point de se faire du mal, ou bien on souhaite leur échapper pour recommencer une vie plus satisfaisante. Et puis peu à peu les souvenirs se cristallisent et se modifient au cours des multiples récits. C’est elle-même qui le dit en fin du livre : « « Je suis arrivée en Corée du sud au printemps 2009, une enfant de quinze ans, sans un sou en poche, dotée d’un bagage scolaire équivalent à deux années d’école primaire. Cinq ans plus tard, j’entamais ma deuxième année dans une grande université de Séoul pour devenir fonctionnaire de police.

J’ai raconté mon évasion de Corée du nord à de nombreuses reprises, dans de multiples conférences. Mais avant aujourd’hui, seule ma mère connaissait la vérité sur les événements survenus au cours des deux années qui se sont écoulées entre la nuit où nous avons traversé le fleuve Yalu pour entrer en Chine et le jour où nous sommes arrivées en Corée du sud pour démarrer une nouvelle vie. Je croyais, d’une certaine manière, qu’en reniant l’indicible passé, il disparaîtrait. »

Louis souhaite donner un autre exemple de ces peuples malheureux, obligés de fuir la guerre ou une criminelle dictature. Kim Thuy est Vietnamienne, elle raconte dans « RU »,sa jeunesse et son exode vers l’Europe et le Québec.

Présentation du roman ‘RU’ de KIM THUY (Ed. Liana Levi, paru en 2009)

Kim Thuy : écrivaine du Québec, d’origine vietnamienne, écrit en langue française. Née en 1968 à Saïgon, en pleine guerre du Vietnam. Elle est issue d’une famille aisée et cultivée, de lettrés. Père philosophe, grand-père préfet.
En 1978, à l’âge de 10 ans, elle fuit son Vietnam avec ses parents et ses 2 frères dans un boat-people : passage par un camp de réfugiés en Malaisie d’abord, puis arrivée au Québec où elle vit encore. Elle fait des études de linguistique et de droit à Montréal. Elle aura des activités très diverses, avocate (dont 3 ans à Saïgon), interprète, et même restauration pendant 5 ans ! Elle se tourne vers l’écriture en 2009, en publiant son premier roman RU qui deviendra un best-seller traduit en 15 langues. Elle est l’une des 4 finalistes du Nobel littérature 2018.

RU est un roman largement inspiré de son parcours de réfugiée. La guerre du Vietnam se termine en 1975, et la chape de la dictature communiste de Ho Chi Minh tombe alors sur le pays. Un million de Vietnamiens partent en exil et on se souvient des drames des boat-people. En 1978, à l’âge de 10 ans, Kim Thuy fuit son pays natal avec ses parents et ses deux frères, dans l’un de ces boat-people. La famille rejoint d’abord un camp de réfugiés en Malaisie, puis quelques mois plus tard arrive au Québec qui devient leur terre d’accueil. Elle s’approprie la culture québécoise et la langue française.

RU mêle fiction et réalité, mais c’est avant tout un livre témoignage que ce qu’est « être réfugié ». Elle décrit bien sûr la vie confortable et bourgeoise menée par sa famille avant l’arrivée des communistes : sa mère, fille de son grand-père préfet, passait son temps en coiffure, recherche de vêtements et maquillages, pour accompagner son mari dans les soirées mondaines. Mais elle élevait sévèrement ses enfants, avec des tâches domestiques : elle les préparait à la « chute ». Sur l’école, elle dit que les jeunes ne savent pas que les cours d’histoire sont un privilège que « seuls les pays en paix peuvent s’offrir : ailleurs, les gens sont trop occupés par leur survie quotidienne pour prendre le temps d’écrire leur « histoire collective ». Lecture p 47 (lire) à propos des femmes du Vietnam. Et p 79 : vie au Vietnam… à lire

 Elle décrit ensuite le choc des conditions épouvantables imposées par la dictature communiste, et comment sa famille et elle-même essayaient de « survivre » dans ces conditions. Lors de son départ en boat-people, son père avait prévu, si la famille avait été capturée par les communistes, de les « endormir » tous avec des pilules de cyanure. Dès son arrivée au Québec, elle ressent fortement ce qu’est le statut du réfugié : « quelqu’un qui a été expulsé de son passé, mais qui n’a pas été projeté dans le futur, avec un présent vide de sens ».

L’accueil au Québec a été chaleureux ; elle a pu se former et s’intégrer malgré des difficultés car la vie de luxe du Vietnam avant le communisme n’était plus d’actualité. Elle explique que son 1er achat de luxe au Canada a été « L’amant » de Marguerite Duras (elle avait 14 ans) : avec Duras, elle a refait connaissance avec le Vietnam. A la période communiste, il fallait chaque semaine dénoncer un acte anticommuniste commis par quelqu’un, même les enfants. Avec Duras, le Vietnam redevenait romantique et romancé : énorme pouvoir des livres !

Pour Kim Thuy, il ne faut pas regarder en arrière, ne jamais regretter ce qu’on a laissé derrière soi. Elle ne quitte jamais un endroit avec plus d’une valise, seulement quelques livres avec elle. (p. 106 – lire)

Sur l’écriture : p. 95 avec Mr Minh – Lire

Très belle écriture : style vif, sobre, fin, tout en nuances, langue très imagée, texte poétique, mélange de couleurs et de saveurs. Pour elle, comme pour Boris Cyrulnik, « malgré la laideur du monde, la vie vaut d’être vécue » ; « Lire et écrire » constitue le luxe de la liberté. Revoir le livre ‘Fahrenheit 451’ de Ray Bradbury (1953, USA) sur ce thème.

Son livre n’exprime aucun ressentiment par rapport à ce qui a lui été imposé ; Kim a au contraire puisé une extraordinaire force dans la succession des évènements et des drames vécus, qui n’ont en rien entamé sa joie de vivre et de savourer la beauté des êtres et de choses. Un beau cas de résilience …

Pour en savoir plus sur Kim Thuy :
> Vidéo Youtube du 29.09.2016 « La fiction, une réalité sans frontières »

Merci Louis pour cette belle présentation du livre. Et merci de l’avoir écrit pour nos lecteurs et lectrices.

Avant de prendre qui un café, qui un thé pour se remettre des émotions provoquées par ces récits, Nicole a apporté le « Dit de Tyan-YI » de François Cheng de l’Académie Française et dont la vie s’est organisée autour de l’écriture, avec l’objectif de relier la culture Française et la culture Chinoise.

Edité en 1998, il décrit une fiction personnelle entremêlant d’une part,  sa vie française pleine de sobriété, du travail d’écriture complexe, nourrie de philosophie, de poésie et de peinture européenne, et  d’autre part, les souvenirs de sa famille chinoise, faits de labeur, de privations, de pertes… Quand il revient dans son pays natal, il ne retrouve que peu de membres familiaux, oncles et tantes rescapés des maladies du communisme chinois. Il apprend que ses deux amis de cœur « l’Amant et l’Amante » ont probablement disparu, l’une est morte de chagrin quand l’autre est porté disparu dans les camps de Sibérie chinoise au nord ; meurtri, désolé, il va rejoindre les lieux de douleur où son ami a souffert, et en fait HAOLANG reparait, au sortir d’une famine, « nous nous découvrons vieillis mais vivants… Nous sommes devenus des demi-sauvages ». Ils restent dans une ferme collective où les dirigeants du camp, éprouvés eux-mêmes, ne se hasardent pas à revenir à la discipline de fer d’avant la famine… » 1968, les Gardes Rouges arrivent et prennent le commandement du camp.  Mais pour ceux qui ont souffert dans leur corps et leur être, la fin s’annonce par la maladie et l’hôpital…Les luttes sont passées.

Sylvie demande en quoi ce livre et surtout l’écrivain Cheng, qu’elle aime beaucoup nous apporte un exemple de la Tyrannie,  et je la comprends car je n’ai pas choisi les passages de souffrances ou de terreur. D’ailleurs Cheng est toujours maîtrisé et poète, il symbolise les souffrances, il faut les découvrir dans ses mots, ses pudeurs. En fait ce Chinois rencontre à son retour en Chine, le Chaos, le peuple en souffrance, les camps inadmissibles, semblables aux camps nazis et à la solution finale. Et ses amis qui ont supporté ces épreuves indicibles ont résisté longtemps puis leur corps a lâché sans se plaindre, stoïquement. « Puis après comme moi, souffre et meurs sans parler. » dit Vigny….

Enfin, c’est Marcel qui veut nous parler très rapidement d’un livre de Sandor Maraï, un écrivain qu’il aime particulièrement : «Les métamorphoses d’un mariage »1980 traduit en 2006. Ce grand bourgeois hongrois est un splendide écrivain ; il raconte, dans l’environnement politique de cette période de la Hongrie, le dessèchement d’un amour, mais aussi la décomposition d’une société, comme les gouvernements d’Europe Centrale, et l’Autriche-Hongrie ont pu le vivre à travers les décisions politiques prises en face des tyrannies nazie ou soviétique. Nous l’avions déjà approché avec « la confession d’un bourgeois »1935 du même écrivain.

Merci à Marcel de nous rappeler combien de peuples ont souffert d’être envahis, dépossédés de leur culture, de leurs biens ; de subir des avanies, des doutes, des injustices, au cours des « confessions publiques » organisées par les polices de répression. Et plus encore…

On rappelle d’autres œuvres « Impossible » ; Jean, je crois, nous avait fait connaître Erri de Lucas et « Monteddido »…

Merci à tous de nous faire vivre et revivre des moments d’émotions et de partage des valeurs qui permettent de croire à la liberté et aux droits de l’Homme.

Savez-vous que nous nous sommes quittés à 17h30… !

Nous serons ensemble le 6 mars à l’Ermitage à 14h30, nous accueillerons Gérard Menu, et nous partagerons sa dernière œuvre, un film sur l’Argentine et plus..

A bientôt. Nicole.

Retrouvez la liste des livres cités au café littéraire en cliquant ici