Beaucoup de nos amis se préparent aux vacances d’été, nous leur souhaitons beaucoup de joies.
Nos lecteurs passionnés sont présents, nous les remercions de leur fidélité : Annick, Marcel, Marielle, Isabelle, Sylvie, Jean, Marie, Marie-José, Noëlle, Nicole, Louis, Renée et Evelyne malgré une forte douleur lombaire.
Ceux qui pensent à nous : Nadine, Jeannine, Nicole D, Nicole C, Marie Do, Christine, Jean-jacques, Mauricette, et nous pensons à eux.
La préparation de la « soirée des Talents » jeudi prochain : Les lecteurs intervenants ont reçu tous les documents relatifs à l’organisation. Nous en parlons, nous nous réconfortons un peu, et nous pensons à apporter des « biscuits, bouchées salées et sucrées, légumes ou fruits préparés, des boissons fraîches ou alcoolisées… ». Tout va bien…
Nos livres, nos expériences… Louis a pris quelques jours pour visiter, Conques et ses vitraux, le Musée Soulages. Il souhaite nous en parler :
Visite de Conques en Rouergue le 11 juin, à quelques kilomètres de la vallée du Lot. Ce nom de Conques aurait été donné par Louis le Pieux, fils de Charlemagne protecteur de l’Abbaye Sainte Foy et du Monastère, à cause du site en frome de coquille, Charte du 8 avril 801. On accède à Conques par la vallée encaissée du Dourdou ; les pentes escarpées et la forêt très dense engendrent un paysage grandiose et austère naturellement propice à l’installation d’une abbaye. La situation du village à flanc de coteau n’est pas sans rappeler celle de Rocamadour.
L’histoire du site débute avec un certain ermite Dadon, qui, à la fin du VIIIème siècle, choisit de se retirer dans ce site sauvage. Il abandonne quelques années plus tard le lieu à une petite communauté de moines bénédictins qui érigent le monastère de Conques. Celui-ci est très vite protégé par les rois carolingiens et doté, vers 866, des reliques d’une jeune martyre chrétienne d’Agen, Sainte Foy. Ces régions retirées dans des vallées escarpées ont été très tôt des asiles pour les chrétiens persécutés. (Cagots, ou descendants des peuples goths, puis hérétiques…) On sait l’importance qu’accordaient les communautés religieuses à la possession de reliques pour assurer leur développement grâce aux nombreux pèlerins venus se recueillir. Dès le XIème siècle, Conques devient une étape sur le chemin de St Jacques de Compostelle « la Romieu » (via romius).
L’Abbaye, comme tout le village, a été construite avec les matériaux locaux, le schiste bleuté, qui donne un éclat particulier aux toitures en lauzes, le grès rose et le calcaire mordoré. A l’approche du village, on aperçoit soudain l’Abbaye qui jaillit en quelque sorte vers le ciel, imposante, millénaire. Les humains agités dont je fais partie vivent dans le provisoire, l’éphémère, le jetable depuis de nombreuses années. J’ai d’emblée ici un autre sentiment car ces murs semblent faits pour l’éternité, hors du temps, hors du monde que je vais oublier pour un moment. Je comprends l’attrait qu’a pu avoir ce lieu sur Christian Bobin, mais il a dû choisir une période moins touristique que juin car le silence, le recueillement ne sont pas à l’ordre du jour pendant mon court passage.
Après avoir exploré le village par ses ruelles étroites pavées grossièrement, j’aborde l’Abbaye. Dès l’entrée, je me sens comme écrasé par la masse de pierre de cet édifice roman et par son élévation ; mais l’église bénéficie de nombreuses ouvertures qui la rendent assez lumineuse. Je sais, par Christian Bobin toujours, que les vitraux ont fait l’objet d’une restauration. C’est Pierre Soulages qui a été chargé de cela et il y a consacré 7 années pour l’ensemble des vitraux. Je suis désarçonné de prime abord : pas de couleur et rien de figuratif contrairement à tout ce que l’on voit dans nos églises habituellement. Tous les vitraux sont blancs et seuls les tracés des plombs, dans des directions quasi toujours parallèles, semblent contribuer à l’organisation plastique de l’ensemble. Soulages voulait que le pèlerin ne soit pas distrait par des couleurs vives, des scènes bibliques ou autres : l’essentiel devait rester dépouillé, consacré à la prière. Il a eu raison. Mais il a fait un travail important sur le verre avec un verrier de Rodez, permettant de réaliser un verre translucide avec des inclusions sphériques diffractant la lumière extérieure de manière différente selon l’ensoleillement et le moment de la journée. Je n’ai pas eu la chance de voir ce qu’avait si finement observé Bobin et rapporté de manière si poétique dans « La nuit du cœur » mais il avait longuement séjourné à Conques. Je n’aurai que des mots maladroits pour traduire des émotions sur ce lieu et je crois que le mieux est de se laisser emporter par la poésie de « La nuit du cœur ». Sylvie nous donne une lecture des deux premières pages avec son talent habituel.
Il convient de noter que Conques a été construite autour de l’Abbaye car les Bénédictins ne cherchaient pas l’isolement comme les Cisterciens. Six moines vivent ici en communauté.
Nicole enchaîne dans le même ordre d’idée sur l’abbaye de la Chaise-Dieu (Saint Robert) où se tient chaque année un célèbre festival musical, celle de Monastier Saint Jaffray en Haute Loire, très intéressante également, et aussi Brioude. Marcel indique que sans aller aussi loin, on peut voir de très belles églises romanes en Charente Maritime.
Louis revient alors sur le sujet du déconstructivisme (mouvement architectural apparu dans les années 1980) qu’il a évoqué avec une spécialiste de la Drac, passionnée par ces architectes ; il a pu recueillir de nombreuses informations sur les architectes les plus représentatifs du mouvement.
L’un des architectes les plus remarquables de ce mouvement est Frank GEHRY, américano-canadien (né en 1929 à Toronto) : Musée Guggenheim à Bilbao, Walt Disney Concert Hall à Los Angeles, Experience Music Project à Seattle, Fondation Louis Vitton et Cinémathèque française, à Paris, etc…On peut se procurer un document hors-série « Connaissance des arts » montrant les nombreuses réalisations remarquables de cet architecte. Isabelle nous signale l’intérêt de la revue « Beaux Arts Magazine » en complément.
Peter David EISENMAN, américain, né en 1932 à Newark, est également une figure majeure du mouvement de la déconstruction architecturale. C’est un architecte et théoricien américain. Il vit et travaille à New York.
Zaha HADID née le 31 octobre 1950 à Bagdad (Irak) et morte le 31 mars 2016 est une architecte et urbaniste irako–britannique qui a aussi produit des œuvres tout à fait remarquables. Elle est l’une des femmes architectes les plus récompensées par la profession. Elle a notamment reçu le prix Pritzker (considéré comme le « prix Nobel d’architecture ») en 2004. Au début de sa carrière, ses bâtiments se caractérisent par des formes éclatées aux angles vifs, les édifices plus récents sont formés par des courbes. Ses œuvres majeures comprennent le centre aquatique de Londres pour les Jeux olympiques de 2012, le Broad Art Museum (Michigan), le MAXXI Museum de Rome et l’opéra de Canton (Chine). Plusieurs de ses bâtiments sont encore en construction au moment de sa mort, notamment l’aéroport international de Pékin-Daxing, et le stade Al Wakrah au Qatar.
Il faut aussi citer Bernard TSCHUMI, né à Lausanne le 25 janvier 1944 de nationalités française et suisse, est architecte et professeur à la Graduate School of Architecture, Planning and Preservation de l’Université Columbia, à New York.. Après des études d’architecture à l’école polytechnique fédérale de Zurich (jusqu’en 1969), il enseigne à l’Architectural Association de Londres (1970 à 1980), puis à l’Université de Princeton (1980-1981), ainsi qu’à la Cooper Union (1980-1983) et enfin à l’Université Columbia à New York.
Il est l’auteur de plusieurs livres et essais théoriques, notamment les Manhattan Transcripts, Architecture and Disjunction, la série Event-Cities et, plus récemment, Architecture Concepts : Red Is Not a Color1.
Quinze ans de recherches théoriques précèdent l’entrée en architecture de Bernard Tschumi. Lauréat du concours international, celui portant sur le Parc de La Villette à Paris, Bernard Tschumi est devenu depuis un constructeur réputé qui compte à son actif une grande variété de réalisations, allant de l’école d’art du Fresnoy jusqu’au nouveau musée de l’Acropole à Athènes, en passant par le siège de Vacheron-Constantin à Genève, le Lerner Hall de l’université Columbia à New York, le Zénith de Rouen, l’école d’architecture de l’Université de Floride à Miami, le condominium Blue à New York, le rocher de Palmer de Cenon (près de Bordeaux) ou encore le Zénith de Limoges. Il est également auteur avec Luca Merlini du projet « Interface Flon » à Lausanne. En 2014-2015, il inaugure quatre chantiers : le Parc zoologique de Paris, le Carnal Hall, en Suisse, le Haagse Passage à La Haye, aux Pays-Bas, et le second bâtiment du siège de Vacheron Constantin à Genève1.
Enfin Rem KOOLHAAS : « Rem » Lucas Koolhaas, né le 17 novembre 1944 à Rotterdam (Pays-Bas), est un architecte, théoricien de l’architecture et urbaniste néerlandais ne peut pas être ignoré dans ce domaine du déconstructivisme. Il occupe actuellement le poste de professeur en architecture et design urbain à la Harvard Graduate School of Design, aux États-Unis. Koolhaas a étudié à la Netherlands Film and Television Academy d’Amsterdam, à l’Architectural Association School of Architecture de Londres, ainsi qu’à l’université Cornell d’Ithaca1.
Il fonde en 1975 à Londres, l’Office for Metropolitan Architecture (OMA pour « Bureau pour une architecture métropolitaine »), avec Elia et Zoe Zenghelis, et Madelon Vriesendorp. L’objet de ce bureau d’architectes est « de définir de nouveaux types de relations théoriques et pratiques entre l’architecture et la situation culturelle contemporaine »2. L’agence gagne en renommée grâce à plusieurs projets architecturaux et concepts urbains : l’extension du Binnenhof, le siège du Parlement néerlandais à La Haye (1978), la prison de Koepel de style panoptique à Arnhem (1980), et deux bibliothèques pour le campus universitaire de Jussieu à Paris (1993). Un deuxième bureau est ouvert en 1978 à Rotterdam.
La discussion se poursuit sur la possibilité d’organiser lors de la future saison une visite du musée Guggenheim de Bilbao, avec le concours de notre architecte Marcel bien évidemment. Cette idée semble rencontrer un accueil favorable, compte tenu d’un éloignement modéré (2h30 de route selon Marcel) et nous devrons donc y revenir.
Puis la discussion s’engage sur le film « The quiet girl » que Sylvie nous avait été suggéré de voir, conseil que la quasi-totalité des lecteurs a pu suivre à l’Utopia. Notre réflexion et nos échanges concernent le film : Colm Bairéad, cinéaste, a adapté le roman de Claire Keegan, « Les trois lumières »2010. « Ce court roman de C. Keegan nous touche comme aucun roman fleuve n’a réussi à le faire… »
C’est Jean qui ouvre les échanges en donnant les mots que lui suggère ce film : <lenteur, silence, famille cahotique, affection…> puis il fait un schéma rapide. Sylvie reformule « cette très jeune fille n’est pas à l’aise chez elle, elle se comporte ainsi, elle entend les critiques de ses sœurs, la famille entière… et elle ajoute une phrase extraite du film : « Un secret dans une famille est un poison (honte) »..un débat s’engage car nous avons tous été remués par le personnage de cette enfant de 10 ou 12 ans, énurésique, non accompagnée pour son mal être, blâmée par toute la fratrie et les parents. Marie-José fait une analyse presque professionnelle, Marielle exprime son inquiétude devant la dégradation de la vie familiale, les solitudes adolescentes, la violence qui se généralise à beaucoup de groupes sociaux. Les lecteurs pensent ensuite aux rôles parentaux, Isabelle se souvient des images du père, et les compare avec celle de l’oncle qui trouve en cette enfant un être qui souffre et qui a besoin d’être confortée, soutenue dans ses capacités enfin découvertes, la course à pied, la volonté d’aider les adultes, de participer. Et peu à peu cet oncle et son épouse oublient leur douleur, la perte du jeune fils, pour sauver cette enfant qui leur donne sa confiance. En miroir ils lui montrent sa valeur.
Peu à peu les échanges font place à la méditation et à l’idée qu’on pourrait ne jamais s’arrêter de noter les images remarquables sur des comportements filmés avec une telle science.
Pour évoluer, nicole se permet de présenter trois livres assez courts sur la famille de notre temps ; certes, elle coupe avec l’enfance chaotique de la petite irlandaise, mais pas vraiment :
Deux livres écrits par des femmes : * Annie Ernaux : « La Place », 1983, chez Folio ; et « Géographie d’un père » de Pascale Dewambrechies 2022. Editions Passiflore.
Un livre écrit par un écrivain connu, Phillipe Besson : « Ceci n’est pas un fait divers » 2023 chez Juillard.
Ces choix sont des hasards après l’influence du film ; ces familles déconstruites m’attachent, m’inquiètent : quels sentiments, quelles attitudes peuvent avoir ces fillettes et ces jeunes gens devant les drames familiaux, et plus tard dans leurs vies.
Dans son livre, Annie Ernaux commence en exergue par une phrase de Jean Genet : « Je hasarde une explication : écrire c’est le dernier recours quand on a trahi »… Cette citation est très intéressante, nous le verrons plus tard dans nos commentaires.
Pourquoi ces rapprochements ? Je ne vais pas donner le résumé de ces volumes, ils sont courts et éclairants. Annie Ernaux raconte son enfance depuis sa réussite au Capes de Lettres et sa vie de famille après la mort du Père. Elle définit son regard et son style, p 24, : « Depuis peu, je sais que le roman est impossible…Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante. L’écriture plate me vient naturellement, celle-là même que j’utilisais en écrivant autrefois à mes parents pour leur dire des nouvelles essentielles. »
Pour Pascale Dewambrechies, écrivaine française, née en Allemagne, diplômée de l’Ecole Normale ; après quelques années d’enseignement, elle entre dans l’industrie et parcourt les routes ; puis fonde une famille et choisit l’écriture avec succès dès son premier livre « L’effacement ». « Géographie d’un père » est son 3eme roman. Des émotions, des colères, son écriture est fine et pudique, mais elle retrace des moments lourds de conséquences pour elle-même. Et puis se noue peu à peu son aventure, passant de la Haine à l’Amour. Une description remarquable de l’ambivalence des sentiments, et de la résilience enfin.
Philippe Besson s’attache à un fait divers à la manière de Magritte, fait divers comme on en connaît chaque mois depuis quelque temps en France. Ses personnages sont les enfants du drame : le grand frère et la petite sœur, comment vont-ils surmonter leur terreur, leur solitude, leur rancœur. Le récit est pudique ou assez froid, l’important est d’éviter le Pathos, se détourner discrètement comme dans le tableau de Magritte … un choix intéressant.
Ce sont des témoignages sur la famille et ses drames, mais aussi ses violences qui reflètent celles de la société actuelle. Cela m’a paru nécessaire de parler de ces « paradis » qui se changent en cruelles expériences. Il doit être difficile d’être « père » en ce moment, mais être « mère » est aussi difficile ; trouver le bon comportement pour vivre en bonne intelligence en respectant les besoins de l’une et de l’autre. Beaucoup choisissent la séparation…peut-on faire autrement ?
Bien sûr, dans notre groupe, chacun est pris par le sujet ; mais bien que nous soyions tous concernés par ces drames, mon intérêt penchait vers les styles de ces écrivains, « le style c’est l’homme, » dit-on couramment dans la littérature. Façon de voir ou de sentir, ou de s’opposer, ou de changer de point de vue, ou de dialoguer dans le livre avec d’autres écrivains que les lecteurs reconnaîtront…
Le thème de la relation au « père » a nourri la Psychanalyse, de même que le théâtre grec ; Qu’en est-il maintenant après « Me too » et ses excès ? Après les 55 crimes de sang contre des femmes en France, cette demi-année 2023.
C’est Marcel qui pose la bonne question avec humour : « Pourquoi la femme est-elle toujours la coupable ?» et il lit un texte étonnant d’humour et de facéties décrivant la révolte de Eve au Paradis pas encore perdu !… et Marielle reprend « Pourquoi les sociétés des trois religions du livre en veulent autant à la femme ? »
Peu de réponses, mais nous pensons tous à l’Afghanistan, à certaines régions d’Afrique ou à l’Iran…Nous comprenons que même en France dans certaines périodes, la femme a dû accepter une vie d’esclave économique et parfois un réel arbitraire devant le pouvoir du Patriarcat… mais pourquoi tant de drames familiaux dans notre pays des droits de l’homme ?
Il semblerait qu’un des mythes fondateurs de la pensée moderne, selon Elisabeth Roudinesco et Michel Plon, soit le matriarcat, considéré comme une source de Chaos, d’anarchie et de désordre, s’oppose au patriarcat » synonyme de raison et de culture » soit l’inverse et le règne du matriarcat est présenté comme un paradis naturel que le patriarcat aurait détruit par son despotisme autoritaire.(Patriarcat 2011 pochothèque)
Merci à tous de poser des questions aussi cruelles et présentes. Nous en parlerons plus tard dans notre prochaine année…2023-24. A bientôt, en Septembre. Nicole, Louis, et vous tous.