Café littéraire du 16/01/2023 📜📚

Aujourd’hui nous avons le grand plaisir de recevoir Joël Mansa, Ecrivain et Poète, grâce à Evelyne et à son art de plasticienne qu’elle pratique avec Mme Mansa. Nous sommes dans notre salle à L’Ermitage-Compostelle. Nous ont rejoints : Marcel, Marie, Noëlle, Annick, Louis, Jean, Michel, Marie José, Marielle, Nadine, Jean-Jacques, Jeannine qui nous fait le plaisir de participer pour la première fois.  Nous regrettons Sylvie qui nous a prévenus, merci vivement à notre amie.

Joël Mansa est entouré de ses livres, romans, théâtre et poèmes. Une bibliographie sera posée en conclusion.

Il est difficile de rendre dans ce compte-rendu, l’attention admirative de notre assemblée. Chacun a lu une œuvre et a posé devant soi un volume de notre invité. C’est dire combien il était attendu. Evelyne présente la situation et invite Monsieur Mansa à faire connaître son parcours et ses sources d’inspiration. Elle ajoute qu’elle a pu le rencontrer à la Petite Mezzanine : le poète-écrivain y lisait sa pièce de théâtre « le Manteau d’Elysée ». Passionnant.

<< Il est difficile de parler de soi, en public : Joël Mansa aime les promenades poétiques, pas à pas, dans la ville, Bordeaux ou dans la région. Ce sont des méditations sur la beauté de la nature et sur les lieux de souvenir, La Brède par exemple. Il fait l’éloge de la marche et pratique les Promenades Poétiques, son futur écrit.

La poésie l’a toujours intéressé, dès son jeune âge, 7 ans environ. Ou du moins c’est ce qu’il ressent, il pense à Fernando Pessoa, animé de la même passion. « Ce n’est pas une ambition, c’est une façon d’être seul au monde », une sorte d’identité. Et pourtant cette solitude n’est pas repliement mais l’unicité avec le monde ; Une façon d’être dans le monde, de voir le monde ; la poésie est partout, J.L.Borgès aimait marcher dans la ville, sa ville. D’ailleurs la marche aide à l’écriture pour certains, V.Hugo marchait, écrivait debout ; Flaubert avait son « gueuloir » pour dire et crier son texte, évaluer le rythme, la sonorité ses phrases.

Marcel questionne sur « l’écriture automatique » qui peut s’installer, grâce ou parce que l’écriture devient besoin, exigence, « manque » pour celui qui pratique constamment son art. Joël Mansa répond par une parole de Paul Valéry qui nous attache, « Quand j’écris de la prose, un roman, je le fais en marchant ; quand j’écris de la poésie, c’est en dansant. ».

« La poésie doit nous sortir de nous-mêmes, elle nous sort de la réalité la plus sordide et veut donner de l’espoir aux humains ; elle a la « vertu » d’atteindre l’Unique, l’Universel. Joël nous rappelle que son enfance difficile l’avait rendu non seulement malheureux, mais aussi en recherche d’espoir. La guerre en Ukraine l’a ému en lui rappelant des souffrances connues, une révolte devant la guerre destructrice, inhibante, révoltante. Marie José demande si les mots entraînent, elle dit « se donner aux mots » quand il est difficile de trouver comment en parler.

 J’interviens pour dire mon admiration devant l’enchaînement des poèmes de « La Beauté, sitôt menacée » ; la délicatesse des mots qui se font écho, pour passer des « Murmures » à la Patience, à la Nature-modèle de patience, puis la croyance en la Beauté –Amour pour s’opposer à la douleur de la destruction ; cela demande beaucoup de travail...  Joël répond que Dante a parlé de la Descente aux Enfers, la Poésie est sœur du Malheur, mais elle doit apporter de l’espoir et de la sérénité.

Louis parle de la « résilience », comme Boris Cyrulnic qui a vécu lui aussi une enfance douloureuse. La rencontre des bonnes personnes est essentielle à la survie ; ce qui conduit Joël Mansa à nous parler de son passage de 18 mois dans un monastère où il a pu reprendre des forces, une structuration, une confiance en lui.  Il pense que la Beauté ne disparait pas, que l’Amour est toujours là.

Il pense à la « Poésie féminine » qui l’intéresse, il a consacré un livre à Louise Labé « Je vis, je meurs », cet oubli de la poésie, créée par des femmes cultivées, mais peu diffusée ou captée par des ambitions masculines, le révolte. Il pense à Lucile de Chateaubriand, jolie, jeune, talentueuse créatrice de poèmes en prose, mais elle ne fut pas soutenue comme le fut son frère René et eut un triste destin. « Gaspard de la nuit » n’est donc pas le premier poème en prose …Les plus audacieuses furent des « Salonnières » connues à Poitiers. Louis fait remarquer que Philippe Torreton vient de publier une Anthologie de la poésie française qui donne une place particulière à la très riche période du Moyen Age et aux femmes poètes en particulier.

Un lecteur intervient, Marcel, a lu « Entre les morts et les vivants », et pose la question de l’influence des religieux pendant son séjour de 18 mois au monastère. Le Poète répond en expliquant que ce séjour lui a permis de comprendre le sens des valeurs, il y a rencontré des hommes qui l’ont rassuré sur lui-même lui donnant plus de confiance en lui. Il y a trouvé « quelque chose de magique », le « spirituel ». Baudelaire lui-même n’est pas religieux, mais il a une dimension spirituelle. L’Institution est plus contestable, mais il y a trouvé de bonnes personnes qui l’ont reconnecté au sens du Bonheur. Dans ses voyages aussi, il a rencontré des personnes de grande qualité, chez les Affar par exemple près de l’Ethiopie.

Après cet épisode, il a repris ses études qu’il avait stoppées à 14 ans, sur un coup de tête pour se libérer de son père brutal et d’une mère indifférente.  Auparavant il avait » vadrouillé » en France, fait des petits boulots, devenu archiviste à la Sécurité Sociale ; un accident au Pont du Gard a modifié sa vie, l’amenant à être soutenu, aidé et c’est lui-même qui avait demandé à passer une période dans le monastère. Par la suite, il passe le baccalauréat, entre en faculté de Lettres. Ses lectures, ses dons poétiques, ses écrits l’aident à brûler les étapes et à réussir l’agrégation de Lettres. Il devient professeur en Collège, puis en Lycée dans le 93. Ses élèves l’apprécient et le comprennent parce qu’il les écoute, leur donne aisément l’espoir de réussite, et cela se confirme. On lui confie la formation des jeunes professeurs à l’IUFM de Créteil. Son parcours original devient un « plus » que ses collègues reconnaissent comme une exception. Mais chacun n’est-il pas différent des autres par bonheur !

Pour lui l’écriture est un « engagement pour aider les hommes », les voisins, les autres. Pour René Char également ; « le rôle du poète est de témoigner de la réalité du monde ». L’écriture n’est pas une résilience pour Joël Mansa, au contraire de Boris Cyrulnik. C’est un rôle social, comme pour les poètes du 19ème siècle. Il est constamment dans la poésie, elle apporte du Bonheur.  Il y a des écrivains heureux, Jean Giono dans sa Maurienne ; Albert Cohen dans « Le livre de ma mère » est heureux ; Jean D’Ormesson ; tous ont la passion d’écrire pour témoigner de ce qu’ils vivent.

Annick nous lit un texte du dernier écrivain cité, Jean d’Ormesson ou le bonheur d’écrire et de vivre.

Jean demande si la poésie est une recherche du « sens », sens de la vie ? Il aime l’Eloge de la lenteur, Carl Honoré dit même que s’ennuyer un peu est bénéfique. Est-ce un apprentissage de la liberté ?

Joël choisit un des plus beaux poèmes, destiné à sa femme où l’Amour est triomphant, c’est le Bonheur extrait « De toutes les solitudes » :

« Sais-tu la joie la plus intense ?

« C’est la joie que ma joie te donne. »

Cela donne du sens à l’absurde !

 Il faut retrouver la foi en soi, contre le fatras de la vie. Aimer, donner de l’Amour, c’est le sens, le désir de vivre. En cela il rejoint CH. Bobin …son ami (La plus que vive) tant d’émotions donnent envie de vivre : l’Art, la création, la nature, l’amitié d’un groupe.

Jean-Jacques lui demande « Et aujourd’hui, où en êtes-vous ? » Quelle est votre inspiration ? le mot « Murmure » l’a interrogé. Le Poète est donc un « témoin de la société, du monde, plus un amoureux des mots ». Joël lui répond « Le mot « Murmure est un des plus beaux mots. Une grande richesse, près de 27 acceptions. J’aimerais faire un livre de 27 chapitres, chacun étudiant un sens de ce mot merveilleux.  Joël ouvre le livre de poèmes « La beauté, sitôt menacée » et montre sa composition, trois parties, 17 poèmes chacune, un sommet de l’émotion au 10ème (Pour croire en la Beauté : j’ai tes yeux et la nuit pour comprendre le ciel…).

Il est difficile de faire comprendre aux autres ce que l’on ressent, difficile de partager et d’exprimer : c’est parfois l’indicible, l’impartagé. Pierre Reverdy a inventé ce mot (« Le bonheur des mots »). Il y a quelque chose de plus dans la Poésie, elle va plus loin que le langage rationnel (Verlaine « De la musique avant toute chose) Préfère l’impair au pair… Elle se pose aux limites de la compréhension, elle suggère, elle appelle le « sentir » plus que le « savoir ». Christian Salmon, Milan Kundera ont enquêté sur les diverses manières d’écrire le monde, la Poésie s’apparente au langage non rationnel, plutôt sensible. La caresse, le murmure…

Louis pense à George Semprun confiant que ce qui lui a permis de tenir en camp de concentration, fut la lecture de René Char. Joël reprend : « Primo Lévy racontait l’Enfer de Dante à ses compagnons de captivité ; R. Desnos est mort d’épuisement et du typhus en Europe Centrale, en ayant été reconnu par un de ses lecteurs tchèques en 1945, un mois après sa libération des camps par les Russes… Pour aider ses amis à exister dans les camps de destruction de la personne, il les fêtait en leur disant les anniversaires de chacun. Joël conseille de lire « Corps et Biens » de Robert Desnos. Joël insiste en disant que seuls les communistes et les croyants survivaient dans les camps, ils avaient de l’espoir et une forme de désir de survie. Victor Frankel survit en prison grâce à une branche d’arbre visible par sa lucarne.

Marie José je crois, observe que la fin des poèmes est souvent une reprise en force, révolte ou rumination lancinante pour inciter à aller plus loin dans la lecture… Joël a fait la même remarque dans les romans de Céline. Rythme, musique, sont essentiels à la création poétique. >>

Pendant le moment de signature de Joël Mansa sur ses beaux ouvrages, un peu de café ou de thé permettent à tous les lecteurs et lectrices de reprendre des forces, de se réjouir des moments passionnants vécus auprès de cette belle rencontre pour nous tous. Merci à Joël et à Evelyne.

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Le prochain café littéraire aura lieu à l’Ermitage-Compostelle, le 30 janvier 2023 de 14h30 à 16h30.

Nous serons présents pour la Conférence de Anne-Marie Cocula-Vaillères, sur le TYRANNIE.

Retrouvez la liste des livres cités au café littéraire en cliquant ici