Bonjour à tous les amateurs de livres et de lectures, nous nous retrouvons avec joie.
C’est Marie qui nous reçoit aujourd’hui chez elle, nous la remercions vivement, elle nous a préparé des rafraichissements, du café et de merveilleux gâteaux. Merci à Louis pour ses canelés qui sont très appréciés. Nous retrouvons, Jean et Robert qui sont arrivés puis Nadine, Arlette et Suzel. Jean-Jacques, Mauricette, Evelyne, Marie José, et Marcel, Marie Françoise sont indisponibles, merci de nous avoir prévenus, nous leur souhaitons une bonne journée et une bonne santé.
Autour du café, Nicole propose de commencer les échanges, et Suzel va nous parler de José Saramago, prix Nobel Portugais de 1998. Lors du dernier café, elle nous avait passionnés par son humour et sa joie d’intervenir et nous étions impatients de connaître ce grand écrivain. Fils de paysans pauvres du centre du Portugal, il a fait des études professionnelles de serrurerie. Passionné de littérature et de langue françaises, il exerce différents métiers, puis devient journaliste. Opposant au régime de Salazar, il s’implique politiquement et socialement dans de nombreux mouvements, il commence à écrire des romans, de la poésie, des pièces de théâtre. A 47 ans, il adhère au Parti communiste, 1968-69 sont des années de changement, en 1974, à la chute du régime Salazar, il est nommé à la tête du prestigieux Diaro de Noticias, quotidien historique du Portugal, dont il est exclu une année plus tard.
Ses romans sont de plus en plus appréciés et traduits dans le monde entier. En 1998, il obtient le prix Nobel de Littérature « pour avoir grâce à ses paraboles soutenues par l’imagination, la compassion et l’ironie, rendu sans cesse à nouveau tangible une réalité fuyante dans une œuvre aux profondeurs insoupçonnées et au service de la sagesse. » Cette phrase, dit Suzel, décrit bien l’œuvre qu’elle nous présentée : « Caïn » est écrit une année avant son décès. Suzel reprend son conseil pour les futurs lecteurs du groupe, le style est particulier puisqu’il fait fusionner style direct et indirect (style direct : la parole de l’orateur est notée avec des guillemets- style indirect : la parole, le discours sont rapportés par une autre personne qui intervient indirectement dans l’échange.), et les seuls signes de ponctuation sont la virgule, le point et le passage à la ligne pour changer de paragraphe. Les majuscules ne sont utilisées que pour signaler un changement de personnage. J. Saramago écrit très simplement, son apparente simplicité recouvre complexité et ironie.
Suzel nous rappelle que Caïn est le premier assassin de l’histoire, il vient de tuer Abel, son frère. Pour le punir Dieu le condamne à l’errance, et Caïn va donc nous entraîner dans les épisodes des temps bibliques : l’incendie de Sodome, la colère de Moïse, les massacres de Jéricho, l’histoire de Job et se termine par sa rencontre avec Noé qui construit l’arche. Caïn est banni, puni, mais il est fier et veut impliquer Dieu dans les malheurs subis par les hommes, il n’est que la main, il n’est pas responsable de l’acte décidé plus haut. Comment se terminera cette errance ? Il est bon de lire.
Un autre livre de l’écrivain portugais « L’évangile selon Jésus-Christ » (1991) déclencha un véritable scandale dans ce pays très catholique. Il est un grand connaisseur de l’Ancien et du Nouveau testament, cela donne une grande résonnance à son approche critique des textes bibliques.
A rapprocher des interprétations diverses des grands récits religieux, comme celle que fait Eric Emmanuel Schmitt dans « Les paradis perdus » Tome 1 ; toutefois, E.E. Schmitt ne décode pas les textes bibliques, il se penche sur la réalité ou la vraisemblance des événements ou des lieux cités dans ces textes avec notre regard plus scientifique. Il reste un libre-penseur pas spécialement critique. Alors que le projet de Saramago est plus radical : il critique la position de la religion devant les malheurs humains.
Marie étant bien occupée avec le café, Nicole va présenter un joli roman que nous avons acheté lors du Forum du livre de poche de Pessac. « SARA ou l’émancipation » date de 1838, écrit par le Suédois Carl Jonas Love Almqvist (1793-1866), écrivain, compositeur, dramaturge et poète. Il enseigna à l’université d’Upsala durant 15 ans. Beaucoup de ses œuvres sont enseignées à l’université, dont « Le joyau de la Reine », « Chronique du Château », « Le Palais » et « Sara ». C’est un roman féministe qui fit scandale à sa parution au XIXème siècle. Un texte d’une étonnante modernité sur le combat d’une jeune femme qui veut préserver sa liberté d’agir, son indépendance et sa franchise verbale. C’est aussi une idylle très originale à l’époque, non pas une « fleurette », mais une volonté moderne de vivre un nouveau type de couple. Pas de ressemblance avec « Paul et Virginie » de Bernardin de St Pierre (1788)( idylle naïve et vertueuse au sein de la Nature où vivent deux familles mono-parentales), ni avec « Adolphe ou l’âge tendre » de Benjamin Constant (1816)( il décrit la désagrégation du couple amoureux), ni avec « Corinne ou l’Italie » de Germaine de Staël (elle décrit une histoire d’amour entre la poétesse italienne, Corinne et un noble anglais Lord Oswald Nelvil. C’est un roman intelligent influencé par les Lumières, Rousseau, Voltaire et Diderot, mais aussi romantique avec le goût des ruines, des paysages baignés de soleil et scandés d’ifs et de grottes ombreuses.)
SARA est un petit livre court et précis qui explique la société suédoise dans un cadre particulier, un parcours en bateau sur les fleuves, canaux et lacs du sud du pays, entre Stockholm et Göteborg. Le bateau à voiles est divisé en lieux déterminés par les classes sociales, la proue ventée pour les gens simples, l’arrière plus confortable pour les bourgeois aisés. Les salons et restaurants, à l’intérieur sont réservés à la clientèle riche.
Sara est désolée, sa tante en retard est restée sur le quai, mais elle s’organise et protège ses bagages, change de signes d’appartenance, quitte son chapeau et met un « fichu » comme une fille du peuple, pour n’être pas remarquée. Elle reste sur l’avant du navire pour éviter la foule qui se promène sur le pont. Un jeune militaire Albert souhaite la rencontrer puisqu’elle est seule et sans l’aide de sa tante. Les premières approches sont difficiles, mais peu à peu ils font connaissance. Puis Albert se rend compte que si ses audaces sont déçues, il n’y a pas, cependant d’opposition réelle. Le temps passant, le repas leur donne l’occasion de descendre à terre à l’escale, de marcher un peu et de se détendre. Les questions d’Albert vont permettre peu à peu de libérer la parole de Sara qui explique sa situation, son métier, les responsabilités qu’elle assume après la mort de son père, la maladie de sa mère et les contraintes posées par les Corporations. Ces institutions protègent les artisans de valeur, mais n’ont pas de visée sociale pour la veuve ou l’orphelin. Au fil du voyage, les codes sociaux, les milieux professionnels, les habitudes religieuses, les attitudes des jeunes gens se précisent en sorte qu’il est moins étonnant pour Albert que Sara se comporte déjà en femme responsable et libre.
Le roman se lit doucement pour saisir toutes les notes d’humour et de badinage entre Sara et Albert, mais aussi les qualités de chacun qui se définissent, leurs personnalités sensibles et respectueuses des idées et des goûts de l’autre. Exceptionnellement dans la littérature, Sara est le personnage dominant par son sérieux, la conscience de ses devoirs, adouci par sa féminité, ses esquives ; Albert, lui, va de découvertes en repliements sur soi, pour comprendre et s’adapter ; il ne reste pas longtemps ingénu, mais se rend compte que sa compagne est de grande valeur : ses prises de conscience successives lui donnent de la profondeur. Quant à Sara, elle trouve souvent les bonnes solutions, comme si son prénom signifiait « ça ira ! ».
C’est Marie, maintenant qui nous parle du livre acheté au Forum de Pessac, sur le stand très courtisé de Virginie Grimaldi, autrice de « Le premier jour du reste de ma vie », écrit en 2015, à 38 ans. Elle est née près de Bordeaux, et réside toujours dans la région. Ses livres ont beaucoup de succès et sont traduits en 20 langues…. Elle est engagée dans une défense du féminisme.
Dans ce roman, trois femmes se rencontrent au cours d’une longue croisière autour du monde. Anne (60ans) est assise dans l’avion à côté de Marie, plus jeune et moins sensible aux turbulences aériennes. Elles découvrent qu’à l’atterrissage elles seront dirigées vers l’embarcadère. Elles font donc connaissance : chacune a vécu des difficultés dans son couple et souhaite se changer les idées et réfléchir à son avenir. Elles vont sympathiser aussi avec Camille, 25 ans environ, qui veut vivre pleinement après une déception. Les longs voyages sont souvent des prises de distance avec le passé proche ou lointain ; ils représentent une nouvelle forme de vie, de découverte, d’échanges avec plus de liberté, d’abandon, de secret peut-être. Chacune se raconte, Marie par exemple a un mari chanteur de rock, Rodolphe, très entouré par ses fans et cela fait souffrir la jeune femme. Pourtant son style est original, elle est un peu hippy. Tandis qu’elle navigue, son mari va fêter son anniversaire, ses 40ans, et elle a tout préparé pour qu’il en garde un fort souvenir. Ses deux filles s’occupent de tout, accueillent les invités, et il pourra lire une lettre dans laquelle Marie lui annonce : « Tu vas être surpris, je pars…C’est toi qui recevras les amis » ; Certes Marie souffre de cet éloignement et de cette séparation, mais elle ne peut supporter les probables infidélités de son mari.
La croisière est d’ailleurs prévue pour des célibataires qui souhaitent le rester. Un concept nouveau qui repose sur la distance : Être solitaire et rester seul. Ces trois femmes sont donc « à la croisée des chemins », tantôt elles sont désespérées ou mélancoliques ; les escales sont bienvenues pour les distraire. Pour Marie, l’objectif est de divorcer, ne pas recommencer cette usure de la déception. Anne souhaite retrouver son compagnon au retour. Camille, elle, veut s’enrichir de ses expériences pour n’être pas blasée sans avoir vécu…
Selon son habitude Marie vous engage à lire ce roman qui aide à réfléchir, à se poser les bonnes questions de la vie, selon son âge, selon son niveau de vie, selon son caractère …
Une discussion s’engage, nous sommes tous en effet concernés par cet aspect de la vie, vivre seul ou s’organiser une vie de couple qui réponde aux espoirs de chacun des partenaires. Robert s’interroge sur la solitude, particulièrement quand on vieillit, la maladie, les chutes, les malaises peuvent faire peur à assumer, particulièrement si les enfants sont loin ou si l’on est sans enfant. Et je me permets de lui demander s’il garde des souvenirs sympathiques de sa carrière dans les grands hôtels. Avec gentillesse, il nous raconte quelques épisodes de sa vie dans un Sofitel, où, Concierge et Clef d’Or, il sut accueillir des personnalités charmantes dont il garde l’amitié, puis une ou deux anecdotes hilarantes qui nous ont guéri de la mélancolie littéraire. Merci Robert.
Nous avons été heureux de partager nos idées, nos souvenirs, nos confidences. Cela nous donne des forces pour lutter contre l’air « Covid » de cette fin d’année !
Nous nous retrouverons le lundi 20 décembre à 14h30 chez Evelyne Nègre.
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