Café littéraire du 05/09/2022 📜📚

Notre groupe fidèle se reconstitue à notre grande joie.

Nous accueillons aussi, en ce mois de septembre, de nouveaux visages et peut-être serons- nous plus nombreux pour échanger nos savoirs, nos idées, nos intentions et faire vivre l’association « Passerellesasso33.fr » créée en septembre 2020.  Cette année-là le Café littéraire s’est ouvert doucement en novembre, par Zoom interposé : des thèmes influencés par les attentats, par le covid ; des écrivains étaient cités par Marie, par exemple : Phillipe Lançon 2018 avec « Le Lambeau », Sylvain Tesson avec « Dans les forêts de Sibérie », Delphine de Vigan : « Rien ne s’oppose à la nuit »…

Pour cette première du café 2022-23, nos amis lecteurs ont écrit pour prévenir de leur absence et je les remercie : Louis, Marie, Christine, Marie José, Marcel, Marie Françoise, Mauricette seront disponibles un peu plus tard, bonne fin de vacances.

En revanche Evelyne, Jean-Jacques, Jean, Marie Christine et Patricia se sont annoncés et arrivent vers 14h30 chez Nicole. Autour d’un café Marie Christine et Nicole reprennent leurs échanges, les souvenirs du mois de Juin et c’est bien sympathique, puis arrivent Jean, Jean-Jacques en habit de cycliste, Patricia que je présente à nos habitués, elle est contente de participer, puis Evelyne toute bronzée dans une robe estivale. Tous prennent des nouvelles les uns des autres, se présentent à Patricia et parlent déjà des livres de leur été. Tous ont pris des notes et veulent en parler, mais l’organisation ne permettra pas de donner la parole à tous ; le temps passe vite.

Evelyne est sollicitée en premier car elle m’avait prévenue au téléphone très tôt de ses lectures qu’elle souhaitait faire partager. C’est Amélie Nothomb qu’elle a choisie parmi d’autres. Elle a lu tous ses écrits depuis le premier « Hygiène de l’assassin »1992. Cette écrivaine belge est très appréciée en France, elle s’est peu à peu constituée un « personnage » de femme indépendante, originale avec son chapeau noir et sa connaissance approfondie des vins rares. Elle participe à tous les grands séminaires de littérature et a reçu de nombreuses distinctions. « Stupeur et tremblements » en 1999 remporte le grand prix de l’Académie Française. Le film qui le transcrit parfaitement lui assure une grande célébrité, dés le début de sa carrière. Evelyne nous la décrit et parle de son dernier ouvrage « Le livre des sœurs » qu’elle trouve assez peu crédible et préfère le prix Renaudeau 2021 pour « Premier sang » sur la vie de son père qu’elle perdu peu de temps auparavant. La carrière diplomatique de celui-ci, excellente, est restée relativement discrète bien qu’il ait vécu des moments dangereux lors de la prise d’otages de Stanleyville en 1964. Dans le dernier roman, une sorte de conte cruel, l’écrivaine explore les liens familiaux entre deux sœurs, peignant sa sœur Juliette qui lui manque. Une sorte de relation fusionnelle s’est installée au cours de l’enfance et jusque dans l’adolescence, elles vivent ensemble pendant une trentaine d’années, Juliette de trois ans son aînée est une maman de substitution, mais aussi une muse, une cuisinière expérimentée. Tandis que leurs parents passionnément amoureux délaissent un peu leur fille, Tristane (Juliette)comprend que le nouveau bébé, Laetitia, sa petite sœur, sera sa compagne de vie pour de nombreuses années. « Elles vivent l’amour absolu, l’amour hors catégorie, un phénomène d’autant plus puissant que non répertorié ».

Evelyne aime particulièrement la style de A. Nothomb : sa façon de travailler est assez rituelle, son écriture créative, de base, est corrigée par la suite, raturée, de façon à trouver les mots percutants, dépouillés des adjectifs qui les atténueraient.  Cela donne des contes noirs, purs, sans concession qui vous émeuvent et vous déchirent le cœur…(Babelio). Des échanges nombreux approfondissent l’analyse. Patricia est une lectrice passionnée de cette femme de lettres, elle assiste à toutes les présentations chez Mollat, le libraire Bordelais.

 

Patricia, à son tour parle d’un livre qu’elle lit actuellement : « L’affaire Alaska Sanders » de Joël Dickers ». Le corps d’une jeune fille arrivée depuis peu dans la ville, est retrouvée morte au bord d’un lac. L’enquête est rapidement bouclée par la police qui obtient les aveux du coupable et de son complice. Mais onze ans plus tard, une lettre anonyme reçue par la police trouble le Sergent Gahalowood qui relance l’enquête. Ce scénario est encore imprégné du roman précédent tellement apprécié par le public. En fait Patricia semble déçue par cette lecture qui est complexe.

Jean-Jacques aime beaucoup Joêl Dickers : « Les derniers jours de nos pères » l’a intéressé lorsqu’il est paru en 2012, avec un prix du roman genevois : l’intrigue revient sur les rapports entre Churchill et la résistance française en Angleterre.

Nous enchaînons sur les ateliers d’écriture proches des éditeurs qui soutiennent les écrivains sous contrat. Ces derniers bien « drivés » peuvent devenir de bons auteurs, mais sont-ils des créateurs ? des personnalités inspirées par l’œuvre à réaliser ? Ils peuvent avoir un rôle dans l’édition, faciliter un mécénat pour de jeunes auteurs, faire en sorte que les livres durent face à une concurrence terrible de la pensée numérique ou des produits de l’intelligence artificielle.

Jean-jacques reprend une discussion avec Jean sur un livre déjà ancien de Yuval Noah HARARI, « Homo Sapiens »2013. « Une brève histoire de l’Humanité » n’a pas séduit Jean : C’est une synthèse des questions qui touchent la préhistoire, l’évolution des sociétés humaines, mais aussi l’environnement, terre, cosmos etc… On pourrait presque dire que pour HARARI, l’Homo économicus est devenu un dieu plus réel que nos diverses croyances…!

Mais ce qui a intéressé Jean-Jacques c’est l’humanité du livre de Valérie Perrin « Les oubliés du dimanche ». Notons que Valérie Perrin est la compagne de Claude Lelouche. Nous avions aimé « Changer l’eau des fleurs » qui évoque les vies en demi-teinte de certaines personnes marquées par des deuils ou des situations lourdes à vivre. C’est triste, réel, et on se demande comment en sortir…Il aime davantage « Les oubliés du dimanche », une réalité qui touche beaucoup de familles un jour ou l’autre. Il nous parle aussi de Claire Dupond-Monot et de son livre « S’adapter » : Une histoire de famille qui protège un enfant très handicapé. Comment réagissent les adultes et les enfants qui entourent ce petit être éminemment fragile…Une lecture bienvenue , dite par Jean-Jacques a donné plus largement envie de commenter, mais le temps nous manque …

Jean est sollicité pour parler de ses lectures, il les cite : Harari déjà nommé, un livre de A. Badiou, philosophe, professeur à l’ENS d’UlM. « On a raison de se révolter ». Actuellement, il peine à terminer « l’Homme révolté » de A. Camus. Cet essai dresse une sorte de panorama des grands philosophes classiques et leurs réflexions sur la révolte contre un monde absurde. On pourrait dire que c’est un travail universitaire des années 1951, mais il est surtout une volonté de montrer la liberté de l’homme dans la société et s’oppose catégoriquement à l’assujettissement au sens de l’histoire, ou à un système. Il exprime davantage les contours d’une attitude spirituelle permettant à l’homme de refuser le suicide devant l’absurdité de sa situation

Nicole se permet de présenter un livre ancien qui lui semble spécialement actuel sur le plan européen.

Il s’agit de Sándor Maraï et du troisième tome des « Confessions d’un bourgeois. »

« Ce que j’ai voulu taire. » chez Albin Michel. Paru en 2013 à Budapest. Traduit en 2014. Maraï est un écrivain hongrois né en 1900 à Kassa ( Cassovie ) dans la Haute Hongrie, près de l’actuelle Slovaquie. Il a une ascendance de haute bourgeoisie, proche d’une aristocratie millénaire qui au  nord-est de Budapest…

Ce livre est une chronique sur les 10 années qui séparent l’ANCHLUSS, en mars 1938, de l’année où l’écrivain part en exil définitivement en 1948. Il constitue le 3eme tome des Confessions d’un bourgeois. ( édité chez Albin Michel en 1993.). Les deux autres tomes furent publiés en Hongrie en 1934.  S. Maraï avait toujours promis d’écrire une suite et mentionne cette troisième partie dans son journal de 1949. Elle fut écrite autour de 1950. Puis perdue jusqu’aux années 2000, où le manuscrit fut retrouvé dans les archives entreposées au Musée de la littérature de Budapest. Cette histoire est complexe et d’ailleurs le document n’est pas terminé. Maraï est aux USA à partir de 1952, en Californie, San Diego, où il meurt en décembre 1989. Il est devenu un auteur culte pour la jeunesse hongroise, à l’image de Stephen ZWEIG ou de Ph.ROTH. Ami de Stephan Z.Weig, il partage beaucoup de ses idées, concernant les choix des gouvernements autrichiens et Hongrois, en face du nazisme

Ce livre est une chronique sur les 10 années qui séparent l’ANCHLUSS, en mars 1938, de l’année où l’écrivain part en exil définitivement en 1948. Il constitue le 3eme tome des Confessions d’un bourgeois. ( édité chez Albin Michel en 1993.). Les deux autres tomes furent publiés en Hongrie en 1934.  S. Maraï avait toujours promis d’écrire une suite et mentionne cette troisième partie dans son journal de 1949. Elle fut écrite autour de 1950. Puis perdue jusqu’aux années 2000, où le manuscrit fut retrouvé dans les archives entreposées au Musée de la littérature de Budapest. Cette histoire est complexe et d’ailleurs le document n’est pas terminé. Maraï est aux USA à partir de 1952, en Californie, San Diego, où il meurt en décembre 1989. Il est devenu un auteur culte pour la jeunesse hongroise, à l’image de Stephen ZWEIG ou de Ph.ROTH. Ami de Stephan Z.Weig, il partage beaucoup de ses idées, concernant les choix des gouvernements autrichiens et Hongrois, en face du nazisme

 Mais pourquoi une « confession » comme s’il avait dû se défendre ou se justifier, et devant qui ?

Deux chapitres sont proposés dans ce livre.

1. Où l’on fait sa connaissance et où il raconte ses origines et ses occupations de « bourgeois lettré », un « travailleur intellectuel » plutôt. Il se situe dans une culture judéo chrétienne, puis par rapport à la société de BUDAPEST, cette ville qu’il adore. Il est journaliste, mais à la manière d’un écrivain, non d’un reporter (métier qui n’existe pas à cette époque 1938) : « j’aimerais pouvoir dire que j’étais bourrelé de remords parce que j’avais du succès et que ma vie était douce ». « Mais non, à cette époque -là, je ne ressentais aucune mauvaise conscience ; pas un instant je n’avais l’impression d’être un plumitif mercenaire. Plus tard, il m’est arrivé de penser, moi aussi, qu’on a le droit d’exiger des gens qui s’occupent d’éducation et de gouvernance- cad, les écrivains, les professeurs, les artistes, les hommes d’Etat- qu’ils soient d’héroïques résistants et qu’ils montrent l’exemple à travers leur vie et leur travail. Mais la question est très difficile et l’exigence complexe… » « j’étais un écrivain et un journaliste à la mode dans un petit pays d’Europe Centrale. »

La problématique : « Peu de temps après, j’ai appris que l’essence de ce ‘moi’ que je connaissais, que j’avais instruit, créé, à l’existence que je croyais, n’existait plus. »

Le choc, c’est que le référendum prévu par le Chancelier d’Autriche, destiné à produire un sursaut chez les Autrichiens qui avaient laissé entrer les troupes allemandes à Vienne, le 12mars 1938, n’aurait pas lieu. Ce furent les nazis qui l’organisèrent comme un plébiscite pour leur présence, et le Chancelier Schuschnigg fut incarcéré, puis envoyé dans un camp où on le protégea en partie, il avait démissionné ! Tout le chapitre 1 prend le temps de peindre les émotions et les réactions à cette défaite morale. Il raconte la « débacle » des Autrichiens partant vers l’ouest. Il raconte l’élaboration d’un roman « la conversation de Bolzano » sur la vie de Cazanova, tout à fait inadapté à l’urgence politique (page 28). Il dresse le portrait d’une Hongrie que le Traité du Trianon en 1919 a sacrifié dans la dislocation de l’empire Austro-Hongrois. Restent la petite Autriche et une Hongrie divisée en 3 parties, l’une rattachée à l’Autriche, une autre rattachée à la Bulgarie et la petite Hongrie centrale autour de Budapest.

Le traité prive la Hongrie des territoires de la Transylvanie et de Haute-Hongrie, berceau millénaire du peuple dont il descend. Une riche culture fondée sur la langue hongroise, une aristocratie de type féodal, nourrie de livres et de traditions Magyars. Cette aristocratie millénaire se trouvent peu à peu remplacée par une bourgeoisie active, ouverte au commerce, à la finance gérée par des familles juives, nouvelles strates de société, utiles à la vitalité de ce pays. Chacun protégeant l’autre, les juifs semblent ne pas trop souffrir des pogroms ou du nazisme pendant une grande période des guerres du XXème siècle touchant la Hongrie…Pour un écrivain, la langue hongroise d’origine lointaine est magnifique, finno-ougrienne, cad d’origine magyar, venant de l’Oural et de l’Altaï, il y a 3000 ans. Elle est plus simple que les langues d’influence romane avec leur grammaire complexe, ce sont ces dernières, bien sûr, qui ont pris le dessus au 19eme Siècle. Il reste des traces de ces langues anciennes dites « agglutinantes » dans le Turc et l’Iranien. 

2- La Hongrie sous le jouc des nazis.

Un important déplacement de population s’opère, une débâcle comme en France en juin1940. Maraï retourne dans sa province d’origine en Haute-Hongrie, à Kassa. Il est heureux de retrouver sa jeunesse, mais la rancœur du traité du Trianon revient puisque sa chère Province n’est plus dans l’Empire austro hongrois mais en Slovaquie, territoires annexés. Le 22 juin 1941, l’Allemagne, la Hongrie, et la Roumanie déclarent la guerre à l’URSS, c’est la guerre en Europe centrale et plus encore. Peu à peu, les Hongrois comprennent que les nazis utilisent les ressources en hommes et en matériels pour leur propre économie. Mais d’autres hongrois s’intéressèrent aux profits possibles. Commence pour lui un travail de distanciation à l’égard des Allemands et des bolcheviques. Il reprend son nom hongrois, Maraï étant son nom de Journaliste pro-autrichien, annobli par les Habsbourg. Mais il devient victime des nationaux-socialistes comme le furent les juifs et les bourgeois éduqués dans une culture bourgeoise. On critiquait les savants, les experts… peu à peu une mentalité pro-bolchevique apparut qui obligea Maraï à réfléchir sur ce nouveau péril. « Les communistes valorisés par les avancées russes dans la guerre firent la promotion d’un « homme nouveau » cad « collectif », docile, élevé et conditionné, dans des systèmes étatiques et industriels déguisés en communisme et maintenus en place par des dictatures policières et militaires. »

« Après avoir vécu le fascisme et le bolchevisme et mettre retrouvé seul avec mes compagnons d’infortune et cette vision du monde contre laquelle les révolutions modernes ont mené une lutte sans merci, il a fallu que je me confronte à cette fatalité pour en tirer les conséquences inéluctables.

L’auteur des « Confessions d’un bourgeois » plaide pour sa survie et celle du groupe social auquel il appartient par sa culture et son histoire millénaire. On peut se dire que dans cette décennie de guerre 1938-1948, les Hongrois et d’autres ont fait de mauvais choix, situés entre l’Allemagne nazie, l’Autriche démantelée et malheureuse depuis le traité du Trianon 1919, et l’URSS en pleine révolution idéologique, il leur était difficile de ne pas tourner au gré des vents dominants dictatoriaux.

Il leur a fallu attendre novembre 1956 : l’invasion russe s’arrêta aux portes de Budapest, stoppée par le soulèvement des étudiants, intellectuels et journalistes hongrois contre le gouvernement bolchevique mis en place en Hongrie par les républiques Russes. Ce soulèvement dura une quinzaine de jours (23 octobre au 10 novembre 1956). Le soulèvement s’étendit dans les territoires, obligeant le gouvernement à s’échapper, puis ce gouvernement soviétique fut tabassé et certains membres exécutés. Mais l’armée russe revint mettre de l’ordre le 4 novembre ; les Hongrois fuyaient leur pays une deuxième fois. Les débats publics furent interdits dans le pays jusqu’en 1980.

On se souvient du sacrifice de Jan Palach, le 19/01/1969 qui s’immole par le feu, à Prague, lorsque les troupes du Pacte de Varsovie (soviétiques) envahissent la Tchéquie. L’Europe centrale a durement payé les années de guerre.

Bibliographie sur la Hongrie :

*Atlas des peuples d’Europe Centrale, par André Sellier et jean Sellier. Editions La découverte 2000.

*Article Clio voyages : Les Magyars et la formation de la Hongrie de Iaroslav Lebedynsky, Inalco.

*Article : Ces peuples venus de loin : la tâche hongroise en Europe Germano-Slave. De Debsi-Pinel de la Rôte Morel -Théodore.

Je prie Marie Christine de m’excuser, le temps de notre séance un peu court ne lui a pas permis de s’exprimer, mais elle aura la première place le 19 septembre, si elle veut bien.

Merci pour votre énergie collective et la richesse de vos communications et échanges. Nous sommes heureux de vivre cet enrichissement.  

Le 19 septembre nous serons à l’Ermitage à 14h pour la mise en place, à 14h30 pour le Café littéraire.

Amitiés Nicole.

Retrouvez la liste des livres cités au café littéraire en cliquant ici