Café littéraire du 02/05/2022 📜📚

Chers amis, bien que les vacances ne soient pas terminées, nous sommes 7 lecteurs-trices, réunis dans la salle N°1 de l’étage à l’Ermitage. Evelyne apporte du thé de Doubaï, Louis et Nicole ont apporté des tasses et la bouilloire pour le Café, Marie des jus de fruits, nous sommes heureux de nous retrouver avec Marcel, Robert, Marie-Françoise qui fut souffrante. Nous lui souhaitons un bon rétablissement, ainsi qu’à Mauricette. Jean-Jacques est repris par ses formations, Renée sera avec nous en janvier 2023, dès la retraite installée. Suzel est avec ses petits- enfants, de même que Marie José, Nadine s’est excusée, Christine a fait de même. Jean parcourt le Grenoblois.  Merci de me prévenir de vos possibilités de nous rejoindre.

Nous parlons de nos dernières sorties :

  • le Château Lescombes si bien restauré (Marcel en a conçu les rénovations) les œuvres du sculpteur Louttre B.  graveur (découverte de la « ronde bosse » sur fine surface de bois)  photos sur le site de Passerelles. (Voir aussi sur Youtube  Fabienne Tôt, Sculpture sur bois.).
  • La chorale où chante Marie, dans un accompagnement de la messe du samedi 22 avril à 18h30. Vous pouvez retrouver des photos sur le site de passerelles.

 Pour l’avenir : Le 16 mai, nous serons réunis pour un café littéraire à l’Ermitage. Une date historique pour la démocratie. Rechercher les événements politiques des 16 mai 1877 depuis la 4ème et la 5ème république…si vous avez le temps.

Nous prévoyons d’autres sorties et réunions, concerts, sorties, et cafés littéraires. Parmi elles, un « Café Cinéma » à l’Ermitage le 28 mai, thème : « Au fil du Mékong », film créé par le compagnon d’Evelyne, à 14h30.

Nicole a préparé quelques romans de terroir ou romans régionaux, que vous connaissez peut-être :

  • Madeleine Mansiet-Berthaud :
    • « Le gardien des sables » 2016, éditions Presses de la Cité ; SUIVI DE : « La porte des maudits ; La baronne blanche »
    • « La dame de Ténarèze »2019.
  • Christian Signol :
    • « Une si belle école » 2010 ;
    • « Là où vivent les hommes. » 2021. Et beaucoup d’autres.
  • Bernard Manciet : poète et romancier gascon (1923-2005).    

 « Le gardien des Sables ». 2016, Editions Presses de la Cité.

C’est un bon exemple de la définition que donne l’écrivaine, Madeleine Mansiet-Berthaud : « Un roman de terroir, c’est avant tout l’histoire d’une terre et d’un mode de vie qui y est associé. » Elle vaut bien pour ces deux écrivains et leurs beaux romans.

Le gardien des sables reconstitue une histoire ancienne de ségrégation, sous Richelieu et Colbert, mais qui a traversé les âges, du XIIIème siècle au XIXème, sur une région qui s’étend du sud de la Garonne, une partie des Pyrénées jusqu’au nord de L’Ebre. Les habitants de ces régions se protégeaient d’anciens porteurs de la Peste ou de la Lèpre ou de l’hérédité maudite des Sarrasins, des Cathares ou des Goths. La pérennité de cette ségrégation a conduit à une endogamie de ces personnes, d’une part, mais aussi à des conditions de vie difficiles, certains sont devenus des gens du voyages, les autres ont été condamnés à survivre grâce aux métiers les plus difficiles.

On pense que l’appellation « Cagot ou cagotte » provient probablement de la déformation du mot « Goth » qui suppose que les Wisigoths, migrés en France et en Espagne entre 300 post JC et 500, époque où ils créent un royaume Wisigoth espagnol. Ils ont été repoussés vers le sud par les Francs, bataille de Vouillé en 507 où Clovis battit Alaric, roi des Wisigoths, et le tua. Par la suite les Cagots se sont cachés dans les plus secrets réduits des montagnes. Ces communautés ont dû se résoudre à abjurer leurs croyances « arianistes *» et se sont fondus dans la religion catholique romaine (587). Les mots « bigot, cagot » signifient les mêmes dédains ou ségrégations.

(*Voir Arius et le concile de Nicée)

Guilhem est le personnage principal, nous le suivons sur quelques années de sa vie.

 Il se prépare à demander en mariage une jolie fille d’une famille aisée. Il est Cagot, l’écrivaine dit de « race cagotte » car il est menacé par cette exclusion qui dure encore pendant le siècle de Louis XIV. Il est gardien des sables, et assez bien intégré, mais pas au point d’épouser une fille de famille aisée cagote. Il est repoussé après un repas relativement amical. Les chapitres se succèdent et Guilhem s’occupe de sa charge, consolider les rives des ruisseaux, pour que les eaux s’évacuent dans la mer en préservant les fragiles sols de sable. Etayer avec des pieux fabriqués de leurs mains, tenir les sables par des étais nombreux en rentrant dans le courant et se tenir en même temps pour ne pas être emporté… Un membre de l’équipe Gaëtan perd l’équilibre, est happé par les eaux, emporté par la mer et disparait. Aucun d’eux ne sait nager, les tourbillons le saisissent, malgré les efforts de Guilhem qui tente de le sauver, mais il est mort lorsqu’ils le retrouvent. Ils transportent le pauvre malheureux sur une civière composée de leurs échasses et de bouts de ficelle. Les obsèques ont lieu à l’église devant la petite communauté de cagots. Le curé se hâte, car le défunt ne mérite pas une messe, pourtant il les connait bien ces courageux ; mais comment lutter contre l’intolérance dont il parle abondamment au sein de l’église dans ses prêches, il est désolé de ne pas réussir à faire évoluer les consciences. « Un cagot de moins » disait chacun intérieurement.

Guilhem s’en retourne finir le travail dans la rivière dangereuse, mais il prend des précautions. Pourtant le voisinage est hostile et ce sont des injures qu’il reçoit pour ce travail nécessaire au confort de chaque riverain.  Il sent que l’eau est attirante, mais comment apprendre à nager ?

 Un autre personnage apparaît, Etienne le colporteur, figure essentielle à la vie des villageoises : c’est un homme gâté par la vie. Il arrive sur son cheval, apportant de la ville tous les objets répondant aux désirs féminins. Il reste diner dans la famille de Guilhem, au menu : bouillie de seigle, omelette, arrosé de vin de sable. Il apporte les nouvelles : « La vie devient de plus en plus dure. Dès que le pain augmente les petites gens se plaignent. Les folies du Roi coûtent cher. Colbert est un serviteur habile. C’est toujours le peuple laborieux qui doit payer et c’est dans nos poches qu’il prend l’argent ! Vous ne connaissez pas votre chance de vivre à la campagne ! Vous récoltez le grain. Vous trouvez le lait sous le ventre de la vache et les œufs dans votre poulailler. Le cochon vous fournit le lard et vous n’avez qu’à vous baisser pour attraper une poule ou un canard. »

Il est venu par la montagne et annonce que Bastien, le berger, est malade, il souffre du mal des marécages. Guilhem, dès le matin va à son chevet, en prenant ses échasses, il apporte des infusions au miel. Il le soigne ainsi que le chien, les moutons, prévient l’employeur de Bastien. Le Régisseur du château comprend les diverses affaires qui doivent être traitées en aidant Guilhem à garder le Boucau ouvert pour éviter les inondations de la vallée. En fait, Guilhem a un rôle éminent dans cette commune, au 17eme siècle, sorte de vigile, d’aide social, de media d’informations…et pourtant il est cagot ! Les ordonnances royales en leur faveur ne sont jamais appliquées.

Le personnage du colporteur qui est flatteur et accueilli par tout le monde, ne vaut pas la moitié de Guilhem, mais il remercie Marie et Pierre, qui l’ont hébergé, avec un beau foulard, rêve de couleurs et de fluidité… Puis on le retrouve auprès de Bertrane que Guilhem voulait épouser. Ce dernier comprend, mais ne dit rien. Gardien des sables, il prend en charge un pèlerin en marche pour ST Jacques de Compostelle. A la suite d’un orage brutal, Etienne est malchanceux, ses lâchetés vont le punir et il sombre dans les marécages.

Pour les habitants, pour les cagots, que de douleurs, de déceptions. Guilhem écoute sa mère, Marie, qui lui conseille d’aller voir sa sœur dans un village voisin où elle vit en famille ; La sage Marie n’a pas gardé le beau foulard, trop consciente de sa vie gâchée par l’état d’exclu, elle se rebelle : c’est une vraie brûlure pour elle. 

Déception, la sœur de Guilhem est devenue l’esclave de sa belle-mère et de son mari avec six enfants en bas âge… Guilhem est douloureux de la voir dans cette situation qu’elle accepte courageusement. Puis ils se quittent avec tendresse. Il arrive à Bordeaux, rencontre la ville et les truands… Il y perd ses trésors et ses illusions sur la bonté des hommes. Rompu, battu, saignant, il est recueilli par une femme qui le soigne, Mariette, une femme douce, certes vénale, mais séduite par sa gentillesse et ses malheurs. Reconnaissant, il lui donne le fameux foulard et reprend sa besace. Au marché, il retrouve les marins et leur butin. Il parvient à reprendre ses biens et redonne à sa mère l’argent qu’il lui devait.

La société évolue et Colbert libère tous les cagots s’ils payent deux louis chacun. Le brave curé de la paroisse est heureux de cette justice, ainsi que quelques personnes éclairées. Guilhem ne veut pas payer sa liberté et la vie continue. Pour Rose qui aimait bien le colporteur, un mystère entoure sa disparition ; elle l’aimait bien, certes mais elle apprend qu’elle avait pour concurrente Bertrane, que son mari est en fait le père de Bertrane, et Rose au grand cœur souhaite s’occuper de la jeune femme avec son mari, et tout se terminerait bien si…..

…. les lavandières en désaccord avec la libéralisation des cagots ne s’attaquaient à Louise, épouse du second gardien des sables, ami de Guilhem ; elle reçoit une fessée au battoir et manque de se noyer. Par bonheur le régisseur, passant par ici, délivre Louise et inflige la même fessée à la meneuse des lavandières : « leçon de tolérance, dit-il ». Mais ce n’est qu’un épisode, les écuries de Rose et de son mari sont incendiées, les chevaux sont sauvés, le village est en révolution, anti-cagots contre cagots.

Tous ces personnages nous ont présenté la vie de cette époque, dans cette région et dans un cadre social très particulier de ségrégation héréditaire. La problématique longue et finement présentée vous est connue ainsi, il suffit maintenant de prévoir la résolution des drames en présence. Comment apprendre la tolérance et la mettre en pratique ? Mais dans le cas présent la difficulté est importante. Bertrane doit se marier rapidement !   L’incendiaire doit être arrêté.

Et la conclusion : un drame glace les villageois : la foule s’acharne sur une cagotte, la mère de Bertrane meurt pendue à une potence.  Ce drame fait réfléchir tout le monde, on pense que les oppositions s’apaiseront, et Bertrane pourra revenir vers Guilhem. Mais il y a trop de rancœur pour qu’un mariage soit possible.  Un dernier épisode de l’intolérance se produit lors d’un bal où Guilhem est agressé et part se réfugier dans les landes. Puis il apprend qu’il lui faut prendre le large pour un certain temps et échapper aux poursuites contre les cagots ….

Bien écrit, riche de détails pour une reconstitution proche de la réalité historique, Madeleine Mansiet-Berthaut nous révèle des points de la petite histoire, peu connus actuellement.

Evelyne souhaite parler de Jean Teulé et de son dernier livre : « Crénom Baudelaire » 2020

Né en 1953 à Saint Lô, d’un père charpentier et une mère employée de Mairie, Jean Teulé est scolarisé dans l’école publique et rencontre le créateur J.P. Gauthier, enfant déjà passionné par le dessin de costumes. Il est bien orienté par un professeur vers un concours d’entrée dans une école de dessin et se dirige vers la création de BD. « Echo des Savanes », en 1978, il devient un pilier de ce journal, puis le journal fait faillite il se lance dans la littérature avec « Vautrin » puis il reçoit le prix Bloody Mary au festival d’Angoulème,1983.  C’est le début d’une belle production couronnée de prix. En 1990, il se lance dans la TV avec « l’Assiette Anglaise » de Bernard Rapp, puis « Nulle Part Ailleurs ». Il a de l’humour, sa compagne aussi, Miou-Miou, des livres qui leur ressemblent : « Rainbow pour Rimbaud » ; « Le magasin des suicides » : « Je …François Villon ».

C’est donc une biographie romancée qu’il nous donne sur Charles Baudelaire, irrévérencieuse et très savoureuse. Charles Baudelaire est détestable, défoncé du matin au soir (Haschich, Laudanum, opium.) Il ne supporte aucune obligation envers qui que ce soit ! Ne respecte rien ni personne, C’est un dandy halluciné traversant une vie dissolue.

Il fréquente des prostituée et Jeanne Duval en particulier, une très belle métisse qui sera sa maîtresse et sa muse. C’est donc la face sombre du poète, une personnalité méconnue, dépravée, odieux que nous présente Jean Teulé.  Un pauvre homme, dépressif, mais dans un récit de 430 pages qu’on lit sans relache.  Il lui reconnaît cependant que sa recherche de la beauté dans son œuvre poétique est une sorte de libération pouvant atteindre l’ignoble comme le sublime. « Les Fleurs du mal »1857, corrigées sans répit, jamais terminées font scandale et 6 poèmes seront exclus de l’édition.

Le livre est près de l’œuvre étudiée, des vers corrigés avec les injonctions de l’auteur sont présentés, pour preuves ; les beaux vers, les réussites sont citées de façon que la lecture du livre soit enrichie par l’excellence de l’œuvre.  Jean Teulé nous recrée l’atmosphère du XIXème siècle avec les travaux de Paris, les rencontres avec Flaubert, Théophile Gauthier, Manet, Courbet, dont il brosse des portraits hauts en couleur.

Un grand moment de lecture. Merci Evelyne c’est pour nous aussi un grand moment. Marcel et Louis ont lu des écrits de Jean Teulé. Villon en particulier.

   Marie souhaite nous présenter une BD très réussie sur la Ville de Arreau dans les Hautes Pyrénées où elle a vécu sa jeunesse et où elle garde de grandes amitiés. Elle nous parle du Musée de la ville qui comporte une section originale sur les Cagots, leurs vies, leurs drames et quelques photos de ceux qui résidaient dans les environs de Arreau. Le livre est très intéressant, le dessin reproduit la réalité de la petite ville, dans le pays d’Aure, où se rejoignent trois rivières. Elle compte de belles maisons anciennes à pans de bois, un château devenu siège des réunions régionales. Entre le XIIIème S. et le XVème S. la ville eut une importance stratégique avec un château fort, puis elle est devenue un marché avec des foires et l’avènement du thermalisme.

Merci à Marie qui ajoute une grande actualité à la présentation du livre « Le gardien des Sables ».

Merci à tous les fidèles lecteurs.
Prochaine réunion du Café littéraire le 16 mai 2022 à l’Ermitage, 14h30.

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