En ce lundi de l’an 2025, premier lundi d’une nouvelle saison littéraire, nous sommes joyeux de nous réunir autour de Louis et Marcel, Sylvie nous manque, mais elle est captive de Suisse-Air jusqu’à vendredi. Nous sommes fidèles à l’appel des livres et chacun prépare les futures présentations. Marie, Isabelle, Aurore, Nicole, Anne, Evelyne, Monique, Béatrice, Jean, Maryse, Marielle qui retrouve ses forces. Nous pensons aussi à Ida qui va revenir d’Allemagne, Marie-Odile qui nous a confié son livre autobiographique, Annick en famille, Noëlle occupée par son université, Nadine en famille, Nicole. C va revenir de La Réunion. Merci à toutes de nous donner des nouvelles. Nous nous accompagnons par la pensée. Renée, Marie-José, Marie-Do partagent leurs vœux très amicaux avec le groupe.
Louis assure l’animation et fait le point de toutes les propositions de sorties ou d’activités pour les deux prochains mois. Vous les trouverez en fin du CR et sur le site de « Passerellesasso33.fr ». De même, l’évocation de nos Rendez-vous très récents : Concert de Musique Ukrainienne à l’auditorium, dimanche matin 5 janvier ; le film proposé par Isabelle « La Divine » dans le cadre de Ciné-Passerelles, l’après-midi de ce même dimanche a réuni 17 adhérents seront commentés en fin de réunion. Louis rappelle que le 20 janvier 25, un Thé littéraire exceptionnel nous réunira auprès d’un poète écrivain, notre ami depuis plus de trois ans, Joël Mansa : Grâce à Evelyne qui fait le lien, il nous présentera son dernier opus. En première partie de la séance, Sylvie souhaitait que chacun choisisse un poème, quelques vers qui reviennent en mémoire, fréquemment, rituellement, pour le plaisir ou une complainte, ou pour méditer.
Puis, Louis donne la parole à Nicole qui a lu un livre-Phare, Patriot, de Alexei Navalny (1976-2024). Tous nous connaissons ce héros de la résistance russe contre les malversations et l’autocratie du pouvoir russe. La lecture de ce gros livre (520 pages) est aisée et même haletante. Alexeï Navalny : Patriote 2024, Mémoires. Un homme étonnant, un livre étonnant. Chez Robert Lafont.
André Malraux en 1970 résumait ainsi son principe de la grandeur dans l’histoire du monde : « Rien n’est plus important que de faire partie des gens qui ont été capables de dire <NON>. Le plus grand personnage de l’histoire est ANTIGONE ». La période est riche en personnages qui ont dit non : Abou Daryaei, l’étudiante de Téhéran qui s’est dévêtue sur le parvis de son université. Boualem Sansaï , Kamel Daoud avec son livre : « Les Houris ». Ils se battent tous deux contre l’Islamisme. Le prix Goncourt 2024 a choisi ce livre qui décrit cette femme rescapée d’un égorgement où elle a perdu ses cordes vocales ; elle s’adresse à sa fille à naître dans son discours intérieur. Ce roman est interdit en Algérie.
Alexeï Navalny, vous le connaissez par de multiples informations concernant sa lutte pour la liberté de parole et contre la corruption. Il est né en 1976 dans un milieu cultivé, sa mère, Lyudmila, a étudié dans une université de gestion à Moscou, elle va s’occuper de son fils de façon exemplaire, bavardant, réfléchissant avec lui, analysant les informations sociales et politiques. Son père Anatoli Navalny est né près de Tchernobyl, il est au courant de tout ce qu’il s’y passe, il fait partie des oligarques autour de Gorbatchev (1931-2022), puis Eltsine (1931-2007) qui prend le pouvoir en 1990 lors d’un putsch, pour huit ans de présidence, il est non communiste ; Eltsine installe V. Poutine comme Président du gouvernement, celui-ci va donc lui succéder, par intérim. La période Eltsine est marquée par une succession de crises et de scandales. Le jeune Navalny grandit dans ce milieu éclairé devient un étudiant brillant qui veut rester près du peuple. Il a un diplôme de Droit et part à YALE pour compléter sa formation. Il en rapporte des techniques de communication, une confiance dans le peuple, une envie de nettoyer tout ce qui est corruption.

Dans le livre, les premiers chapitres expliquent comment se situe Alexeï : il est dans l’avion qui le ramène vers Tomsk en Sibérie, le 20 Août 2020, il a des amis autour de lui, son épouse Ioulia, et son avocate : soudain, il vit le moment de son évanouissement près des toilettes, du Steward. « La journée commençait bien, puis elle cesse d’aller bien ! » Et il perd conscience. Il se réveille douloureusement à Berlin dans un grand Hôpital et c’est dans cet espace territorial qu’il va être hospitalisé, pendant plusieurs semaines. Puis il se remet doucement hors de Russie jusqu’en 2021 ; il sera immédiatement mis en prison s’il rentre, c’est une évidence pour cet avocat.
La première partie du livre a été écrite en prison, elle est passionnante par l’analyse qu’il fait de sa situation, en ce qui concerne sa santé aussi bien que de sa situation politique et sociale. La deuxième partie reprend les événements écrits dans son blog, et le détail de ses actions d’opposition contre les corruptions, puis contre le pouvoir central, les annexions illicites de régions comme celle de la Crimée, par exemple.
Je lis les quelques pages relatant son empoisonnement avant de prendre l’avion, sans qu’il le sache vraiment à ce moment -là. Puis il a compris et analyse sa mort qui vient…. Nos amis sont touchés et viennent les questions : Isabelle, très rationnelle, s’intéresse aux moyens de communication et de transmission de la pensée de Alexeï, depuis la prison vers l’extérieur : j’évoque son stage à Yale, à la fin de ses études ; ses compétences en informatique et en communication, son site, son Blog, ses amis qui le suivent et qui travaillent pour lui. Mais elle perçoit que c’est une vraie question qui concerne cet homme seul et pourtant entouré. Il y répond dans ses chapitres en faisant attention de garder des secrets pour que ses amis poursuivent l’action avec ses mêmes moyens. C’est un point important de son livre. Marcel et Marielle sont très soucieux de relater la pensée profonde de Poutine marquée par les moyens de rétorsion contre les opposants, il vient du KGB. En même temps il a construit un récit politique de La grande Russie depuis Pierre Ier ou La grande Catherine. Et cette grande épopée est à l’origine de la « passivité » longue et douloureuse de ce peuple qui fut longtemps « serf », dans la servitude et l’ignorance. Toutefois je rappelle le livre sur la révolution de 1917, et récit de M. Alek. Cholokov (Nobel 1965) dans le « Don Paisible », magnifique livre relatant les combats entre les Blancs et les Rouges, la réorganisation de la Russie qui va devenir « soviétique » entre 1920 et 1930. Autant vous dire que ces échanges furent passionnants. Puis chacun a évoqué ses voyages en URSS ou en Russie et ses impressions personnelles.
Bonnes lectures dans ce livre, cet homme qui s’oppose en disant « oui » à toutes les audaces pour vaincre l’oppresseur, conscient que son action contre une superpuissance va lui être fatale, Ioula le sait aussi, elle l’a accepté. Toutefois quand son frère est emprisonné, il devient volontairement déterminé. Il veut réduire le tyran au silence, manifester son amour pour le peuple russe, son idée de la grandeur de ce peuple, accepter son sacrifice ultime. Il décrit l’ascension de Vladimir Poutine, et en face les origines de son combat. Il nous fait partager ses multiples détentions, le harcèlement sous de multiples formes et son empoisonnement avec un sens aiguisé de l’observation. C’est la dernière lettre de A.Navalny au monde, un document inoubliable d’un homme intègre contre les barbaries, inflexible même devant la douleur et les injustices. Ce livre recèle un « souffle épique » pour une révolte surhumaine. Je vous confie la présentation de Ioula, son épouse.
Une lettre de Ioulia Navalnaïa qui présente Patriote chez Babelio.
< La dernière lettre au monde d’un résistant politique qui a payé de sa vie le prix de ses convictions. Alexeï a entamé la rédaction de Patriote peu après son emprisonnement en 2020. Ce livre est l’histoire de sa vie : sa jeunesse, son appel à la résistance, son mariage, sa famille et son engagement pour la démocratie et la liberté en Russie, face à une superpuissance déterminée à la faire taire.
Il y exprime sa conviction que rien ne peut s’opposer au changement qui est inéluctable. A travers un récit vivant et captivant, comprenant une correspondance inédite depuis sa prison, Alexeï Navalny raconte sa carrière politique, les nombreuses tentatives d’assassinat dont il a fait l’objet, ainsi que les vies de ses proches, et la campagne acharnée qu’il a menée avec son équipe contre un régime de plus en plus totalitaire.
Ecrit avec passion, esprit, franchise et courage, Patriote est la dernière lettre de Alexeï Navalny au monde : un récit émouvant des dernières années qu’il a passées dans une prison connue pour son extrême brutalité ; un rappel des raisons pour lesquelles les libertés individuelles sont si importantes ; et un puissant appel à poursuivre l’œuvre pour laquelle il a sacrifié sa vie.
Ce livre témoigne non seulement de la vie de Alexeï, mais aussi de son engagement indéfectible contre la dictature, une lutte pour laquelle il a tout donné, y compris sa vie. Au fil des pages, les lecteurs apprendront l’homme que j’aimais profondément, un homme d’une intégrité et d’un courage inébranlables. Partager son histoire permettra non seulement d’honorer sa mémoire, mais aussi d’inspirer à d’autres personnes de défendre ce qui est juste et à ne jamais perdre de vue les valeurs qui comptent.
Ioulia Navalnaïa.>
Après ce moment un peu long… ! nous reprenons les présentations.
Louis donne la parole à Marcel : Il a lu le livre de Marie-Odile, « Un PSY, une femme. » Il admire l’écrivaine, et demande à nos amies et lecteurs de faire un effort, de prendre la plume, « Osez, Osez ». Isabelle a lu ce livre, elle aussi, et tous les deux souhaitent attendre pour cette présentation, la présence de notre amie.
Louis a préparé un petit livre qui va nous transporter en Chine « Le paradoxe du poisson rouge, Hesna CAILLIAU, 2015.
L’auteur Hesna Cailliau : Née d’un père turc de tradition musulmane et d’une mère danoise de tradition protestante, Hesna Cailliau est mariée à un français de tradition catholique. Elle est diplômée de science Pô et de sociologie. Elle s’intéresse beaucoup aux religions qui sont un élément important, voire majeur, dans le fonctionnement des sociétés. Elle est peu connue et a produit, sans surprise, quelques ouvrages dans le domaine religieux.

Ce petit livre est un peu inclassable : ce n’est pas un roman et il n’a pas la prétention d’être un essai. L’auteur nous présente de manière simple quelques éléments majeurs de la sagesse chinoise selon les trois traditions millénaires importantes en Chine : taoïsme, confucianisme, bouddhisme.
Les chinois vénèrent la carpe koï (animal sacrée en Chine) à laquelle ils attribuent huit vertus correspondant à cette sagesse. Le texte présente et commente ces vertus ; son intérêt est de bien mettre en évidence les différences entre cette sagesse et les principes tout différents qui prévalent en occident.
Dans son introduction, Hesna Cailliau rappelle l’absence de séparation entre l’homme et la nature dans la pensée chinoise. Tout s’interpénètre selon le principe Yin / Yang. La sagesse en Chine se transmet non pas des traités de philosophie ou de théologie mais à travers des anecdotes ou des maximes souvent paradoxales qui interpellent le lecteur. Elle relève de l’art de vivre et est davantage liée aux émotions et au « ressenti » qu’à la raison. Pour les Chinois, elle n’a rien à voir avec cette science abstraite qu’est la philosophie occidentale. Pourtant selon son étymologie latine, la sagesse signifie du latin populaire « avoir du flair, du discernement »(sabidus) et du latin « savourer » (sapere : avoir du goût, saveur, qui donne sapiens). Elle fait appel à l’intuition, pour le mot populaire ; à la solidité du jugement. Ce n’est pas la raison cartésienne.
Quelques éléments :
– vertu 1- « ne se fixer à aucun port » (Confucius). Ceci est lié au constat de « l’impermanence » des choses dans ce monde. Point intéressant sur l’observation de la nature (lecture p. 24) et sur l’éloge du silence (p.31).
- Vertu 2 – « ne viser aucun but ». « Le chemin se trace en marchant », Lao-Tseu. Ceci définit un mode particulier de gouvernance (lecture p. 50).
- Vertu 3 – « vivre dans l’instant présent ». La seule réalité est ici et maintenant. Seul le futur immédiat importe au Chinois. Importance des signes pour capter les évolutions favorables. La Chine est le pays des signes (écriture)
Je note cependant que la pensée chinoise aujourd’hui est souvent éloignée de cette sagesse compte tenu de l’évolution qu’a connue la Chine vers la modernité. Selon Anne Cheng (fille de l’auteur et poète François Cheng), qui enseigne au Collège de France (voir son « Histoire de la pensée chinoise – Introduction), la Chine est un état despotique dont le principe est la crainte. Les valeurs de l’harmonie confucéenne sont largement oubliées. Selon Xi Jinping, l’actuel président de la Chine, la civilisation chinoise est universelle, mais différente de celle des Lumières essentiellement européenne. Jean, qui a une expérience de ses voyages en Chine, fait remarquer avec pertinence que c’est de la propagande et du « pipeau » ! La Chine actuelle est très différente.
En résumé, un livre intéressant de lecture facile, présentant toutefois l’inconvénient d’un abus de citations ; il permet de découvrir certains aspects de la sagesse chinoise et les traces qu’elle laisse peut-être dans la Chine actuelle.
Merci à Louis et à Jean qui ont animé les échanges à ce niveau. Les souvenirs de voyage ont permis à certaines lectrices d’expliquer leurs expériences orientales. Louis a eu la gentillesse de m’envoyer ses notes de présentation.
Et nous voilà devant le cas Sarah Bernhardt née en 1844 et décédée en 1923.Isabelle nous a réunis dimanche à 16h pour voir « La Divine » à l’Utopia. Nous étions 17 adhérents.
Sarah est étonnant personnage : visage d’ange, cheveux très frisés, comédienne, peintre, sculptrice. Sa mère Julie était comédienne d’origine hollandaise, courtisane pour certains critiques ; Sarah est confiée très tôt à une nurse bretonne, puis à 7 ans elle devient pensionnaire à Versailles au couvent des Grands Champs. Elle entre au conservatoire d’Art dramatique à Paris sur la recommandation du Duc de Morny à l’âge de 16 ans. A 20 ans, elle donne naissance à son seul enfant, Maurice (1864-1928) dont le père est le Prince de Ligne. Elle entre à la Comédie Française en 1862 pour le rôle d’Iphigénie.
Puis à l’Odéon, elle devient célèbre grâce à sa « voix d’or » écrit Victor Hugo. Elle excelle dans les rôles tragiques Phèdre, comme dans le romantique Lorenzaccio. Sa diction emphatique (Babelio) séduit un immense public. Elle monte une troupe, dirige le théâtre de la Renaissance, puis le Théâtre des nations. Jean Cocteau la nomme « un monstre sacré », première star internationale, puis elle fait un film en fin de sa vie « Le duel d’Hamlet » en 1900.
Le film réalisé par Guillaume Nicloux, ne retrace pas précisément sa carrière au théâtre. Ce qui étonna plusieurs de nos amies. C’est plutôt un portrait psychologique qui se présente à nous avec une première séquence qui se situe avant l’opération de sa jambe, amputation faite dans des conditions peu orthodoxes pour nous. Et l’on admire sa force d’âme…à 70 ans environ elle supporte ; elle pratique un humour douloureux, elle est entourée de fleurs, d’amis et d’amants. Deux flashs-back nous permettent de la voir dans son environnement intime et sa vie mondaine, avec des moments cruciaux de sa vie amoureuse avec Lucien Guitry, sa relation avec son fils. C’est d’ailleurs au jeune Sacha Guitry qu’elle évoque les moments tendres et douloureux de sa relation avec Lucien. Les décors choisis pour donner vie à la fin du XIXème siècle impressionniste, et au début de l’Art Nouveau sont convaincants, le visage de Sandrine Kiberlain, tourmenté, mobile et puissant dans sa volonté têtue, rappelle les portraits préraphaéliques anglais, qu’on retrouve aussi chez Alphonse Mucha, comme nous le fait voir Aurore sur les affiches consacrées à Sarah Bernhardt (La Tosca en particulier.) Tout cet ensemble est un spectacle magnifique, somptueux. Quelques remarques mettent un bémol à cette appréciation :
*La voix de Sarah peut paraître étonnamment aigüe, un effet des conditions anciennes du théâtre sans micro peut-être…*Le visage vieillissant presque sans fard ou apprêts, un peu rosi, ou peu poudré, montre un envers de sa gloire qu’elle ironise ou désavoue peut-être. C’est humain.
Pour mettre en valeur les talents d’écrivain de ce milieu social exceptionnel, Aurore a apporté un document écrit par Sacha Guitry revenant au bout de 40 ans, au lycée Jeanson de Sailly pour un conseil d’enseignement, avec un écrit en vers libres de sa main : une punition de 100 lignes qu’il devait rendre avant son départ du lycée. Nous apprécions beaucoup cet humour élégant, d’une époque policée qui nous paraît lointaine. C’est un grand moment d’échanges avant le Thé littéraire qui nous permet de bavarder plus librement.
Les prochains rendez-vous :
- Le samedi 18 janvier à 14h30, après-midi convivial, lieu précisé par Michèle notre Présidente
- Le 20 janvier, Thé littéraire, avec la présence de Joël Mansat à l’Ermitage. ;
- Le samedi 25 janvier, sortie au Jardin Public, animée par Jean à 14 heures.
- Le jeudi 30 janvier , film de Gérard et Evelyne : Népal/ Boutan à 18h , Maison de l’Autre, salle louée par Passerelles.
Bonnes lectures, bons spectacles. Amitiés Nicole.