C’est une grande réunion aujourd’hui, nous recevons notre ami écrivain et poète Joël Mansa, merci à Evelyne qui entretient le lien avec Joël. Chaque année il nous fait partager ses thèmes de réflexion, nous vivons à ce moment-là un échange amical et riche, celui qu’il partage avec ses lecteurs privilégiés, ses amis, sa famille même.
Nous sommes donc présents, en attente ; chacun s’est préparé, à la demande de Sylvie, notre animatrice, à dire ou à lire un poème, une chanson qui l’a touché-e, pour se mettre au diapason de notre invité.
Sylvie annonce une réunion sur la Poésie. Il y a Marcel, Louis qui entourent Sylvie, nos animateurs, Jean, Béatrice, Marie-Josée, Ida, Evelyne, Nicole, présente avec Marie puis cinq ans, Aurore, Marie-Noëlle, Françoise, Marielle, Maryse. Nous regrettons Annick, Monique, Noëlle, Nicole C., Marie-Odile, Isabelle, Nadine. Nous pensons à elles.
Sylvie accueille Joël Mansa, puis elle annonce l’objectif de la séance
* THÈME : HABITER POÉTIQUEMENT LE MONDE
Introduction : Que dire de la Poésie ?
Du grec Poiesis qui veut dire faire, créer ; la poésie est un genre littéraire très ancien.
Elle fut souvent et reste encore souvent mal aimée de la critique.
De fait, sortie des découpes que sont les poèmes, si solidement établis dans leur forme propre, qu’on n’y pourrait en changer un seul mot, il semble qu’elle refuse toujours de s’enclore. L’Indéfini y trouve refuge. En parler revient à un discours mal approprié soit trop technique soit trop subjectif.
La poésie se place au centre d’une réflexion cruciale sur le langage.
Nous sommes des créatures qui parlent. Par cette parole humaine qui nous constitue, nous nous tenons au bord du monde… La poésie existe parce que le langage articulé inscrit en vérité, en nous, beaucoup plus que ce que nous pouvons dire, ou parce que les mots portent au-delà de ce que nous pouvons penser ou saisir. Puisque nous sommes des créatures parlantes taraudées par le désir et le souci, une place s’est faite en nous pour ces espèces de notions étranges que sont l’idéal, l’absolu, l’impossible ou l’éternité.
Elle est par excellence le lieu où s’articule notre insatisfaction, notre contradiction.
Elle trace de poème en poème, nos lignes de fuite entre réel et idéal, coupure et liaison, avancée et retournement, tirant sa force de ces oppositions.
Le poème est la scène sur laquelle se joue le drame de l’individu, ses efforts pour s’orienter dans son propre inconnu
Laurent TERZIEFF : « La poésie, c’est la vérité prophétique de l’existence. Ce n’est pas un supplément d’âme mais sa transcendance. »
HABITER POÉTIQUEMENT LE MONDE :
La poésie nous remet en contact avec ce qu’il y a de plus sensible dans l’existence en stimulant notre inconscient dans lequel la sensibilité s’éprouve.
C’est un moyen d’atteindre ce qu’il y a de plus vrai, de plus sensible en soi en mettant du sens sur certains mots.
Écouter un poème, l’entendre c’est renouer avec la part perdue de l’existence, le FEU de l’existence. Ce après quoi on aimerait courir !
Nous sommes tous pris dans le rythme des jours, mais nous cherchons tous profondément au fond de nous, l’éphémère. (L’éphémère de l’amour, d’un coup de foudre). L’apnée, l’émerveillement.
Faisons sécession avec l’agitation, avec la fureur.
Gardons l’émotion en diapason. VIVRE au diapason du poétique. Vivre au mieux l’intensité de l’existence (cette part perdue parfois). Cela devrait être LA règle vitale obligatoire.
N’oublions jamais : Le poème est une parole immensément fragile mais qui vibre en même temps qu’elle nous emporte.
Comme le dit Jean-Pierre SIMEON : “un atelier du silence, un ouvroir d’expériences, une ivresse du sens, une explosion de vie.
“La poésie sauvera le monde- Si rien ne le sauve. »
Joël Mansa prend la parole : d’une part il répond à Sylvie, « L’ESSENTIEL EST DE REGARDER POETIQUEMENT LE MONDE ; c’est l’aimer et le comprendre ; cela suppose de se sentir seul et libre. Rechercher ma façon d’être seul au monde, mais une solitude sereine pour comprendre. Pour René Char, « la poésie est une forme de la solitude qui a le charme de se partager avec les autres. » Joël rappelle l’action militante de l’écrivain pendant la guerre en 1943, dans la résistance. Puis il pense à Robert Desnos, poète plus iconoclaste et tellement vrai dans ses mots, ses vers. Il rappelle sa mort à Terezin, où Desnos souffre du typhus et de la malnutrition. Il est reconnu par un ancien étudiant qui lui dit son nom, les derniers mots de reconnaissance. Joël est très ému par ce rappel.
D’autre part, Joël nous livre sa recherche sur les douleurs de l’exil, souffrance physique, douleur morale, être perdu, non reconnu dans des lieux durs et brutaux. Il cherche là les mots les plus difficiles qu’il appelle « l’impartagé ». Comment parler de la douleur unique, ineffable, non communicable, comme l’amour lui aussi indéfinissable. Les mots manquent pour exprimer les nuances de la douleur, il faut les inventer peut-être. Le thème est inchangé dans le fond, mais les nuances relationnelles sont approchées en direction de l’Autre.
Des noms de poètes viennent en démonstration : Pablo Neruda : Résidence sur la terre ; Phillipe Jaccottet : « A la lumière d’hiver » chez Gallimard. : rechercher la simplicité, gommer les images, dépouiller l’écrit pour entrer dans le cœur du lecteur. Y ajouter la musique, la cadence, le rythme, et pourtant sortir des codes imposés par les périodes classiques. Le surréalisme a cherché cette voie : René Char encore, « Les feuillets d’hypnose » écrits dans l’exil de la résistance entre les combats. Cette prose est riche des mots de cette situation difficile. Philippe Jaccottet relève de la poésie moderne qui remet en question des mouvements antérieurs : surréalisme et effusion lyrique. (1925-2021).
Primo-Lévy aidait ses compagnons de déportation en leur parlant de Dante qu’il pouvait réciter. Confronté à l’indicible, il se suicide alors que sa vie aurait pu être plus heureuse. Jorge Semprun, « l’écriture ou la vie ».
Joël lui-même parle de sa jeunesse douloureuse, avec un père qui le battait. Il dit que la Poésie a représenté pour lui le pays où il se sentait à son aise ; le théâtre codifié au cours des époques, il apprend à l’ouvrir au public en proposant des œuvres poétiques théâtrales : « Le manteau d’Elysée. », l’acteur doit incarner le texte, le vivre avec son corps. Le poète est plus libre, plus immédiatement entendu. Il résiste à la fureur du monde. Il appartient à une « marginalité commune ».
Les « Murmures » sont dépassés, il faut passer à l’exil, aux exilés qui vont courir le monde pour survivre. Son dernier livre « Le dernier exil » avec en première vision sur la page de garde, un visage sombre, un masque, correspond à une prise de conscience de la douleur des hommes qui quittent tout, maison, famille, bien-être, pour la route, pour le bateau et les risques derniers. Comment trouver les mots qui puissent être partagés avec ces malheureux. Leur parler pour partager leurs souffrances et être compris par eux, en les apprivoisant par les mots, la musique ou les rythmes ou les silences.
Joël fait l’expérience du grand âge avec ses parents qui sont proches. Leurs mots sont : oublis, pertes, diminutions, peines, supporter, se refermer, accepter que son rôle ou ses actes disparaissent de la mémoire, des mots, de la reconnaissance des autres. Qu’est ce que le sentiment d’exil ? quels mots le dépeignent ? et qui adhère à ces mots ? Perte, solitude, manque, mutité, vide. (Nicole se sent très concernée !)
LE GROUPE vient pour exprimer des émotions venues des mots, de leurs contextes, de leur vie intérieure. Chacun vient pour témoigner. Les échanges sont nombreux, chacun se lance, retrouve des souvenirs, argumente ; Joël accueille et enrichit les idées. Les Aïkus sont évoqués ( Belle grenade, ils ont sali ton nom !)
Joël présente son ouvrage : « le dernier exil », une construction très étudiée de cinq chapitres de onze poèmes chacun. Le poème central « Le visage de l’exil », dessine le regard perdu de l’exilé, la dépossession de lui-même, la tristesse infinie de celui qui ne sait plus qui il est vraiment. Le masque de la page de garde est une œuvre de son épouse, qui représente pour le poète ce qu’est le malheur de perdre.
On s’organise pour donner la parole à chacun, Marie-Josée demande que la lecture vienne avant l’écoute par un chanteur ou un acteur.
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*Ida se lance : Chanson de Yves Duteil.
AVOIR et ÊTRE. Ce poème évoque la cohabitation des deux grands piliers de nos vies. Le traité des frères ennemis qui dans cette poésie se réconcilient. « Un poème c’est bien peu de chose… » Ici, il est symbolique. J’ai entendu « oraculaire ».
AVOIR et ÊTRE
Loin des vieux livres de grammaire,
Écoutez comment un beau soir,
Ma mère m’enseigna les mystères
Du verbe être et du verbe avoir.
Parmi mes meilleurs auxiliaires,
Il est deux verbes originaux.
Avoir et Être étaient deux frères
Que j’ai connus dès le berceau.
Bien qu’opposés de caractère,
On pouvait les croire jumeaux,
Tant leur histoire est singulière.
Mais ces deux frères étaient rivaux.
Ce qu’Avoir aurait voulu être
Être voulait toujours l’avoir.
À ne vouloir ni dieu ni maître,
Le verbe Être s’est fait avoir.
Son frère Avoir était en banque
Et faisait un grand numéro,
Alors qu’Être, toujours en manque.
Souffrait beaucoup dans son ego.
Pendant qu’Être apprenait à lire
Et faisait ses humanités,
De son côté sans rien lui dire
Avoir apprenait à compter.
Et il amassait des fortunes
En avoirs, en liquidités,
Pendant qu’Être, un peu dans la lune
S’était laissé déposséder.
Avoir était ostentatoire
Lorsqu’il se montrait généreux,
Être en revanche, et c’est notoire,
Est bien souvent présomptueux.
Avoir voyage en classe Affaires.
Il met tous ses titres à l’abri.
Alors qu’Être est plus débonnaire,
Il ne gardera rien pour lui.
Sa richesse est tout intérieure,
Ce sont les choses de l’esprit.
Le verbe Être est tout en pudeur,
Et sa noblesse est à ce prix.
Un jour à force de chimères
Pour parvenir à un accord,
Entre verbes ça peut se faire,
Ils conjuguèrent leurs efforts.
Et pour ne pas perdre la face
Au milieu des mots rassemblés,
Ils se sont répartis les tâches
Pour enfin se réconcilier.
Le verbe Avoir a besoin d’Être
Parce qu’être, c’est exister.
Le verbe Être a besoin d’avoirs
Pour enrichir ses bons côtés.
Et de palabres interminables
En arguties alambiquées,
Nos deux frères inséparables
Ont pu être et avoir été. Par Yves Duteil.
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*Evelyne : précise le choix de la page de garde du livre : « Un dernier exil » avec une tête, un masque, symbole de la participation de Mme Mansa à la réflexion de Joël, son mari ; Evelyne également plasticienne se sent très proche de cette œuvre poétique
Elle a choisi un poème de Raymond Queneau dans « L’instant fatal » dans <Pour un art poétique > (1948)
« Un poème c’est bien peu de chose »
A peine plus qu’un cyclone aux Antilles
Qu’un typhon dans la mer de Chine
Un tremblement de terre à Formose…
*Nicole a choisi l’ouverture d’un roman poétique de Jeanne Benameur : « Vivre tout bas. » Actes sud. 2025. Page 1.
<Son doigt suit lentement le creux dans le tissu. Du bout de l’index, dans le long pli de sa tunique elle dessine le visage. Au secret.
Contre son flanc, elle le dessine.
Elle sourit. Il est là, présent, jour après jour d’absence. Elle retrouve ses traits, si près du ventre qui l’a porté, quand rien de lui ne pouvait encore se figurer.
Dans le creux du tissu, la présence et l’absence dos à dos se confondent.
Il n’y a plus que ce qu’elle voit, elle, à l’intérieur de sa poitrine, de son cœur, de la paume de sa main et ce qu’elle voit n’a pas de nom.
C’est une ombre. C’est l’effacement et c’est la vie puisque toute vie ne palpite que pour être effacée. Alors elle caresse ce qui s’efface. Et elle sourit. L’effacement est une promesse, légère, comme le sable lancé par-dessus son épaule…
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Aurore a choisi un poème de Andrés Eloy Blanco, qui lui tient très à cœur.
SILENCE
Lorsque tu seras vieille
Lorsque je serai vieux
Il nous restera nos lèvres
Et le silence.
Lorsque tu mourras
Lorsque je mourrai
Il faudra que l’on nous enterre ensemble
Et en silence
Et lorsque tu ressusciteras
Lorsque de nouveau je vivrai
Nous nous aimerons de nouveau
En silence
Et lorsque tout s’achèvera
Pour toujours dans l’univers
Ce sera un silence d’amour LE SILENCE
( Poéte et homme politique Vénézuélien )
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* Françoise a été très touchée de découvrir sur le bord du fleuve, la Gironde, des tombes d’anciens combattants 1914-18. Parmi celles-ci, Jean de La ville de Mirmont, né le 2 décembre 1886 et mort pour la France le 28 ou 29 décembre 1914, (28ans) sur le Chemin des Dames. Il était poète et homme de lettres influencé par Baudelaire et Laforgue. Voir Wikipédia.
Cela lui rappelle un oncle disparu de la même façon, très jeune également. C’est émouvant pour elle.
*Marie est sensible à Saint-Exupéry, elle a choisi un passage du Petit Prince : rencontre avec le Renard.
< Le Renard :
« S’il te plaît…apprivoise-moi ! dit-il
– Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai des amis
à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
– On ne connaît que les choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’existe point de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !
– Que faut-il faire ? dit le petit prince.
– il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près… »
Le lendemain revint le petit prince.
» Il eut mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l’après-midi, dès trois heures je commencerai d’être heureux. Plus l’heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m’agiterai et m’inquièterai : je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur…il faut des rites.
– Qu’est-ce qu’un rite ? dit le petit prince.
– C’est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C’est ce qui fait qu’un jour est différent d’un autre jour, une heure des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu’à la vigne. Si les chasseurs dansaient n’importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n’aurais point de vacances. »
Ainsi, le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l’heure du départ fut proche :
– Ah ! dit le renard…Je pleurerai.
– C’est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise…
– Bien sûr, dit le renard.
– Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
– Bien sûr, dit le renard.
– Alors tu n’y gagnes rien !
……
Il revint vers le renard :
– Adieu, dit-il… – Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux…
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Marcel a retrouvé des souvenirs de son frère, un recueil de poèmes de 1960.
Il nous lit : « L’apparence et le feu ». Prix Gaëtan Picon de Raymond Mirande.
L’espace n’a pas d’ombre
Il caresse la superficie
Le tragique n’est pas là
C’est une sonore tombe
Ne pleure pas ma sœur
De ce côté du cœur
Passent encore des sources
A pas imperceptibles
De l’autre côté sèche
L’humidité, les yeux
D’une falaise la voient
Fondre sans lui répondre
Défaites vos liens, vos
Entraves de silex
Pas à pas, deux à deux
Nous demanderons le jour
Raymond Mirande. 1960.
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*Sylvie : L’AMITIÉ de FRANÇOISE HARDY
Beaucoup de mes amis sont venus des nuages
Avec soleil et pluie comme simple bagage
Ils ont fait la saison des amitiés sincères
La plus belle saison des quatre de la terre
Ils ont cette douceur des plus beaux paysages
Et la fidélité des oiseaux de passage
Dans leur cœur est gravée une infinie tendresse
Mais parfois dans leurs yeux se glisse la tristesse
Alors ils viennent se chauffer chez moi
Et toi aussi tu viendras
Tu pourras repartir au fin fond des nuages
Et de nouveau sourire à bien d’autres visages
Donner autour de toi un peu de ta tendresse
Lorsqu’un autre voudra te cacher sa tristesse
Comme l’on ne sait pas ce que la vie nous donne
Il se peut qu’à mon tour je ne sois plus personne
S’il me reste un ami qui vraiment me comprenne
J’oublierai à la fois mes larmes et mes peines
Alors, peut-être, je viendrai chez toi
Chauffer mon cœur à ton bois
*Louis propose Fernando Pessoa (La synthèse de la gravité)
Plutôt le vol de l’oiseau ( extrait du Gardeur de troupeaux)
<Plutôt le vol de l’oiseau, qui passe et ne laisse pas de trace,
Que le passage de l’animal qui reste rappelé dans le sol.
L’oiseau passe et s’oublie, et c’est fort bien ainsi.
L’animal, là où il ne se trouve plus et où par conséquent il ne sert plus de rien,
Montre qu’il s’y est trouvé, ce qui ne sert à rien de rien.
Le souvenir est une trahison envers la Nature,
Parce que la Nature d’hier n’est pas la Nature.
Ce qui fut n’est rien, et se rappeler c’est ne pas voir.
Passe, oiseau, passe, et enseigne-moi à passer !>
Ce poème incarne l’idée de pouvoir exister sans laisser de traces sur terre. Ces vers dévoilent un poète qui ne se prend pas trop au sérieux, un poète authentique pour qui prime l’instant présent. Pessoa cherche toujours l’angle précis pour retranscrire ses impressions, et dans ce poème en particulier, il exprime ce ressenti de supériorité de la nature. (Louis rappelle : France culture : l’instant poésie.)
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*Jean et la nature.
Le Crapaud alyte
Poésie de Claude Roy, dans « à la lisière du temps », Gallimard 1984
Dès que le soir tombe le crapaud alyte entonne son chant
Une seule note ronde et droite comme une grosse goutte d’eau
à intervalles parfaitement réguliers
une note aussi pleine que l’être du cyprès
ou que les muscles de rôdeur du chat gris foncé
Un son sûr de lui-même dense comme une petite cloche
Quand le soir devient plus noir une chouette lui répond
ou semble lui répondre Ils s’ignorent probablement
Mais si j’approche pieds nus du coin d’où vient le chant
le crapaud se tait aussitôt et pour le trouver
cours toujours Son cœur seul continue à battre
Crapaud couleur de nuit Crapaud couleur de rien
il chante qu’il existe et ne répond
si on lui parle ou si on le demande
qu’à un crapaud Les pas d’un homme
même marchant très doucement le font taire
et le silence est fait de mille silences pareils
voix petites de la peur et de la discrétion.
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Béatrice retrouve le beau poème de A. Rimbaud :
Le dormeur du val
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Marie- Josée : Aimé Cézaire
« Moi laminaire »
Elle nous invite à lire page 63 dans Moi laminaire, thème du Chemin de Aimé Césaire, éditions du seuil 1982.
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Merci à tous, vous qui avez partagé avec nous « Aimer la poésie ». Nous avons passé un grand moment de lyrisme, d’écoute et d’invitation au voyage.