Nous voici réunis à 14 heures, heureux de nous retrouver après le long WE de la Toussaint : Nos trois animateurs nous accueillent à L’Ermitage comme d’habitude. Louis, Sylvie, Marcel ; Evelyne, Béatrice, Ida, Nicole, Aurore, Jacqueline, Marie-Odile, Isabelle, Marie et Nadine. Se sont excusés, Jean, Marielle, Noëlle, Monique, Maryse, Anne. Notre groupe s’étoffe doucement et nous en sommes très joyeux.
Sylvie a choisi d’animer nos échanges et elle prévoit plusieurs présentations et quelques commentaires sur nos sorties de la dernière quinzaine. Elle rappelle quelques règles de présentation des livres, environ vingt minutes d’information sur l’écrivain et le livre choisi ; des commentaires-échanges pour avoir un ensemble riche et varié dans les deux heures trente imparties.
Elle remercie à nouveau Marcel pour l’organisation de l’Exposition des œuvres de Raymond et Christophe Mirande ; elle rappelle que Marie nous informe des sorties à ne pas manquer sur Bruges par exemple ; elle donne la parole à Ida qui a suivi entièrement l’organisation des échanges Franco- Allemands pour une splendide exposition des œuvres de six artistes plasticiennes de deux villes jumelées Bordeaux et Munich sur le thème : « L’esprit de la Nature et la nature de l’Esprit ». Marie a photographié les œuvres qui sont disponibles sur notre site de Passerelles.
Sylvie donne la parole à Louis qui présente : « Trouver refuge » de Christophe ONO-dit-Biot, un nom d’origine normande. L’auteur : Christophe Ono-dit-Biot, né en 1975, est de formation littéraire, agrégé de lettres modernes ; il enseigne plusieurs années en banlieue parisienne. Il s’oriente assez vite vers le journalisme, collabore dès 2000 à l’hebdomadaire « Le Point » et réalise pour lui divers reportages à travers le monde. Dès 2000, il se tourne vers l’écriture avec un premier roman, et mène depuis une double carrière de journaliste et d’écrivain. Il est l’auteur de six romans. En 2002, il est remarqué par son second roman :< Interdit à toute femme et à toute femelle>, dont l’action se déroule dans une péninsule grecque peuplée d’ermites du Mont Athos où il séjourne régulièrement, de 2000 à 2002. Son troisième roman, « Génération spontanée (2004) », suscite l’intérêt par sa satire de l’imposture contemporaine et de l’autopromotion érigée en système. Il reçoit le grand prix de l’Académie Française en 2013 pour le roman « Plonger », au premier tour, c’est dire la qualité du style.
Le livre « Trouver refuge », décembre 2023 chez FOLIO.
C’est son 6ème roman, dans lequel il renoue avec le Mont Athos. Les personnages du roman sont un couple, Sacha et Mina et leur petite fille de 9 ans, Irène. Mais aussi, en arrière-plan, le mont Athos, cette montagne sainte qui semble exercer sur Sacha – et sur l’auteur – une sorte de fascination.
L’histoire débute en 2027. Sacha, Mina et Irène sont réfugiés dans une maison grecque, prêtée par une professeure d’Athènes, amie de Mina. Ils sont là parce qu’ils ont décidé de fuir la France. Ils viennent chercher refuge au Mont Athos, sanctuaire érigé de monastères fortifiés où l’on vit encore selon les règles byzantines. Il est interdit aux femmes depuis le XIᵉ siècle, mais il a toujours protégé ceux qui y cherchaient refuge. C’est un retour pour Sacha qui avait séjourné ici 30 ans plus tôt, alors qu’il avait 20 ans. Mina n’est pas non plus étrangère au monde grec car elle enseigne à ses étudiants parisiens ce qu’était la Grèce antique. De son coté, Sacha est philosophe et écrivain mais travaille dans les médias en tant qu’animateur d’émissions.
C’est son 6ème roman, dans lequel il renoue avec le Mont Athos. Les personnages du roman sont un couple, Sacha et Mina et leur petite fille de 9 ans, Irène. Mais aussi, en arrière-plan, le mont Athos, cette montagne sainte qui semble exercer sur Sacha – et sur l’auteur – une sorte de fascination.
L’histoire débute en 2027. Sacha, Mina et Irène sont réfugiés dans une maison grecque, prêtée par une professeure d’Athènes, amie de Mina. Ils sont là parce qu’ils ont décidé de fuir la France. Ils viennent chercher refuge au Mont Athos, sanctuaire érigé de monastères fortifiés où l’on vit encore selon les règles byzantines. Il est interdit aux femmes depuis le XIᵉ siècle, mais il a toujours protégé ceux qui y cherchaient refuge. C’est un retour pour Sacha qui avait séjourné ici 30 ans plus tôt, alors qu’il avait 20 ans. Mina n’est pas non plus étrangère au monde grec car elle enseigne à ses étudiants parisiens ce qu’était la Grèce antique. De son coté, Sacha est philosophe et écrivain mais travaille dans les médias en tant qu’animateur d’émissions.
Ils viennent se réfugier ici car ils sont en danger en France. Le danger vient du climat politique et social quasi dictatorial voire fasciste qui règne en France. Le régime, sous la coupe du président « Papa » (Alex), cherche à privilégier une Europe chrétienne, rejetant toutes les autres religions et la culture. Alex était un ami très proche de Sacha lorsqu’ils étaient étudiants. Sacha a connaissance d’évènements qui se sont passés sur ce mont Athos au cours d’un séjour de Sacha et Alex 30 ans plus tôt. Ces évènements compromettraient sérieusement l’avenir politique de « Papa », s’ils étaient portés à la connaissance de l’opinion. Sacha a eu la bien mauvaise idée de faire planer cette menace sur son ex-ami car il est opposé à ses idées fascistes. S’ensuivent des gestes d’intimidation, puis des menaces directes. D’où la fuite pour se mettre à l’abri lui, Mina et sa fille. Seuls Sacha et Irène iront au mont Athos, Mina y renonce, rentre à Paris pour d’élaborer une stratégie afin d’échapper à « Papa ». Et l’une des difficultés que doit affronter Sacha est de présenter sa fille comme un garçon pour être accepté au Mont Athos.
Je laisse aux lecteurs intéressés la découverte de l’histoire, tout à fait passionnante.
Tout le roman est construit d’une part sur la fuite pour tenter de se mettre à l’abri de « Papa », fuite qui voit la séparation de Mina d’un côté et Sacha et Irène de l’autre, et d’autre part sur le dévoilement progressif des évènements qui ont eu lieu 30 ans plus tôt et compromettent « Papa ». Enfin l’attrait de la méditerranée, que l’écrivain semble aimer particulièrement.
J’ai trouvé ce roman captivant, intrigant, hors des sentiers battus. L’écriture est fluide et vive. On apprend beaucoup sur le Mont Athos et la vie monastique. Le texte comporte des pages merveilleuses sur les dialogues entre Sacha et sa fille. C’est une ode lumineuse à la transmission d’un père à sa fille et à l’amour tout simplement.
Malgré la tension toujours latente, ce texte célèbre la culture, les livres, la nature et la beauté qui sont des moyens d’échapper à l’oppression. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les dictateurs s’attaquent toujours à la culture et aux livres en particulier.
En résumé, dans le cadre d’une belle histoire, c’est un livre passionnant qui pousse à la réflexion sur l’évolution de nos démocraties.
Il nous reste à espérer que ce roman ne soit pas prophétique, compte tenu des signaux inquiétants que l’on peut aujourd’hui observer. L’histoire montre que les choses progressent toujours par glissements progressifs (Voir Stefan Zweig).
Le groupe est intéressé, certaines lectrices l’ont approché le livre, Marcel sourit, (il a écrit un essai sur cet endroit religieux), haut-lieu de la Grèce Antique. Ida explique que son mari, militaire de carrière, y a passé trois semaines, il est relativement accessible aux hommes. Louis, toujours plein d’humour donne un avis très positif, à ce livre inattendu.
Isabelle prend le relais avec la présentation d’un livre qu’elle a lu depuis plusieurs semaines, choix judicieux puisqu’il vient de remporter le prix de l’Académie Française, prestigieux. Et la même année le Prix Fémina.
Miguel Bonnefoy, en écrivant « Le rêve du Jaguar », renoue avec une tradition sud -Américaine et un mythe très masculin. Il a 37 ans, né à Paris en 1986, il est Français et vénézuélien. Sa mère est diplomate, attachée culturelle à l’Ambassade du Venezuela et son père est écrivain Chilien. En 2018, il est pensionnaire à la Villa Médicis à Rome. Il devient professeur de Français à l’Alliance Française.
Il dit : « souhaiter faire dialoguer deux cultures, sorte de pont de papier entre plusieurs peuples et voir si ces trajectoires peuvent être plus fécondes. »
Le roman, l’intrigue : Quand une mendiante muette de Maracaibo, au Venezuela, recueille un nouveau-né sur les marches d’une église, elle ne se doute pas du destin hors du commun qui attend l’orphelin. Élevé dans la misère, Antonio sera tour à tour vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, domestique dans une maison close avant de devenir, grâce à son énergie bouillonnante, un des plus illustres chirurgiens de son pays.
Une compagne d’exception l’inspirera. Ana Maria se distinguera comme la première femme médecin de la région. Ils donneront naissance à une fille qu’ils baptiseront du nom de leur propre nation : Venezuela. Liée par son prénom autant que par ses origines à l’Amérique du Sud, elle n’a d’yeux que pour Paris. Mais on ne quitte jamais vraiment les siens.
C’est dans le carnet de Cristobal, dernier maillon de la descendance, que les mille histoires de cette étonnante lignée pourront, enfin, s’ancrer.
Dans cette saga vibrante aux personnages inoubliables, Miguel Bonnefoy campe dans un style flamboyant le tableau, inspiré de ses ancêtres, d’une extraordinaire famille dont la destinée s’entrelace à celle du Venezuela.
Dans cette saga vibrante aux personnages inoubliables, Miguel Bonnefoy campe dans un style flamboyant le tableau, inspiré de ses ancêtres, d’une extraordinaire famille dont la destinée s’entrelace à celle du Venezuela.
Isabelle est heureuse de nous présenter ce livre remarquable d’un jeune écrivain déjà fort talentueux. Son héros est une sorte de modèle de l’ascension sociale dans un pays qui a beaucoup souffert et que la famille de Miguel a dû quitter. Il exprime sa pensée au regard de l’évolution de trois générations, Cela appartient au rêve du Jaguar. Elle est sensible à son style aux images ciselées, l’émotion à fleur de peau : « J’écoute des histoires d’amour. »
Pour continuer ces tableaux de romans familiaux démontrant le courage, la force morale des êtres, Nicole apporte un petit livre sur les contes des Arts Martiaux, recueillis par Pascal Fauliot et Michel Random, chez Albin Michel. Je suggère de les méditer, souvent courts, ils ressemblent aux Haiku japonais. Je lis « Bokuden et ses trois fils » :
« Bokuden, grand Maître de sabre, reçut un jour la visite d’un confrère. Pour présenter ses trois fils à son ami et montrer le niveau qu’ils avaient atteint en suivant son enseignement, Bokuden prépara un petit stratagème : il cala sur le coin d’une porte coulissante, de manière à ce qu’il tombe sur la tête de celui qui entrerait dans la pièce.
Tranquillement assis avec son ami, tous deux face à la porte, Bokuden appela son fils aîné. Quand celui-ci se trouva devant la porte, il s’arrêta net. Après avoir entrebâillé la porte, il décrocha le vase avant d’entrer. Refermant la porte derrière lui, il replaça le vase avant d’aller saluer les deux maîtres. « Voici mon fils aîné, dit Bokuden en souriant, il a déjà atteint un bon niveau et est en voie de devenir maître. »
Le second fils fut appelé. Il fit coulisser la porte et commença à entrer. Esquivant de justesse le vase qu’il faillit recevoir sur le crâne, il réussit à l’attraper au vol. « C’est mon second fils, expliqua -t-il à l’hôte, il a encore un long chemin à parcourir. »
Quand ce fut le tour du fils cadet, celui-ci entra précipitamment et reçut lourdement le vase sur le cou. Mais avant que le vase ne touche le tatami, il dégaina son sabre et le cassa en deux. « Et celui-là, reprit le maître, c’est mon fils cadet. C’est un peu la honte de la famille, mais il est encore jeune. » La chute fait rire le public. C’est important de rire.
Sylvie a beaucoup travaillé pour nous et elle nous apporte des pépites. De sa rencontre, dans le quartier des Aubiers, il y a quelques jours, avec un poète Slameur <Souleiman Diamanka>, elle nous fait entendre un poème touchant, mais distancé par la rapidité du rythme et la douceur de la voix. « Réponds-lui avec de l’eau. », vous le trouvez sur Google.
Il est âgé de 49 ans, né à Dakar, il est peul de culture, il le parle en famille, il apprend le français à l’école. Il a travaillé avec Grand corps Malade et d’autres jeunes, dans son adolescence ; il est acteur, participe au Printemps de Bourges en 1991, dans le groupe Djangu Randal, puis NTM. Son thème favori est positif « on peut tous s’en sortir » essentiellement par les mots. Il joue un peu le griot qui philosophe dans nos rues, particulièrement à Ménilmontant. « J’écris en Français dans une langue étrangère », Ecriture à Haute voix », « Habitant de nulle part », « De la plume et de l’épée ». (YouTube).
Très à l’écoute et émue, Sylvie lui répond avec le poème composé par elle-même que je cite en la remerciant :
Poème à Souleymane DIAMANKA : L’ARTISTE AU SERVICE DE LA BEAUTÉ
Toi, tu as les mots du griot
Moi, les peurs et les doutes
Mais à te voir les ailes déployées
Je sais qu’il existe, au milieu des sanglots,
Le pouvoir des pensées.
Au-delà des frontières et des calamités,
Un monde existe encré sur du papier.
Les arbres ont pour fruits des phrases.
Dans nos mains les couleurs du sable
S’envolent au vent en lignes d’écriture.
Le ciment des maçons ne construit pas de murs
Mais sert à des chansons.
Toi, l’insomniaque piéton, ta passion a chassé ton mal des nuits,
En traçant une route vers ton humanité.
Tu es cet artiste au service de la beauté.
Ta voix grave me donne la parole
Souleymane, Homme Peul, mon ami des mots et de la poésie
J’ai envie de te suivre, seule, avec un cahier
Au pays des songes et de la liberté.
Le cœur battant d’un nulle part, mais originaire de partout,
Je chanterai mes mots reflets de nos cœurs bout à bout
Accompagnée des Djembé,
Murmures de mon enfance
Pour ne rien oublier des notes d’espérance
Les ailes déployées…
SYLVIE 28 octobre 2024
Nous la remercions chaleureusement pour nous confier ses écrits, ses pensées, ses émotions. Elle nous transmet l’énergie de la création que peu d’entre nous sommes capables de faire vivre.
Marcel a préparé un livre qui rappelle le récent décès de Françoise Bourdin. Elle fut une écrivaine prolifique, très appréciée par le public français. Il a choisi un de ses premiers romans : « De vagues herbes jaunes ». Françoise Bourdin est née le 22 juillet 1952 à Paris et est décédée le 22 décembre 2022.
Elle a écrit une cinquantaine de romans qui se sont vendus chacun entre 300 000 et 500 000 exemplaires. Elle vient d’une famille de chanteurs lyriques (Geori Boué, sa Mère) et connaît des personnalités des Arts et du spectacle. Particularité troublante, son fiancé se tue devant ses yeux, lors d’un tournoi d’équitation alors qu’elle a 16 ans. A la suite de ce drame, elle écrit son premier livre : « Les soleils mouillés » qui sera publié chez Julliard, elle a 19 ans. Son deuxième roman dont je vais parler, dit Marcel, publié un an après, est adapté à la télévision par José Dayan, c’est son premier film.
Elle se marie et s’occupe de ses deux filles, jusqu’en 1991 ; elle souhaite rependre ses écritures mais les éditeurs l’ont oubliée et elle reprend la plume sur des thèmes qu’elle a mûris : son univers romanesque prend racine dans les histoires de Famille, les secrets, les passions qui les traversent. Elle a indiscutablement le goût des personnages hauts en couleur, de la musique des mots. Elle dit justement : « Plaire à un public populaire n’est pas forcément de mauvais goût. ». Dès la lecture de ce livre, j’ai fait le lien avec Thérèse Desqueyroux de François Mauriac : les mêmes enfermements dans des petits villages « étroits », le lien avec la terre d’origine, le déclin familial, l’étouffement de la personnalité, le désir de liberté contraint par le même poids familial. Ce livre a été réédité par ses deux filles, vous le trouverez chez Pocket livre de poche.
Dernier point, c’est Laurent Terzief qui jouait le rôle du personnage principal de ce livre : « Cyril », comédien, ho ! combien sombre et magnifique.
Après quelques lectures, le groupe montre par de nombreux échanges l’intérêt de cette présentation sensible, presqu’émouvante. Je me permets de rappeler que nous avions présenté au moment du décès de François Bourdin : « Un si bel horizon » qui se passe en Corse dans un cadre somptueux, mais la famille d’hôteliers se remet difficilement du décès du père et de l’aide à apporter au jeune frère, un peu différent. Merci à Marcel, pour le choix de ce thème.
Sylvie se tourne vers Nicole puisqu’il reste un moment disponible, avant le réconfort du thé de la fin de réunion. Nous avions prévu l’idée de scinder en deux séances, la présentation d’un livre sur l’Inde et la connaissance des groupes sociaux grâce à Rohinton Mistry.
Rohinton Mistry n’est pas très connu dans le monde littéraire et pourtant ses trois grands romans sont des sources essentielles pour comprendre l’Inde et ses caractéristiques. Né à Bombay en 1952, on ne connait pas trop sa vie, mais il connait bien cet immense pays. Il appartient à une famille de religion Zoroastrienne, elle repose sur des textes anciens qui remontent au monde Perse. Ces peuples sont venus vers l’Inde pour fuir des persécutions mongoles, il y a environ 1000ans. (Cf : textes Pahlavis et arabo-persans). Les croyances sont fondées sur la pureté, le respect et certains rites religieux et culinaires. La nature est déifiée, Ils ont assimilé le Bouddhisme aisément.
En 1973, R. Mistry émigre vers le Canada pour continuer ses études, il écrit déjà depuis longtemps, des contes et des nouvelles qui plaisent beaucoup. Son premier roman « Un si long voyage en 1991 » remporte un prix des écrivains du Commonwealth, et le meilleur roman canadien. Il est adapté au cinéma en 1998. Mais avant il fait paraître en 1995 « L’équilibre du monde » Prix Giller la même année, puis « Une simple affaire famille » 2002. Son succès est remarquable : ces années sont primordiales pour le Commonwealth, l’Inde est une possession de la Couronne. Les publics Anglo-Canadiens sont inquiets des mouvements politiques de la période 1947 -1964 pendant laquelle l’Inde est dirigée par un président du Conseil le Pandit Nehru, un Indien conservateur modéré qui parvient à faire signer un accord de séparation entre l’Inde et le Pakistan en 1947. Il dirige le pays jusqu’à sa mort, foudroyé par une crise cardiaque à New Delhi. Indira est habituée au pouvoir, elle a constamment suivi son père.
Elue pour son expérience, Indira dirige le pays : elle a été élue par le peuple à la suite de diverses crises : avec le Pakistan dirigé par les Sikhs minorités rebelles et brutales, (sécession en 1947) ; les appels à la non-violence demandés par le Mahatma Gandhi au cours de sévères grèves de la faim. Indira Gandhi n’appartient pas à la famille du Mahatma, mais elle le connait et se trouve près de lui lors de la dernière grève de la faim, elle écrit dans ses mémoires qu’elle lui donna son premier jus d’orange. Cette période constitue le background du roman, particulièrement les années 1975-77, pendant lesquelles le gouvernement de I. Gandhi impose l’Etat d’urgence avec des troupes et un organisme MSI (maintien de la sécurité intérieure).
Ce n’est pas un livre politique, et pourtant en le lisant, on perçoit les souffrances du peuple dans une démocratie qui ne l’est plus socialement. On remarque les petites phrases de l’écrivain qui se sent libéral, respectueux des citoyens et de la démocratie. Il écrit depuis le Canada, toujours sous influence du <Commonwealth>.
Le livre : Agréable à lire, toujours en mouvement, une écriture facile. Mais l’entreprise est complexe et il faut 14 chapitres pour édifier le récit de cet imposant projet.
Les faits embrassent le période entre 1947 et 1984 sous la Dynastie Indienne, Brahmane, des Nehru-Gandhi. A 16ans, Indira épouse Feroze Gandhi, membre d’une famille d’avocats aux affaires depuis le début du XXème siècle.
Je situe d’abord les courants religieux ou sociologiques qui sont nombreux pour deux raisons : * L’ancienneté de cette civilisation indienne qui fait suite à la « Perse » : les Hindous ou Parsis, dont fait partie l’écrivain. * Nous savons qu’ils s’opposent aux Musulmans, ne serait-ce que parce que la scission avec le nord de l’Inde, nommé Pakistan, est actée en fin de conflit 1947, mais les conséquences sont durables (1960-70) * Les Intouchables, environ 220 millions, sont hors des rituels religieux hindous, ils sont parias, et « assujettis » à des rôles sociaux et professionnels, en ville et à la campagne, surtout dans les régions pauvres. Ils sont dits Harijans (fils de Dieu, pour les protéger) ou Chamars selon les régions. Ce sont les plus anciens habitants de l’Inde, Ils ont eu affaire avec les Mongols lors d’invasions médiévales, autour de l’An 1000 et sont inscrits dans des textes de langue Sanskrite. (Jat : paysan ; Ahir : bouvier ; chamar : tanneur ou cordonnier.) Ils parlent des dialectes proches du Hindi, mais qui diffèrent selon les nombreuses régions cloisonnées géographiquement. * Toutes ces variables fonctionnent grâce aux « castes » : certes c’est un système d’exclusion puisque chacun reste dans sa caste, excepté * les brahmanes et les sachants, les politiques, l’armée, les religieux. La société a donc un aspect quadripartite, qui se diversifie régionalement, se décline, et se « débrouille » avec une volonté de vivre en paix et dans le respect des fonctions de chacun. Les interactions y semblent assez fluides sauf dans des périodes d’excès. Par exemple, il suffit d’une loi, d’un décret pour plonger l’Inde dans le chaos et la violence. Un changement presqu’inhumain s’installe et c’est la fin des droits de l’Homme. C’est une raison pour expliquer les assassinats de Ministre et spécialement celui de Indira Gandhi en 1984. (Wikipédia : 5 podcasts ; France TV You tube : 4 moments : * elle suit son père, * la mère de l’Inde, * la dame de fer, * Jeanne d’Arc ; passionnants). « C’est elle qui installe la démocratie en Inde. » Ce sont les Sikhs qui l’ont fait assassinée. Ils suivent une croyance monothéiste Dharmique fondée au nord, dans le Penjab vers le 15ème S. Un dieu, 11 Guru. (Un composite d’anciennes religions indiennes, Bouddhisme, Taoïsme, Jaïnisme) ; ces croyances ont encore une grande influence dans toute l’Asie du Sud-Est.
Le livre. Le récit se déroule entre les années 1970 et 1980 (Importance des retours en arrière). On peut le repérer par les effets des décisions politiques qui ont remué la société de Bombay. Ce nom de lieu n’est jamais nommé, mais le pouvoir y semble proche, la police, les hiérarchies. Il lui faut être prudent.
<Trois personnages principaux font irruption en ville en quittant le train, deux tailleurs d’habit, Ishvar et Omprakash, intouchables ; ils ont rencontré un étudiant, Maneck, qui vient de très loin, en montagne, et ils se rendent compte qu’ils vont dans la même rue. Hasard ! Ils vont se retrouver devant la porte de Dina, une couturière qui attend du personnel pour son entreprise et le fils d’une amie d’école d’autrefois, locataire dans sa petite maison. Ils font vite connaissance, car il faut s’organiser et rentrer les matériels dans l’atelier de couture. La rencontre entre les quatre personnes est sympathique. Dina est une veuve, elle a un frère qui est dominant, elle doit lui rendre compte de ses actes. Elle est le lien référant de tous les personnages. Environ 27 personnages qui seront analysés au cours des 14 chapitres.
Le second chapitre est centré sur Dina, sa famille aisée : son père était médecin Dr SChroff, promis à une belle carrière, mais sa ferveur pour aider et soigner ses patients lui ont pris tout son temps et chacun dans cette famille Parsi, regrettait qu’il n’eût pas d’ambition. Il se porta volontaire pour soigner des gens des villages alentour contre la typhoïde ou le choléra. Son épouse le voyait déjà malade et dangereux. Le fils aîné, Nusswan, refusa de suivre la médecine et choisit les affaires ; Dina plus jeune aimait beaucoup son père et voulait reprendre sa suite, et faire médecine. Il tomba malade rapidement au cours de cette campagne de soins. NussWan devint rapidement tuteur légal de Dina, après la mort de ses parents, il garda la maison pour lui, choisit une épouse Ruby et géra l’ensemble avec étroitesse. Peu de domestiques, mais donna tout le travail à sa jeune sœur. S’étant rebellée, elle dut s’occuper sous contrainte, de sa mère et de la maison complète. Puis il essaya de la marier, et en même temps il la dévalorise auprès de la famille (Sens large). L’histoire de ses tresses p40. Il ne l’aide pas à passer ses examens et pense qu’il faut la marier, il a mis de l’argent de côté, mais elle ne trouve aucun homme choisi par son frère, à son goût. Peu à peu elle prend de l’assurance, visite les musées, écoute des concerts et s’attarde dans une grande bibliothèque.
La fin du chapitre 1, consacré au personnage central, Dina sera suivie à notre prochaine réunion. Nous verrons la suite de ce grand livre le 18 novembre à 14h à l’Ermitage. *********************************