Café littéraire du 21/10/2024 📜📚

Aujourd’hui, les vacances scolaires nous privent des lectrices et lecteurs qui s’occupent de leurs petits-enfants : Marcel nous a prévenus jeudi soir, lors d’une soirée d’exposition des œuvres de Raymond Mirande qui réunissait sa famille. Nous avons appris que Ida s’occupe des artistes féminines allemandes qui viennent exposer au Cours Mably à Bordeaux. Béatrice, Nadine, ne nous ont pas rejoints. Mais nos animateurs nous accueillent Sylvie et Louis : Isabelle, Aurore, Noëlle, Marie, Maryse, Anne qui nous rejoint depuis deux réunions, Jean, Monique, Annick, Nicole, Isabelle, Jacqueline. Evelyne et Gérard vont bientôt partir aux Philippines pour créer un film.

 C’est Isabelle qui reprend pour nous parler de Lee Miller cette femme étonnante, égérie de poètes surréalistes, belle, élégante, qui fréquente Man Ray et d’autres personnalités très en vue. Photographe, reporteur de guerre, elle prend les premiers clichés sur les camps de concentration. Cf le livre « Désensorcelée ». Elle nous rappelle d’autres films vus par plusieurs lectrices : De François Ozon, « Quand vient l’automne » qui vient de sortir ; Annick et Sylvie et d’autres lectrices ont vu une nouvelle réalisation du « Comte de Monte Cristo » d’après le roman de Alexandre Dumas, C’est le plus gros succès de Pierre Niney.

Isabelle poursuit avec une lecture récente « La sage-femme d’Auschwitz » de Anna Stuart 2023.

Deux héroïnes, deux femmes qui se rencontrent dans le camp de concentration. Esther est une jeune femme juive qui attend un bébé et se retrouve condamnée d’avance, séparée de son mari, ils sont jeunes et très amoureux, ils vivent dans le Ghetto. Ana est Polonaise, elle est envoyée à Auschwitz pour s’occuper des parturientes. Les nazis recherchent cette compétence, elle va s’occuper des nourrissons qui sont enlevés à leur famille dès le premier cri. Le drame des parents prisonniers est terrible, des familles allemandes adoptives doivent remplacer les pertes en êtres humains dues à la guerre.  Ana s’occupe des enfants juifs au Bloc 24, elle rencontre Esther qui a une idée pour retrouver son enfant plus tard : une idée qui peut apporter un peu de réconfort aux parents désolés : secrètement Ana commence à tatouer les bébés avec le numéro de la mère, sous le petit bras, permettant de relier la mère et son bébé. C’est une lueur d’espoir qui pourrait se produire pour les mères survivantes qui pourraient retrouver l’enfant enlevé.  Ana a mis au monde plus de 3000 bébés.

Ce livre est très bien écrit, il fait l’unanimité. Il comporte une suite, « La sage-femme de Berlin. »2024. Esther, libérée d’Auschwitz, recherche sa fille Pippa, dans une Europe plongée dans le Chaos.

Merci à Isabelle qui a pris la parole pour présenter cette lecture passionnante sans préparation.

Sylvie est sollicitée par Louis pour proposer un Poème. En fait, elle veut revenir sur la personnalité de René Char, qu’elle apprécie beaucoup, non seulement pour son courage dans la Résistance, « Les Feuillets d’Hypnos » ( l’homme qui veille sur le Peuple 1943 et plus tard),   mais pour l’éclat de son style dans ses  poèmes édités tardivement après 1946 : « Fureur et Mystère,1948 ». cf. un livre de Yves Berger sur le Poète combattant qui ne voulait pas publier pendant la guerre, pour protéger tous ceux qui auraient pu être découverts comme résistants. Il est centré sur l’action plus que sur la méditation poétique pendant cette période de guerre.

Elle nous propose aussi à la lecture un livre court : de Delphine Minoui, journaliste franco -iranienne, spécialiste de l’Iran et le Moyen -Orient. « Badjens », « Le passeur de livres de Daraya », « L’alphabet du silence », « je vous écris de Téhéran ». Cette journaliste est née à Paris, de mère Française et de père Iranien. En 1997, la mort de son grand-père iranien, l’amène à vouloir explorer le pays de ses origines, Elle s’envole pour huit jours à Téhéran, elle y reste dix ans. Elle devient journaliste et couvrira plus tard les événements qui suivront la mort de Sadam Hussein. Elle poursuit sa route au Moyen Orient et au Maghreb, à travers les conflits. Prix Albert Londres en 2006.

 

« Badjens »( effrontée) » est un sujet brûlant, une jeune fille de 16 ans est prise par la police pour avoir enlevé son voile et l’avoir brulé en public. Est-ce Chiraz, est-ce Nika ? elle a eu une enfance douloureuse ; son père incarne le patriarcat iranien dans le récit : apprenant que le bébé attendu par sa femme est de sexe féminin, le père décide de faire avorter son épouse. Puis il se reprend après des conseils du genre « Tu la vendras ! ». En 2022, l’Iran s’enflamme avec l’épisode tragique de la mort de Mahsa Amini.  Nika est dans les rues pour crier « Femme, Vie, Liberté » ; c’est l’origine de la génération Z. Elle disparait pendant neuf jours à la suite de son exploit. On la retrouve battue à mort, son corps est à la morgue. On affirme, le régime, qu’elle s’est suicidée. Sur les vidéos, elle est vêtue d’un pantalon à la garçonne, cheveux courts, son foulard à la main, elle est juchée sur une benne retournée, dans la foule, elle brûle son voile. C’est de là que la journaliste conçoit le martyre de son héroïne Zarha dans le roman Badjels. Cette vidéo devient virale.

Pour Delphine Minoui, c’est une mission de donner la parole aux êtres courageux qui donnent leur vie pour faire entendre des voix étouffées, condamnées au silence, qui pourtant portent le fardeau tragique de ceux qui disparaissent. Elle est pénétrée de son « iranitude ». Elle répond à une interview remarquable sur RFI (rfi.fr/ culture.

Merci à Sylvie qui nous donne tant de pistes de recherches et de méditations. J’ai beaucoup lu autour de Delphine Minoui. C’est passionnant. Louis remercie Sylvie et se tourne vers Nicole.

Celle-ci pose une question qui lui importe beaucoup. < Les présentations des livres sont souvent courtes pour ne pas déflorer l’intrigue, mais pour ceux qui lisent peu, cela n’apporte pas beaucoup d’intérêt, juste des commentaires dans le vide. > ! Le groupe s’interroge, Louis demande si les CR sont lus après leur réception sur internet ? des doigts se lèvent, et je les en remercie. Anne intervient doucement en disant que les désirs de lire viennent souvent des commentaires faits par des lecteurs enthousiastes : ce qui est naturel ; toutefois, un livre n’a d’intérêt que s’il est lu, et même lu entièrement sinon la mémoire retient peu de choses. L’œuvre est importante, mais l’écrivain, le créateur est encore plus important ; il écrit avec ses souvenirs ou ses intentions, sa chair d’une certaine façon, son souffle, ses efforts, sa dérision parfois douloureuse, ses amours blessées. Le livre n’est pas qu’un « divertissement » pour le lecteur, de même qu’il n’est pas, pour le créateur, seulement l’espoir d’un succès d’argent ou de réputation. De même pour toute création dans les Arts, ou chez l’artisan, il y a toujours une part de soi dans l’œuvre.

Nicole souhaite vous présenter un roman d’origine anglaise, traduit en 2023, édité chez Robert Laffont : « Tu mens comme tu respires » de Harriet TYCE.

Ce n’est pas un thriller, ce n’est pas une aventure vécue par <un groupe de femmes au foyer>, c’est plutôt une « aventure de vie » celle de Sadie, l’héroïne, de Robin, sa fille, probablement inspirée en partie de la vie de l’écrivaine. Ces diverses tendances des romans actuels y sont mêlées ce qui rend l’intrigue passionnante. Harriet Tyce est anglaise, elle a fait des études littéraires en langue anglaise à Oxford ; Elle se reconvertit dans le droit pénal et pratique dans un cabinet d’avocats pendant dix ans. Dans cette expérience professionnelle riche et variée, elle trouve surement l’origine des intrigues qu’elle mène de façon énergique dans un style précis, efficace, rapide. Jamais trop d’émotions, des retournements forts qui démontrent que les « causes » ne sont jamais simples ou gagnées d’avance. C’est passionnant.

Le roman présente Sadie Roper et sa fille Robin, arrivant dans une banlieue londonienne, chic et conservatrice. Elles ont quitté les Etats Unis, se sentant presque rejetées par Andrew, que Sadie a épousé, il y a une dizaine d’années. Mariage désapprouvé par la mère de Sadie qui est décédée, laissant pour héritage à Londres, une maison ancienne et une clause d’héritage obligeant sa fille et sa petite fille à vivre dans un groupe social qui ne plaît pas à Sadie ; en particulier une école privée chic et chère, où Sadie a souffert de harcèlements qu’elle ne souhaite pas faire vivre à sa fille. Mais elle a besoin de ce petit héritage en attendant de retrouver son poste dans un cabinet d’avocats. Courageusement toutes les deux essaient de s’adapter et de rester prudentes. De façon inattendue, une place s’est libérée dans la classe de CM2,  conviendrait-elle à Robin ? Sadie va-t-elle demander à sa fille de l’accepter ?  En même temps, le cabinet d’avocats où elle pensait retrouver un poste ne semble pas disposé à la reprendre, au bout de dix ans d’absence. Tout est compliqué pour Sadie qui vit cette période avec colère et rancune.

Elle fait des erreurs de courtoisie et se met en opposition avec les personnalités dominantes de la vie scolaire, parents d’élèves et direction de l’établissement. Heureusement Zora, une amie d’autrefois l’aide et change ainsi le cours des événements.

Sadie se voit obligée de changer de méthode et de comportements, elle change de look, se révèle professionnellement, partage des moments conviviaux avec l’association des parents d’élèves pour que Robin soit protégée. Et soudain, les opinions changent, elle montre en effet qu’elle a vécu dans cette école, y a été reconnue comme déléguée de classe CM2, inscrite dans les archives des réussites ; elle devient recherchée par tous les protagonistes de son environnement. Robin est courtisée par ses voisines de classe, Sadie est soutenue par Zora et intègre le cabinet, revêt la robe d’avocate et tout irait mieux. Mais…

Je vous laisse retrouver la lecture de ce roman très anglais et vraiment intéressant.

Les couples Mère-Filles sont bien dessinés par l’écrivaine avec des différences, des attitudes qui font avancer l’intrigue romanesque. Les comportements dans la situation de stress vécue par certaines adultes sont décisifs dans l’intrigue ; les cas traités par l’Avocate auprès de la Reine, Barbara, et par Sadie qui est son adjointe, enrichissent les évènements, font évoluer les protagonistes, prévisions ou prémonitions, expériences et réactions. Nous avons une galerie de portraits psychologiques de femmes et d’hommes bien dessinés et diversifiés. C’est au lecteur de voir clair dans les jeux de ces acteurs. On se pose des questions sur le « Mal », sur le « Bien », comment faire confiance ? Comment éviter les dangers ? Savoir faire face et réagir vite.  Je conseille de le lire.

Louis souhaite partager avec nous sa lecture d’un livre original qui plaira aux cinéphiles. Valentin MUSSO « La femme à droite sur la photo ». ( Je remercie Louis de m’avoir confié sa présentation par mail.)

L’auteur : né en 1977, frère cadet du célèbre Guillaume MUSSO. Agrégé de Lettres, enseigne la littérature et les langues étrangères dans les Alpes maritimes. Succès littéraire qui va en s’amplifiant, il en est à son 11ème roman et s’est imposé dans le thriller français.

« La femme à droite sur la photo ». L’histoire se déroule en Californie dans le monde du cinéma. Un prologue nous présente ce qui sera le fil rouge de l’histoire. Los Angeles, 1959. L’actrice Elizabeth Badina se volatilise durant le tournage du film qui devait faire d’elle une star. S’agit-il d’un enlèvement, d’un meurtre, d’une disparition volontaire ? Malgré l’enquête conjointe de la police et du FBI, l’affaire ne sera jamais résolue. Après quoi se déroule en trois parties toute l’enquête menée par le personnage principal, David Badina, fils d’Elisabeth et scénariste. David n’a pas connu sa mère, disparue alors qu’il n’avait que 6 mois. Il n’a aucune idée sur qui est son père. Il a été élevé par sa grand-mère maternelle avec une attache affective très forte.

Cette enquête démarre à New York en 1998. Un succès fulgurant au box-office a fait de ce David Badina la coqueluche d’Hollywood, il affronte une traversée du désert. Incapable de mener à bien le moindre projet, il est contacté par un certain Wallace Harris, légende vivante du 7e Art et metteur en scène paranoïaque, qui lui demande de travailler au scénario de ce qui sera sans doute son dernier film. Ils ne se sont jamais rencontrés mais un lien unit les deux hommes : Wallace Harris n’est autre que le réalisateur du drame policier qui devait lancer la carrière d’Elizabeth, la mère de David. Et l’un des derniers à l’avoir vue vivante. On découvre à la lecture que l’objectif de Wallace Harris est en fait de lancer -sans le lui dire clairement – David à la recherche de la vérité sur Elisabeth 40 ans plus tôt, qu’il n’a jamais pu élucider lui-même. David, accepte son offre.

Négligeant son travail, sa compagne Abby et ses amis, il se lance à corps perdu à la découverte de son passé, et donc de l’histoire de sa mère. Il est aidé en cela par Sam Hathaway, un ancien policier ayant enquêté sur la disparition de sa mère et devenu détective privé.

Il y parviendra après beaucoup de rebondissements, de rencontres, dont celle de celui qui est son vrai père. J’ai été conquis par ce livre, beaucoup plus que je ne le suis par la prose du frère Guillaume. Il ne se présente pas comme un livre d’action, on est là dans le temps long, celui de la réflexion, de l’introspection. Les personnages, David, sa compagne Abby, sa mère Elisabeth et le cinéaste Wallace ont de l’épaisseur mais ne se dévoilent que progressivement. David est un personnage très attachant. Ses faiblesses et ses doutes y sont surement pour quelque chose. Le roman est particulièrement bien documenté sur le monde du cinéma hollywoodien à une époque qui est celle des errements des années 50/60 aux USA, du maccarthisme, de la pudibonderie. On peut d’ailleurs considérer que cette chasse aux communistes, dont ceux de la liste « noire » d’Hollywood constitue la trame de fond du roman, avec un suspense qui tient le lecteur en haleine du début à la fin dans une intrigue à la fois captivante et érudite. Au global, c’est bien écrit, avec un bon sens du rythme et sans digressions inutiles. Les multiples allers-retours entre le passé (la vie d’Elizabeth) et le présent (enquête de David) relancent en permanence l’attention sans que le lecteur ne perde le fil. C’est un excellent moment de lecture que je conseille fortement.

 Merci à Louis pour la découverte de ce livre passionnant qui dévoile ou rappelle l’environnement politique et social de cette époque.

Nous avons la chance de nous retrouver au cours de plusieurs manifestations culturelles ces temps prochains.

Le prochain Café littéraire aura lieu le 4 novembre 2024. Bonnes lectures. Bonnes découvertes. Très amicalement. Nicole.