Nous entourons nos deux animateurs présents Sylvie et Louis, pour le 19ème Café Littéraire de la saison de Septembre 2024- Juillet 25. Maryse, Marielle, Monique, Béatrice, Nicole, Aurore, Isabelle, Anne, Marie, Evelyne. Nous sommes douze en cette fin d’année qui s’annonce ; Marcel est empêché. Ainsi que de nombreux lecteurs. Marie-Jo a envoyé ses amitiés au groupe.
Louis prend l’animation de notre séance en débutant par : « l’Echo des sorties » qui sont nombreuses, ce printemps. Il évoque la sortie du Petit parc, Epicerie et Potager Solidaires, mardi dernier, dont nous avons reçu une belle photo : merci au groupe de Passerelles. Mercredi, une très belle sortie à Verdelais, Jean-Jacques nous envoie des photos de sculptures dans les ruelles de saint- Macaire, beau village qui date du début Renaissance, avec un guide professionnel. Bravo à nos organisatrices Martine C et Martine P.
Puis, il demande les propositions de livres à présenter. Sylvie voudrait rappeler les sujets du Bac de Philo, c’est un grand moment qui touche les jeunes et les amateurs de livres. Isabelle et Marielle reparlent du très beau livre présenté par Louis qu’elles ont pu lire depuis ce moment : « Les Yeux de Mona » de Thomas Schlesser. Un roman « phénomène » rapporte Nicole. Plusieurs exemplaires de ce très beau livre d’art sont passés dans le groupe, un livre très riche en méthodes d’analyse d’une soixantaine de tableaux de toutes époques. C’est un moment important qui nous permet de percevoir que les livres présentés deviennent des livres « lus » par nos participants. De même, pour le livre présenté par Béatrice « Le côté obscur de la reine » de Roger Nimier qui se promène parmi nous, ou « Une femme simple et honnête » de Robert Goolrick. Et d’autres bien sûr.
La parole est donnée à Marie qui a aimé « La femme de ménage » de Freida MacFadden. Bien sûr, c’est un autre aspect des parutions d’ouvrages actuels : ce que lisent les jeunes qui lisent peu ou pas. Sur ce point cela nous intéresse, puisque ce fut le roman-succès de cette autrice qui attire vers la lecture en utilisant des méthodes de relations sur les réseaux sociaux.

Elle poursuit sa réflexion avec la « Psy » dont elle donne les éléments de l’intrigue : « Des jeunes mariés, Tricia et Ethan recherchent la maison de leurs rêves. Alors qu’ils visitent un manoir isolé ayant appartenu au docteur Adrienne Hale, une Psychiatre renommée qui a disparu sans laisser de trace depuis quatre ans. Une violente tempête de neige les piège sur place ; et la maison n’a rien de rassurant… » Marie ne veut pas dévoiler davantage. Elle a eu plaisir à le lire et comprend que le succès de l’écrivaine anglaise se poursuive avec de genre d’intrigue un peu facile mais bien tournée. L’introduction du roman est un modèle de publicité pour lire le livre : « Tout le monde ment !!! » mi-vérité, mi-provocation. Louis délicatement tourne les oppositions à cette catégorie de romans, en parlant d’un film à venir « The return », de Pazzolini. Mais le créateur italien est mort en 1975. Question qui nous remue… une recherche nous permet de comprendre qu’il s’agit d’un neveu du cinéaste célébrissime italien qui a repris place avec un « Bel Ami » proche de celui de Maupassant. Nous y penserons pour le mois de Septembre.
Louis demande à Sylvie de prendre la parole pour ses présentations. Elle nous raconte sa recherche pour faire intervenir Eric, notre ami lecteur si compétent sur l’âme du Bordeaux d’Antan. Voici les thèmes que cet historien, poète et avocat lui a amicalement suggérés dans un envoi e-mail :
< 1- Le soleil revient, le printemps ouvre peu à peu les yeux. Cela me rappelle le poème suivant :
« Le temps a quitté son manteau ». Charles d’Orléans (1394-1465). Ballades.
<Le temps a quitté son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s’est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Il n’y a ni bête, ni oiseau,
Qu’en son jargon, ne chante ou crie.
Le temps a quitté son manteau
De vent, de froidure et de pluie.
Rivière, fontaine et ruisseau,
Portent en livrée jolie :
Gouttes d’argent d’orfèvrerie ;
Chacun s’habille de nouveau :
Le temps a quitté son manteau.
Ce joli rondeau a été écrit par Charles d’Orléans, qui a été fait prisonnier par les Anglais lors de la désastreuse bataille d’Azincourt (1415), dans le style de la tradition courtoise des troubadours que lui avait enseignée sa mère érudite Valentine Visconti, fille du duc de Milan.
Pendant sa très longue captivité de 25 ans en Angleterre, il s’est livré à la poésie, écrivant celle-ci tant en français qu’en anglais. Il a été libéré après le paiement d’une importante rançon. Il appartient à la branche royale des Valois : il est le petit-fils du roi de France Charles V, le neveu du roi de France Charles VI et le père du futur roi de France Louis XII, ce dernier naissant quand son père a 68 ans !
2 – A l’époque, les familles régnantes de France et d’Angleterre (Valois et Plantagenets) étaient imbriquées, ce qui a entraîné des problèmes dynastiques, de successions, de droits féodaux … et la guerre de Cent Ans. Quand la guerre de Cent Ans se terminera après la bataille de Castillon (1453), viendront les guerres d’Italie du fait que les rois de France réclameront des droits sur le Milanais, Naples etc …
L’époque était aussi très compliquée.
Ainsi : * Charles d’Orléans était marié avec la veuve du roi d’Angleterre Richard II, à savoir sa cousine Isabelle de Valois, fille du roi de France Charles VI, étant précisé que le roi d’Angleterre Richard II (1367-1400), fils du prince de Galles (le fameux Prince noir,) était né à Bordeaux et que Shakespeare écrira en 1595 une pièce de théâtre intitulée Richard II.
* le roi Louis XII (1462-1515), fils de Charles d’Orléans, a été marié avec Anne de Bretagne, puis avec Marie Tudor (sœur cadette du roi d’Angleterre Henri VIII), étant précisé qu’Anne de Bretagne est la seule personne à avoir épousé deux rois de France : Charles VIII et Louis XII. Elle a été pendant plus de 20 ans, reine de France consort : à l’époque, on ne refusait pas le duché de Bretagne.
Afin de ne pas faire le cuistre avec tous ces détails historiques qui peuvent lasser, on retiendra simplement ce beau poème et que notre ville a donné naissance à un futur roi d’Angleterre qui a inspiré une pièce de Shakespeare.
Je vous souhaite un joli printemps.>
Sylvie a voulu chercher plus loin le contenu des suggestions d’Eric, et elle nous lit avec une voix très intériorisée, un des grands moments de la vie de :
RICHARD II. Ecrit par SHAKESPEARE ( 1595 ).
ACTE V – SCÈNE V
Un cachot à Pomfret : Entre RICHARD
- RICHARD :
- Je cherche sans relâche à comparer ici, cette prison, où je séjourne avec le monde
- Mais, parce que le monde est peuplé de mortels, et qu’il n’est point ici d’autre homme que moi-même, je n’y puis parvenir. J’en veux trouver l’issue.
- Cette cervelle mienne épouse mon esprit.
- Mon esprit est le père, et il fait naître d’elle des pensers par milliers, qui en engendrent d’autres.
- Et ces mêmes pensers peuplent ce petit monde
- De caprices pareils aux peuples de ce monde,
- Où nul n’est satisfait. Les pensers les plus nobles,
- Ayant Dieu pour objet, sont tout entremêlés d’incertitude. On voit s’opposer la parole à la parole même :
- Ici, « Viennent à moi tous les enfants », ailleurs,
- « la route est difficile, autant pour un chameau
- Se glisser comme un fil par le chas d’une aiguille ».
- L’esprit d’outrecuidance incite à concevoir
- Des actes insensés, comme si, de ces ongles,
- Je pouvais faire brèche en ces parois de pierres,
- Ces murs de mon cachot, inexorable monde.
- N’ayant point ce pouvoir, il meurt de son orgueil.
- L’esprit d’humilité se conforte soi-même
- En songeant qu’on n’est pas le premier à souffrir, non plus que le dernier.
- Ainsi voit-on des gueux, assis au pilori qui modèrent leur honte,
- En pensant que beaucoup s’y sont assis déjà.
- Cette seule pensée les soulage un moment.
- Ils reportent ainsi le poids de leur supplice sur ceux qui l’ont déjà enduré avant eux.
- Ainsi, tout seul, je joue beaucoup de personnages, et nul n’est satisfait.
- Quelque fois je suis Roi,
- Mais, voyant des complots, je préfère être gueux,
- Aussitôt je le suis. Mais face à la misère, je regrette le temps meilleur où j’étais Roi.
- Aussitôt je le suis, et j’en viens à penser que je suis détrôné par Henri BOLINGBROKE, et je ne suis plus rien.
- Qui que je sois pourtant, ni moi, ni aucun homme, autant qu’on puisse l’être,
- Ne sommes satisfaits de rien, jusqu’à vouloir n’être plus rien.
- Mais j’entends là de la musique.
- Ah ! Respectez le rythme ! Il m’est odieux d’entendre un rythme syncopé qui manque de mesure.
- De même en notre vie, la musique a son rythme.
- C’est là que mon oreille est la plus délicate.
- J’entends si l’air est faux, si l’on perd la mesure.
- Dans le concert de mon État et de mon siècle, j’ai perdu le ton juste ainsi que la mesure.
- J’ai gaspillé le temps, et le temps me détruit.
- Il m’oblige à présent à être son horloge, et mes pensers sont des minutes.
- Mes soupirs scandent tous les quarts d’heure au cadran de mes yeux,
- Où je porte l’index, comme une aiguille horaire, et, quatre fois par heure, il y sèche des larmes.
- Le carillon qui sonne et fait connaître l’heure
- Est en moi les sanglots qui frappent sur mon cœur,
- Et le font résonner. Soupirs, larmes, sanglots, sont les signes du temps que je passe.
- Et ce temps se hâte pour la joie dont jouit BOLINGBROKE.
- Tandis que je suis là déraisonnant sur l’heure.
- Cette musique me rend fou ! Qu’elle se taise !
- On dit qu’elle a pouvoir de rendre sains les fous,
- Je crois qu’elle rend fous tous les hommes de bon sens.
- Que béni soit pourtant celui qui joue cet air !
- C’est un signe d’amour, et l’amour pour Richard est un joyau sans prix en ce monde de haine.
Entre un palefrenier…
- (Penser : verbe infinitif. Au 16è et 17ème siècle, « l’acte de penser » existait dans la langue et pouvait prendre le pluriel, « c’est le discours intérieur que l’âme tient en silence avec elle-même » dit Platon ; mais la pensée comme un cadre ou support contenant des idées, des projets ne paraîtra que plus tard, etc…. Je crois qu’il faut attendre les écrits de Pascal 1650, de Kant et surtout le 18è siècle pour établir un vocabulaire plus riche sur la philosophie et la métaphysique. (Nicole : dictionnaire historique Le Robert). La pensée a d’abord été une fleur.
*Sylvie poursuit sa recherche historique
SHAKESPEARE : RICHARD II : HISTOIRE–
RICHARD II est né le 6 janvier 1367 à Bordeaux et mort le 14 février 1400 au château de Pontefract (Angleterre). (33ans). Il est le 8ème et dernier roi d’Angleterre de la dynastie directe des Plantagenêt. Il règne de 1377 à 1399, année de sa destitution par son cousin Henri de Lancastre. Il est enterré à Westminster.
Il règne dans une période de grande instabilité à l’époque de la guerre de cent ans impliquant la France et l’Angleterre, initiée par son grand-père EDOUARD III.
Il lui succède en 1377, âgé de seulement 10 ans, sous la tutelle de différents conseils de régence. Après huit années de règne sans problèmes majeurs, il s’engage dans une politique de répression contre des opposants, lui reprochant sa dépendance vis-à-vis de certains courtisans.
En 1399, après la mort de son oncle, JEAN DE GAND, il déshérite, le fils de celui-ci, HENRI DE BOLINGBROKE, alors en exil contraint. Mais celui-ci rentre secrètement en Angleterre avec une petite armée, dans le but de s’emparer de la couronne. Ne rencontrant que peu de résistance, il capture RICHARD II, réussit à se faire couronner roi sous le nom de HENRI IV, premier roi de la maison de LANCASTRE, branche cadette de la dynastie des PLANTAGENÊT.
RICHARD II meurt en captivité l’année suivante, peut-être assassiné.
RICHARD était un homme de grande taille, athlétique, très beau et intelligent. Il s’exprime bien. Il est presque efféminé tant son visage est fin. Il est marié en secondes noces à ISABELLE DE VALOIS. Cependant on pense aujourd’hui qu’il souffrait de troubles de la personnalité, particulièrement à la fin de son règne. Moins enclin à la guerre que son père ou son grand-père, il cherche à mettre un terme à la guerre de cent ans. Il cultive autour de lui une cour raffinée, qui privilégie les arts et la culture, contrastant fortement avec la cour fraternelle et militaire de son grand-père. Pour lui, la littérature est très importante. C’est à cette période que l’anglais devient une langue littéraire. Et c’est aussi au sein de sa cour que l’art de la poésie devient florissant.
RICHARD doit en grande partie sa réputation posthume à WILLIAM SHAKESPEARE, qui dans sa pièce RICHARD II, décrit les mauvais jugements du roi et sa déposition par HENRI DE BOLLINGBROKE. Il le décrit comme un roi irresponsable et rancunier qui n’accède à un semblant de splendeur qu’une fois destitué. Il ne s’agit pourtant que d’une fiction orientée chez SHAKESPEARE par les chroniques d’historiens de la dynastie des TUDOR et hostiles à RICHARD.
Les historiens s’accordent pour dire que ses manœuvres politiques n’étaient pas complètement irréalistes mais inacceptables en leur temps pour les autres responsables politiques, et c’est ce qui l’a conduit à sa chute.
La pièce de théâtre RICHARD II sera suivie de 3 pièces relatant la vie des successeurs de RICHARD II.
HENRI IV – 1ère partie
HENRI IV – 2 ème partie
HENRI V
A noter que la pièce HENRI V écrite par SHAKESPEARE en 1599 qui relate sa vie et en particulier les événements qui précèdent et qui suivent la bataille d’ AZINCOURT fera l’objet de plusieurs films.
Le premier en 1944 par et avec LAURENCE OLIVIER
Le second en 1989 par et avec KENNET BRANAGH (absolument remarquable) !
Le troisième par la BBC avec LAMBERT WILSON
Le dernier en 2019 LE ROI réalisé par DAVID MICHŌD
Merci à Sylvie pour ce magnifique travail de recherches au théâtre et au cinéma. Merci pour ce contact amical avec Eric.
C’est à Nicole de présenter un livre, propose Louis :
Elle souhaite présenter « Tata » de Valérie Perrin. Paru en Septembre 2024. C’est le 4ème roman de Valérie. Vous la connaissez bien : vous avez aimé son écriture, ses personnages, modestes, amicaux, comme si enfin, la Littérature devenait proche du commun des gens. « Les oubliés du dimanche » en 2015, « Changer l’eau des fleurs » en 2018, « Trois » en 2021, montrent une écrivaine aimant les histoires familiales, la province, les gens qui travaillent et même qui sont « footeux ! »…
« Tata » trompe ses lecteurs ! ce titre tendre en famille, est aussi un modeste livre de 625 pages ! ; ses personnages sont nouveaux dans la littérature française ; ils vivent à Gueugnon comme le père de Valérie et son Club de foot, le FC Gueugnon leader en 2000 contre le PSG ; mais l’essentiel est cette nièce, Agnès, brillante réalisatrice de films dans le roman, mais aussi dans la vie de Valérie Perrin, l’autrice rencontre Claude Lelouch en 2006.

L’intrigue est simple : le hasard l’oblige à revenir dans sa région natale pour clarifier les raisons de la disparition de sa Tante, elle est « remorte ! » ; Agnès se déplace depuis Los Angeles pour cette quête qui sera pleine d’émotions et de tendresse.
Agnès a laissé son mari, Pierre un séduisant acteur ; l’auteure puise dans sa vie passée pour construire ses personnages. Sa tante Colette est une femme complexe, qui se découvre peu à peu au fil des pages et Agnès, sa nièce (homophonie voulue), la rend passionnante. Je n’irai pas plus loin, mais il est bon de connaître quelques faits.
Valérie Perrin fait partie de ce groupe de femmes écrivaines ; Nathalie Rheims raconte son père ; Mélissa Da Costa parle des femmes actuelles, de leurs drames, de leurs moyens de survivre ; Valérie Perrin fait revivre cette Tante extraordinaire et en même temps, elle est Agnès, la narratrice, qui redécouvre sa nombreuse famille, sa propre histoire.
Les richesses du roman (ou entrées):
*Il explique les changements d’attitude ou de points de vue d’une personne, la jeunesse est parfois abrupte, sans nuances dans ses appréciations (lecture p.116) ; pour en faciliter la lecture, l’auteure note les dates de son journal, en général 2010 ; mais ce travail d’enquête va collecter les observations au fil de sa recherche. Sa description des temps de la jeunesse, les temps devant les écrans et l’internet, c’est une entrée nouvelle pour ces romans de notre époque. L’écrivaine traite l’écriture du roman à la manière des séquences de films, des foisonnements de personnages qui apportent la diversité, l’ouverture sur la société et la tolérance.
* L’entrée par la résilience est importante aussi. Les sentiments, les choix de compagnon de vie se perçoivent à travers des filtres divers sans qu’ils soient incongrus ou à rejeter. Ce livre peut ne pas plaire aux jeunes, vous comprendrez pourquoi…l’écriture est précise, fouillée, sous des formes simples parfois fautives comme dans la vie.
*Cette prose pourrait rappeler le foisonnement des vies au sein de l’écriture cinématographique de Claude Lelouch, le compagnon de Valérie pour de nombreux films, depuis plus de 18 ans. Née en 1967 en Alsace, elle a 58 ans, elle est plus jeune que son mari de 30 ans environ. Elle est scénariste, photographe sur plateau pour les derniers films de CL. Lelouch, je vous rappelle les meilleurs : « Les uns et les Autres » 1981, avec Nicole Garcia et Robert Hossein, « Un homme et une femme » ; « Le professionnel » avec Belmondo ; « Les Misérables » ; « Itinéraire d’un enfant gâté ». Valérie Perrin l’a accompagné en apprenant auprès de lui : Goût de la vie, de l’amour, de la musique. *La musique est souvent romantique, Francis Lai et Michel Legrand ont créé des mélodies qui sont encore dans nos mémoires.
*Ce charme mélodique imprègne pour moi la prose fine, analytique de Valérie, avec des variations de rythme, des nuances qui ouvrent l’oreille et l’esprit. Elle nous offre une perception de la vie de groupe, celle qui entourait Claude Lelouch, sensible, passionné des êtres humains qui l’entourent, de leurs comportements, de leurs idées. Ce livre est un voyage à travers le temps, les rencontres, les retours sur soi, les amis, les enfants ; une forme d’archéologie pour comprendre nos vies grâce à un travail méticuleux, par « tiroirs » ponctué d’humour et de rires.
Des échanges nombreux se font, souvenirs heureux, émus, ou des erreurs de casting, mais l’important est de faire revivre ces magnifiques souvenirs qui donnent une vie active dans le groupe, tout le monde parle, sourit, c’est la richesse de notre Café.
Heureusement Louis veille et souhaite nous parler d’un livre qui l’a ému et passionné.
ARIA de Nazanine HOZAR, 2020.
L’autrice : Nazanine Hozar est née à Téhéran en 1978, quelques mois avant la révolution iranienne et la naissance de la République islamique, deux ans à peine avant le déclenchement de la guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988). Suite à cette révolution, elle a dû porter l’hidjab à 6 ans, elle a été témoin des humiliantes coercitions infligées aux femmes de son entourage et elle a connu les exactions de l’Etat policier des mollahs. Sa famille en danger a émigré au Canada où elle a fait sa formation. Elle s’est tournée récemment vers l’écriture avec ce premier roman remarquable, ARIA, publié en 2019.
Le roman : Nazanine Hozar l’a dédié à sa mère, ainsi qu’à l’Iran et à la culture persane dont elle célèbre la beauté. Malgré son jeune âge quand elle a quitté l’Iran, elle a profondément ressenti la peur et l’insécurité provoquée par la dictature du Shah, mais aussi la puissante solidarité des victimes ; elle a aussi perçu les attentes et les promesses de la révolution, qui ont remplacé une dictature par une autre. C’est dans ce climat qu’elle a puisé son inspiration.
Il s’agit d’une fresque historique complexe qui retrace le parcours d’une petite fille, abandonnée à sa naissance à Téhéran en 1953, sur une trentaine d’années. Elle est recueillie par un modeste chauffeur de poids lourd de l’armée, Beyrouz, qui lui donne le nom d’Aria. Il vit dans un quartier pauvre du sud de Téhéran. 1ère lecture : page 26/27 : prologue, avec l’épisode où Beyrouz recueille Aria.

Cette petite Aria démarra dans la vie avec plusieurs handicaps. Le premier bien sûr est celui d’être une enfant abandonnée ; ensuite, elle a les yeux bleus et la croyance populaire en Iran, très importante à l’époque, veut que les yeux clairs soient le signe du diable ; elle est une fille et la société iranienne, même à l’époque du Shah qui cherchait à occidentaliser son pays, ne donnait pas aux femmes une position très enviable. Quant à la République Islamique qui a suivi, n’en parlons pas, c’est la soumission totale. Enfin Aria est en Iran un nom de garçon et ce problème la suivra tout le long du roman.
Le roman suit le développement d’Aria et sa vie sera marquée par trois femmes. D’abord Zahra, l’épouse de Beyrouz, sur une période heureusement assez brève, qui lui manifeste une violente hostilité et la maltraite. 2ème lecture : page 126/127. Ensuite la riche veuve Fehresteh, d’un milieu plus aisé, qui vit dans un quartier riche du Nord de Téhéran. Elle adopte Aria, comblant la perte d’un enfant et lui offrant un avenir, mais heurtant le reste de sa famille qui voit s’éloigner les perspectives d’héritage. Enfin avec une dernière femme mystérieuse, Mehri qui détient les clés de son passé et de son abandon.
Les personnages principaux sont donc Aria, Beyhrouz qui l’aime profondément, Zahra la marâtre, Fereshteh et Mehri. Ils sont bien sûr accompagnés de nombreux personnages secondaires, en particulier les amis d’Aria, chacun vivant dans de graves difficultés compte tenu du contexte politico-religieux, voire pire avec des emprisonnements terribles.
Le roman est bien écrit, alerte, l’intérêt ne faiblit jamais du fait de la tension permanente des situations et de la description de cette société et des grands bouleversements qui la traversent. Il permet de découvrir une société très complexe siège d’une violence à la fois politique (d’Etat), religieuse avec des oppositions marquées entre musulmans et les religions plus traditionnelles (Zoroastrisme, Judaïsme), et enfin intrafamiliale où les coups pleuvent facilement. Avec un style moins brillant, cela peut faire penser à Victor Hugo, Zola ou Dickens. Au travers de l’histoire d’Aria, c’est un livre témoignage sur l’Iran à cette époque particulière. Le roman montre comment nos personnages – en particulier celui très attachant d’Aria – évoluent au travers de cette violence pour rendre la vie possible malgré tout. La résilience, telle que décrite par Boris Cyrulnik, est vraiment à l’œuvre. Ce qui est décrit là – en ce qui concerne la société iranienne – est plus que jamais d’actualité comme le montre le combat des iraniennes aujourd’hui.
En ces jours de destruction, Israël, Iran, et dégâts collatéraux, nous sommes très sensibles à ce témoignage sur les femmes Iraniennes.
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Merci à vous tous pour votre participation à notre café littéraire, vos échanges sont essentiels pour notre plaisir et notre survie, car les groupes comme les êtres sont sensibles et fragiles.
Lundi Prochain le 23 juin, Louis présente un atelier scientifique sur les « polluants du quotidien ». Puis nous serons ensemble, avec nos amis du Bureau qui le peuvent, pour partager le champagne d’anniversaire de Nicole qui entre dans sa dernière décennie.
Puis le 30 juin, les lecteurs et le Bureau sont invités chez Louis Jacques pour notre 20èmeCafé Littéraire de l’année, vous avez peut-être des textes, des poèmes, des chansons que vous aimerez partager. Le buffet-dinatoire est une auberge espagnole, nous apportons quelques fabrications culinaires, salades ou boissons. Louis nous prête sa salle grand format. A partir de 16h30 ou 17heures pour aider notre hôte. On peut faire du covoiturage ; on en parle lundi prochain.
A bientôt pour vivre ces bons projets. Nicole.