Très heureux de nous retrouver, nous arrivons par petits groupes à l’Ermitage. Nous parlons des sorties de la dernière semaine, de celle de demain qui va nous emporter vers la maison de François Mauriac. Autour de Louis et de Sylvie qui animent la séance, arrivent Nicole S. et Nicole C., Maryse, Anne, Aurore rencontrée en chemin, Jean, Marielle, Noëlle, Béatrice, Isabelle, Jacqueline.
Nous avons des absents ; des maladeset des amis très occupés,Nadine, Marcel, Annick, Monique, Ida, Marie-Odile, Éric, Françoise, Marie Jo.
Louis anime la partie Information de notre réunion : un film à l’Utopia, « Les Musiciens » a plu par l’intrigue et ses messages, mais surtout par la beauté de la musique interprétée par des violons exceptionnels. Béatrice, très musicienne nous dit sa déception de n’avoir pas eu plus de moments d’interprétations musicales. Le thème dominant est plutôt consacré à la création des relations d’écoute, de respect des divers talents, des divers itinéraires, respect nécessaire à la mise en œuvre de ce « quatuor ». Celui-ci devient exceptionnel grâce à l’intervention du compositeur qui, à la fin de sa carrière, écoute les chants d’oiseaux ; il a tellement muri, affiné ses sensations, ses émotions qu’il peut mener les quatre interprètes à une maitrise nouvelle pour eux. Ces remarques résument les commentaires de chacun.
Nous pensons envoyer sur Passerelles des photos et vidéos des concerts, particulièrement celui du jeudi 22 Mai à Sainte-Clotilde ; il fut remarquable avec une quarantaine de jeunes danseuses dans des costumes exotiques aux couleurs chatoyantes. Evelyne nous rappelle la soirée poétique de Joël Mansa.
Puis il demande les présentations de livres :
C’est Aurore qui nous parle de « Toutes ses fautes » de Andréa Mara. Un roman policier époustouflant, nous dit Aurore. L’écrivaine est une Irlandaise qui vit à Dublin et semble avoir des souvenirs troublants de son enfance. Elle a des lecteurs nombreux et publie chez Babel à Paris.

Le roman se déroule dans une banlieue chic de Dublin. Les personnages : deux couples* Mariossa et son mari, parents de Milo, Jenny et son mari, parents de Jacob, Irène ; des nounous, l’Inspectrice de Police.
Quand Melissa se présente au 14 Tudor Grove pour récupérer son fils Milo 4ans, venu pour jouer pour la première fois chez un copain Jacob, la femme qui lui ouvre la porte n’est pas la mère qu’elle connaît. Elle n’est pas non plus la nounou, et son fils Milo n’est pas dans cette maison. On se trouve confronté au pire des cauchemars de tous les parents lorsqu’un enfant disparaît. Alors que la nouvelle de sa disparition se répand, les rumeurs courent autour des femmes étroitement liées au drame.
Après les premières pages lues par Aurore, nous plongeons avec Marissa dans sa recherche pour retrouver son fils. Puis au fil des pages le récit se construit de telle façon que chaque famille se découvre à nos recherches Marissa, Jenny, Irène. Nous apprenons ainsi comment vivent ces familles et les personnes qui gravitent autour d’eux. C’est un vrai polar : les chapitres s’enchaînent nous pointant du doigt des soupçons, des coupables possibles et enfin un nom, un coupable.
L’auteure distille les indices au goutte à goutte, brouille les pistes, entretient le doute jusqu’à la dernière page.
Merci à Aurore qui nous passionne une fois de plus.
Louis propose à Nicole de prendre la parole pour un texte étonnant de Eric Emmanuel Schmitt : « Lorsque j’étais une œuvre d’art » 2002 chez Albin Michel.
L’intrigue : Tazio est au bord d’un précipice, il a décidé de se jeter dans le vide, car il a tout raté dans sa vie. Ses deux frères sont beaux, les frères Firelli, des vedettes, lui est banal, laid, médiocre. Un homme l’observe, appuyé sur une splendide voiture, le cigare entre les doigts. Il prend la parole et sait charmer le malheureux qui se retourne, il lui promet de lui faire oublier sa vie de tourments s’il vient avec lui. Il ne lui dit pas tout de suite qu’il va faire de lui une sculpture vivante.
Les personnages sont rapidement silhouettés, par la magie de l’écriture, par son imagination un peu délirante. Les grands mythes Faust et Frankenstein guident cette intéressante création littéraire. Je vous conseille cette lecture qui présente sous une forme ludique, peut-être ironique, la vanité de l’œuvre d’art.

Les échanges se concentrent sur la grande œuvre de l’auteur des quatre premiers volumes de « La traversée des temps ». Nous attendons le cinquième qui est prévu en octobre 2025.
Puis Sylvie nous lit quelques textes de Christian Bobin dans : « Autoportrait du radiateur », souvent le thème de la mort traverse son œuvre ; Sylvie nous lit les tulipes « Ce qui aide, c’est ce qui passe> ou < finalement je n’aime pas la sagesse. Elle imite trop la mort. Je préfère la folie- pas celle que l’on subit, mais celle avec laquelle on danse.> ou encore< Mon Dieu, pourquoi avez-vous inventé la mort, pourquoi avez-vous laissé venir une telle chose, elle est si douce la vie sur terre, il faudra que votre paradis soit éblouissant pour que le manque de cette vie terrestre ne s’y fasse pas sentir… » ou encore » ce qui est vivant c’est ce qui ne protège pas de sa perte » C’est la grandeur de l’humain !
Marielle parle de ses souvenirs… puis nous analysons le mot « événement » ce qui advient et dont on se souvient.

Je trouve actuellement dans « l’Epuisement » de Christian Bobin cette pensée : « J’ai toujours craint ceux qui ne supportent pas d’être seuls et demandent au couple, au travail, à l’amitié voire au diable ce que ni le couple ni le travail ni l’amitié ni le diable ne peuvent donner : une protection contre soi-même, une assurance de ne jamais avoir affaire à la vérité solitaire de sa propre vie. Ces gens-là sont infréquentables. Leur incapacité d’être seuls fait d’eux les personnes les plus seules au monde. » Merci à Sylvie pour ce moment de méditation.
Justement notre ami Louis va nous parler d’un article sur la langue Française. Le Français, une invention parisienne : article sur Gilles Siouffi paru dans le Monde du 12 janv 2025. p. Il présente une importante synthèse traversant deux millénaires depuis l’arrivée des Parisii, une tribu gauloise du IIIème siècle avant JC. Jusqu’aux jeux Olympiques de 2024, nous dit Louis.
Cet article présente le livre « PARIS-BABEL. Histoire linguistique d’une ville-monde », de Gilles SIOUFFI, Actes Sud.
Gilles SIOUFFI est professeur en Langue Française à Sorbonne Université, spécialiste d’histoire de la langue française, particulièrement des XVIIe et XVIIIe siècles. Il a travaillé sur l’imaginaire de la langue au XVIIe siècle, la constitution historique des normes en français, ainsi que sur la diversité des usages.

Son livre traverse plus de 2 millénaires, de l’arrivée de la tribu gauloise des Parisii au IIIème siècle av. J.C., aux jeux olympiques de 2024. Il cherche à repérer les étapes de la trajectoire du français dans ce qui deviendra la capitale du pays. La langue évolue en permanence, témoin et actrice du vaste mouvement social, politique, économique, culturel et religieux.
Le XIIIème siècle se distingue comme un temps unique de cristallisation et d’essor. Jusque-là, Paris ne jouait pas un rôle central, et c’est au XIIIème siècle que la ville commence à réunir l’essentiel des fonctions administratives, commerciales, éducatives, et religieuses. En attirant des populations diverses, chacune venant avec son « parler » spécifique, soit, en général, une des nombreuses variantes de la langue d’oïl, la langue romane du Nord, par opposition à la langue d’oc parlée dans le Sud.
Le philosophe Roger Bacon et le religieux Thomas d’Aquin en distinguent 4 : le picard, le normand, le bourguignon et « quelque chose qui est parlé en Ile de France ». Le « français » ? L’étiquette est débattue mais le mouvement est enclenché : les parlers s’homogénéisent au profit de ce quelque chose ; le processus repose sur des usages oraux perdus et sur des causes malheureusement indémêlables.
Dès le milieu du XIIIème siècle, on a une éclosion de textes officiels écrits dans une langue qu’il faut bien qualifier de française. L’histoire continue de modeler les usages et aux XIV et XVème siècles la guerre de Cent ans crée d’autres chocs, et trace d’autres voies. Le français ne cesse de s’affirmer et de se diversifier en même temps. Ce sera un des enjeux de la Renaissance de l’unifier en lui fixant des normes.
Enfin, avec la pérennisation de la présence du roi à Paris au XVIème siècle, le français deviendra « langue royale », ce qui provoquera une bipartition sociale entre l’élite et le peuple, comme entre Paris et le reste de la France : aux premiers le français convenable, aux autres ses altérations. Les grammairiens entrent en scène (ils ne lâcheront plus) : bons et mauvais points…Défendre le français devient une passion (Du Bellay, les encyclopédies des philosophes Diderot et autres, les grands dictionnaires du XIXème et XXème siècle, la Révolution et sa quête d’unité nationale au travers de l’éducation et de la langue, prolongée par l’Empire).
C’est à Paris que les normes se sont imposées comme le cadre obligé du français. C’est aussi à Paris qu’elles s’effritent, qu’elles explosent et qu’elles se reforment. Une langue est le fruit de tant de mondes…
En 1539 ordonnance de François Ier à Villers-Cotterêts : texte fondateur, le français devient une langue juridique et administrative, au détriment du Latin… L’Académie Française va suivre cent ans après. Son objectif est de définir le vocabulaire. (Mots, expressions et même grammaire.)
Louis ajoutequeJoaquim Du Bellay a été à l’occasion de sa rencontre avec Pierre de Ronsard, à l’origine de la formation du groupe de poètes baptisé « La Pléiade » qui donnera plus tard son nom à la fameuse collection que nous connaissons tous. A cette occasion, il a rédigé un Manifeste : « Défense et illustration de la langue française » (1549). Ce manifeste expose les idées des poètes sur la langue française. Du Bellay souhaite transformer le français, en passant d’une langue « barbare et vulgaire » à une langue « élégante et digne » de manière à le rendre aussi puissant que le latin et le grec qui règnent en maîtres chez les élites intellectuelles.
Poème Louise LABE « Je vis, je meurs » (Lyon) Louis confie à Sylvie la lecture du poème.
Louise Labé est une poétesse de la Renaissance du XVI ème siècle (née en 1524), connue pour ses vers passionnés et sa vision audacieuse de l’amour pour l’époque.
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Merci à Louis de nous remettre en mémoire ces dates et cette aventure qui justifie encore actuellement que nous défendions notre langue contre des formes rapides et fautives d’expression ; et surtout l’oubli des grandes œuvres, l’oubli de lire pour jouer des facilités du smartphone ou de l’ordinateur.
Nous avons beaucoup évoqué ces femmes qui ont su défendre leur passion, leurs émotions, l’art d’aimer. Nous aurions plaisir à présenter des personnages comme Christine de Pisan et sous la révolution des figures, Olympe de Gouges, Lucile de Méricourt, Madame Roland, Charlotte Corday et sous la Restauration, Mme de Staël qui écrit Delphine, Corinne ou l’Italie.
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Un thé délicieux nous redonne des forces pour continuer nos échanges, rappeler notre sortie à Malagar. Merci à tous pour votre présence et vos commentaires très enrichissants.
Nous nous retrouvons pour un nouveau café littéraire le lundi 16 juin à 14h à l’Ermitage.