Zooms littéraires du 31/05/2021

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Zoom de 14h30

Michèle, Jean-Jacques, et Mauricette, Louis vous prient de les excuser, leurs obligations les retiennent, mais ils sont de tout cœur avec nous, Piliers du futur Café Littéraire. Viennent rejoindre Nicole, Francine et Marie. Il faut comprendre qu’en ce début de Déconfinement, chacun a des tâches à rattraper.

Nous faisons le point toutes les trois, une grande amitié nous réunit pratiquement toutes les semaines depuis le mois de Janvier 2021.

Louis me confirme que nous fêterons dans son jardin, le lundi 28 juin à partir de 15h30, cette grande fidélité.

Nous vous demanderons combien d’adhérents ou d’amis de Passerelles seront présents, nous utiliserons nos voitures personnelles pour du co-voiturage vers le jardin de Louis à Saint Médard en Jalles, nous avons déjà prévu des gâteaux et des boissons, toutefois vous pouvez nous faire goûter des recettes ou des friandises que vous aimez.
Nous en reparlerons particulièrement le 14 juin 2021 à 18h30, en présence de Anne-Marie Cocula que nous inviterons à cette réunion amicale.

En attendant ce grand moment, Nicole demande quels livres ont plu à nos amies, Marie accepte d’en présenter un le 7 juin, et Francine aimerait écouter un résumé de livre évoqué par Nicole à la dernière réunion : un roman policier et psychologique du grand nord « Le journal de ma disparition » de Camilla Grebe, lauréat du Prix Glass Key Award 2020, il est traduit et distribué chez Calmann-Lévy.

L’auteure est déjà connue, diplômée en 1968 d’un MBA de l’Ecole d’Economie de Stockholm, sa sœur est psychiatre et leurs débuts en partenariat sont un excellent apprentissage. Puis en 2015, elle se lance en solo et produit : « Un cri sous la glace », un premier grand succès.
« Le journal de ma disparition » est un gros livre sur la mémoire personnelle qui s’efface et une mémoire collective qui persiste et protège les êtres. Au long des pages se construit une succession de cas personnels qui vont évoluer au cours des événements et des valeurs développées par la créatrice.
Il y a huit ans la jeune Malin, une adolescente et ses copains découvrent dans la forêt de ORMBERG, une fillette enterrée entre des rochers, et jamais on n’a pu identifier la victime. L’environnement de la petite ville proche de Stockholm est somptueux par sa nature sauvage, ses hivers froids et la neige qui envahit toutes les surfaces…son isolement. Mais sur fond de crise économique et chômage des villageois depuis que l’usine « le roi du tricot « a fermé ses portes. Les entrepôts sont devenus un camp de réfugiés syriens qui ne s’habituent pas au climat, ni à l’hostilité des habitants qui voient les aides et les subventions donnés à ce camp avec envie. Les conflits sont fréquents, et il y a ce « cold case » qui n’est pas résolu. On fait connaissance avec Jake, un adolescent d’une quinzaine d’années qui n’est pas motivé par ses études, qui adore rêver, se revêtir des robes de sa sœur ou de sa mère décédée il y a quelques années. Il sort le soir ainsi vêtu, paillettes, escarpins, fards, parfums…et un soir il trouve sur le chemin de la forêt toute proche, une femme échevelée, désorientée, un soulier tâché de sang, l’autre est disparu ; elle marche, trébuche, il vient l’aider et devant les mots sans suite de cette inconnue, il la conduit au bord d’une route proche espérant qu’une voiture la prendra en charge pour la conduire à l’hôpital. Il a pris, pour l’aider, un carnet qu’elle porte au moment où une voiture s’arrête, le libérant de cette lourde charge. Pas de téléphone ou de moyen pour prévenir de cet incident, il rentre chez lui, se déshabille et range ses habits de fête pour cacher ses divertissements. En rentrant il écoute son père qui ronfle et cuve la bière qui lui permet d’oublier sa solitude et le chômage. Il reprend le carnet de cette femme, et tout en se demandant ce qu’il doit en faire, il se met à le lire.
Malin est maintenant policière en stage dans un poste local de très petite importance à Ormberg, elle accompagne deux policiers venus de la capitale, elle apprend beaucoup et participe aux recherches sur le Cold Case, et maintenant s’ajoute le cas de cette femme désorientée. Elle est la fille d’une habitante du pays, un peu originale, en fait, une maman qui semble couver sa fille ce qui exaspère Malin. Cette dernière est cultivée, ses études lui ont permis de rencontrer un ami qu’elle pense épouser dans quelques mois, mais elle n’est pas pressée, encore que cette hypothèse soit valable dans un pays isolé, vieillissant et sans beaucoup d’animations pour la jeunesse. Une atmosphère tendue règne dans le poste de police, on attend depuis quelques heures le retour de Peter Lindgren et de la grande profileuse Hannes pour comprendre ce qu’il se passe. Dans ces jours derniers, le cadavre d’une femme aux cheveux blancs a été retrouvé dans la forêt près de l’endroit où avait été abandonné le corps de la fillette, il y a dix ans. Le couple de policiers ne rentre pas et Hannes est probablement cette femme désorientée que l’on a retrouvée à l’orée de la forêt. Après confirmation, on se demande où se trouve Peter, un policier chevronné. Jake est questionné mais il ne veut pas dire qu’il possède une pièce à conviction et que la lecture du carnet confirme bien l’identité de Hannes, toutefois sa lecture est lente, et il ne comprend pas pourquoi son père est rentré tardivement cette nuit et pourquoi il a retrouvé son pull tâché de sang, posé dans un coin du séjour, sous une chaise. Qu’a pu faire son père de dangereux ?
La lecture du carnet se précise quand Jake va dans l’entrepôt désaffecté, trouve un coin tranquille pour continuer sa lecture qui l’inquiète, sa famille est-elle compromise dans le crime ? il est assailli par un chef de bande qu’il connaît bien, il est généralement son souffre-douleur, c’est le caïd de son école. Ils se battent et il ressent en lui des forces nouvelles. Il peut réagir aux drames qui les entourent, il souhaite défendre son père, le laver de tout soupçon.
La traque va reprendre de plus belle avec ces forces nouvelles. Hannes donne quelques informations, Jake s’implique et Malin souhaite sauver son collègue Peter qui lui plait bien. Dans le village, tout le monde se connaît, il est difficile d’enquêter sur des groupes d’habitants qui sont des proches, et apparemment hors de soupçon…
La nature n’est pas une protection pour les habitants au contraire, les sons, les bruits sont perçus comme des sources de stress, hurlements, bruissements, lieux désolés, et certains personnages paraissent menaçants.
Votre lecture sera surement pleine de tension et d’intérêt, les personnages sont eux-mêmes impliqués dans des secrets touchant tout ce petit monde…. Bien construit et pourtant complexe.
Nous sommes amenées à échanger nos impressions, Marie a lu Millénium et en garde un souvenir précis, moi-même je l’ai beaucoup apprécié, c’est un monde nordique différent du nôtre avec sa nature, ses coutumes, ses nostalgies, ses dépressions.

Chères amies nous nous retrouverons lundi 7 juin, 14h30, avec de nouvelles lectures, de nouveaux échanges sur nos projets :

  • le 14 juin à 18h30, avec Anne Marie Cocula qui parlera de la Tyrannie particulièrement jusqu’au 18ème siècle, compris. Elle réserve pour le mois de Septembre une deuxième partie de ce sujet touchant les 19ème, 20ème et 21ème siècles.
  • le 21 juin réunion Café littéraire dans un lieu à décider.
    le 28 juin, réunion dans le jardin de Louis, à Saint Médard en Jalles.
    Zoom du soir à 20h30,

Zoom du soir à 20h30

Marie Do m’a prévenue de son absence, elle est auprès de son père.

Nous nous retrouvons avec Renée et Mauricette qui se joint à nous pour écouter la présentation du livre de Marguerite Yourcenar : « Les mémoires d’Hadrien », paru en 1951. C’est la première œuvre de cette écrivaine qui a un retentissement littéraire. L’œuvre au noir dont nous avons déjà parlé est postérieure, datant de 1968.

En fait, Marguerite Yourcenar pensait depuis longtemps à Hadrien, elle aime ces personnages lucides, tolérants, désabusés tant sur la condition humaine que sur les illusions créées à chaque nouvelle génération. Zénon que nous avons rencontré, Omar Khayyam, poête et mathématicien sont une même inspiration pour elle.
Renée nous fait un portrait en finesse d’Hadrien, en se posant des questions sur l’humanité du personnage comme elle fait le plus souvent : « comment se fait-il que Antinoüs se soit suicidé alors qu’il faisait la joie de l’Empereur » ? Ce jeune éphèbe meurt à 20ans, noyé dans le Nil, dans des circonstances mystérieuses. Divinisé par Hadrien, il est représenté dans de nombreuses œuvres d’art. Il était né en Bithynie, Asie Mineure, mais on sait peu de choses sur lui. Sa mort pourrait être liée à des cultes secrets d’Osiris. Rome n’est pas ouverte à ces relations pseudo mystiques. Il reste une figure divinisée de l’amour homosexuel dans l’Antiquité.
Le livre est construit en 6 parties, il est destiné à son petit-fils Marc-Aurèle : Hadrien en fait un art de gouverner de façon « éclairée » pour que son jeune héritier puisse continuer son œuvre. Dans le même temps il médite sur sa vieillesse, sa santé, sa famille et son arrivée au pouvoir, alors que Trajan, son oncle a gouverné pendant une quinzaine d’années en chef de guerre. Il a voulu reculer au maximum les frontières de l’Empire, dans les pas d’Alexandre le grand. Mais il ne peut pas aller jusqu’en Inde et les territoires du nord de la Grèce sont constamment à surveiller. Hadrien, lui, est d’une autre nature, plus silencieux, observateur de tous les actes du gouvernement, il est celui sur lequel on s’appuie. C’est un livre passionnant pour comprendre l’art de gouverner.
Après Trajan, qui meurt dans la solitude à Antioche, résidence d’ Hadrien, qui peut prendre le pouvoir rapidement pour qu’il n’y ait pas de coup d’état ? Seul Hadrien est proche, et si Trajan a confiance en lui, il ne l’aime pas beaucoup car il le perçoit comme un rival qui va lui prendre sa place. Plotine, l’épouse de Trajan, fine conseillère, rompue à toutes les négociations fines du pouvoir, soutient Hadrien. Elle le conseille et l’apprécie pour sa sagesse et sa rigueur. Cette femme tenait les rênes de l’Etat, quand son époux partait en conquêtes, elle connait et maîtrise cet environnement avec élégance et discrétion.
Hadrien, nouveau Maitre de l’Empire va réfléchir d’abord au bien-être du peuple, sa sécurité, son confort et sa culture. En amoureux de la Grèce antique, il s’y réfugie pour réfléchir et s’imprégner des valeurs de cette nation pratiquement colonisée. Comment faire de Rome une ville répondant à ces critères ? Il fait nettoyer les rues, embellir les places, édifie la colonne Trajane en mémoire des conquêtes de son oncle ; il veut faire de cette capitale un modèle : « Rome se perpétuerait dans la moindre petite ville où des magistrats s’efforcent de vérifier les poids des marchands, de nettoyer et d’éclairer les rues, de s’opposer au désordre, à l’incurie, à la peur, à l’injustice, de réinterpréter raisonnablement les lois. Elle ne périra qu’avec la dernière cité des hommes. »
Puis il revient sur les lois qu’il a édictées ou approuvées, sachant qu’il faut de la mesure en tout. Il devient économiste, édificateur des villes, ports, voies de communication, fortifications. Cela occupe l’armée en tant de paix, elle éduque, construit et entretient. Cela coute moins cher que des hommes en mal d’action comme cela se produit souvent. Partout il cherche l’équilibre.
Il découvre Antinoüs et crée le siècle d’Or, améliore la condition des esclaves, les infrastructures des frontières, (mur d’Hadrien en Angleterre), voyage beaucoup pour comprendre et surveiller l’application de ses idées sur tout l’empire, il se fait initier aux mystères d’Eleusis.
Après la mort de son favori, il poursuit constamment son œuvre législative sur le terrain…
Puis c’est la vieillesse, il pense à sa mort prochaine. Mais il n’a pas envie de mourir, il envisage le suicide pour éviter la dégradation de son être, il part du droit à la mort volontaire d’une personne qui estime que sa vie est devenue inutile ; puis stoïquement, il accepte de supporter cette souffrance, plus morale que physique : « je me sentais responsable de la beauté du monde. »
Nous discutons autour du livre qui est passionnant. C’est une réécriture de l’Antiquité, on peut retrouver des traces d’Hadrien dans la Villa Adriana au sud de Rome, une belle journée à vivre. Mauricette connaît bien, elle est surtout intéressée par Marc-Aurèle et nous cherchons de l’information, la succession s’effectue par Antonin, sorte de Régent. Le film « Gladiator » 2000, par Joachin Phoenix, rappelle les combats menés par Marc-Aurèle contre des populations au nord de la Gaule.
Nous repensons au rôle des Empereurs, tyrans ou penseurs éclairés. Cela nous conduit à l’idée de guerre et de folie guerrière : je cite un livre qui m’a marquée sur ce point de Jonathan Littell « Les Bienveillantes », prix Goncourt en 2006 qui montre la folie de Hitler voulant asservir toute l’Europe et conquérir l’Asie pour faire de l’Allemagne un pays riche et sans égal ; de même certains dictateurs russes qui souhaitent purger l’URSS blanche des contestataires et créent des camps de travail en Sibérie : « Une journée d’Ivan Denissovitch » 1962 de Alexandre Soljenitzyne, un petit livre rare ; ou encore « Etre sans destin »1975, de Imre Kertesz, journaliste hongrois qui raconte sa propre aventure dans les camps de la mort en Pologne, à l’âge de 14ans, il est publié chez Actes sud. Ces témoignages sur les malheurs de la guerre nous font mieux comprendre cette réussite que représentent la démocratie éclairée et la création de l’Europe qui nous lient dans un ensemble devenu relativement pacifique et socialement bienveillant.


Nous nous retrouverons le 14 juin à 18h30 autour de Anne-Marie Cocula, par Zoom pour évoquer cette grande histoire que représente l’effort patient de construction d’une société relativement pacifiée. Merci pour vos efforts de lecture, d’échanges et de réflexion qui nous font progresser.