Café littéraire du 16/05/2022 📜📚

Beaucoup de nos amis-es lecteurs et lectrices sont occupés en famille, en voyage, et la rémission relative de l’épidémie du Covid est bienfaisante pour cette liberté qui nous manquait. Ils m’ont prévenue et je les en remercie, cela me permet de faire des organisations plus précises pour notre Café. Jean-Jacques, Suzel, Marie José, Marie Françoise, Christine, Robert, Louis, Mauricette

Nous nous retrouvons avec plaisir autour du thé, café, jus de fruit pour évoquer des livres du terroir, Evelyne, Marie, ont rejoint Nicole pour les préparatifs, Jean et Nadine ont complété notre groupe.

Marie a rapporté la BD sur Arreau et l’animal fabuleux, le Desman, petit rat avec un nez en trompette comme la taupe, familier des Pyrénées. C’est Jean qui nous en avait parlé en premier, lors d’une conférence sur les paysages des Pyrénées. A ce propos, il nous rappelle que :  samedi 21 mai il organise une sortie à partir de Bruges, Le Grand Darnal (44 rue louis Florenceau, à 14h30) dans les bois tout proches.

Merci à Marie qui nous parlera du Musée des Cagots, prochainement.

 Nicole avait promis de présenter un deuxième roman du « terroir », pour mieux connaître ce genre, elle parle du deuxième roman de Madeleine Mansiet-Berthaud, dont on avait prévu la présentation:

« La dame de Ténarèze » Presses de la cité, 2019. Avec une jolie page de garde.

Le livre présente un visage particulier de l’Aquitaine, les chemins de Saint-Jacques, les relais et l’hospitalité.

Claudia a maintenant 82 ans, elle ralentit ses rythmes et prend le temps de vivre dans son beau domaine. Chaque espace, chaque pièce de la maison, chaque bosquet du jardin évoque un moment de vie triste ou mélancolique, plein d’espoir ou de déception…Mais elle est positive : elle a de la chance d’être chez elle, tout le monde n’a pas ce privilège !

Elle revit son histoire commencée en 1900 ; sa rencontre avec Paulin, un vrai coup de foudre entre cet homme sorti de nulle part, et elle, jolie héritière d’une propriété qui fut longtemps convoitée. Bien sûr elle n’a plus le confort, le luxe d’autrefois. » La Ténarèze était située sur le plateau portant les vestiges de l’ancienne Elusa, édifiée par les Romains… Eauze avait des lettres de noblesse tout à fait prestigieuses, acquises au long de plusieurs siècles. »

Un figuier majestueux orne le parc où Claudia se réfugie pour être à l’abri des paroles envieuses peu aimables, des allusions à son veuvage, à sa fortune…  Elle s’interroge encore sur la disparition de son mari, parti un matin, sans retour, sans traces qui puissent informer sur des intentions secrètes, il y a 45 ans maintenant, c’était en1938.

Un incident va bousculer sa vie, un matin, le maire de Eauze se déplace pour rencontre Claudia :  » La commune envisage de faire construire une maison de retraite… Et nous pensons que cette propriété offre un cadre unique…! ».Visite qui n’est pas exceptionnelle, mais qui bouscule une vie.

Claudia est révoltée. Elle passe la nuit à revoir tous les drames qui se sont passés là et qui ont marqué sa vie.

Son jeune frère Damien, mort en tombant d’un arbre qu’il escaladait pour s’entraîner à la voltige.  Son père disparu pendant la guerre de 1914, tellement bouleversé par la mort de son fils, sans laisser de trace. Marie-Jeanne et sa fille Claudia ont dû assumer les travaux du domaine sans se plaindre, avec leurs douleurs. Heureusement, l’arrivée de Paulin a changé leur vie.

Ce fut une belle histoire d’amour, un coup de foudre au cours d’un bal : Paulin engagé comme ouvrier agricole dans ce domaine, raconte peu de choses sur sa vie, sa famille, ses origines ; mais il est actif et sous le charme de Claudia, peut-être aussi de sa grande maison ! Après concertations entre la maman et sa fille, Marie-Jeanne accepte de marier sa fille à un étranger. Claudia avait de bons amis pourtant qui auraient pu être de bons maris, en particulier Corentin. Mais l’amour fou de Claudia et l’« aura » qui entoure Paulin passionné d’aventures, en particulier celles de la route vers Saint-Jacques qu’il a faite deux fois, emportent la décision.

Marie-Jeanne va conduire Paulin à l’église et Corentin donnera le bras à Claudia, étrange choix qui émeut profondément Corentin déjà plein de tendresse pour la jeune fille ; Marie-Jeanne se sent rassurée par la présence de son gendre, dans le domaine.

Paulin est dur à la peine, mais il aime donner le gîte et le couvert aux pèlerins qui poussent la grille du domaine. Puis il passe la soirée jusqu’à la nuit avec ses compagnons de route. Il fait la réputation du domaine auprès des voyageurs qui peuvent se reposer après les dures étapes du pèlerinage. Au fil des mois, des années, Claudia s’isole, se tait, elle se sent délaissée. Sa mère, Marie Jeanne le voit bien, elle souffre pour sa fille. Un soir, Claudia se confie à Paulin, lui dit qu’elle aimerait lui donner un enfant, Paulin se récrie : « Tu es belle et je veux te garder ainsi ». Les soucis d’un bébé, les fatigues des nuits de veille ne l’intéressent pas, il est heureux de sa vie sans problème avec une table toujours agréable, et les copains du voyage. Il aime la présence de Marie-Jeanne comme une mère, une excellente cuisinière.

Ses pensées, ses rêveries de vieille dame conduisent Claudia vers un incident qui avait excité la jalousie de Paulin : un pèlerin avait parlé doucement à Claudia de la réputation de sa maison et de sa beauté que l’on célébrait sur la route de Saint-Jacques. Mais il avait été interrompu par la colère de Paulin, elle ne savait pas pourquoi…Pour se remettre de ces souvenirs émouvants, elle retrouve une bouteille d’alcool, un vieil « art maniaque » élaboré par son père dans un alambique ancien que Corentin savait utiliser pour distiller. Sa dégustation lui permet de retrouver des parfums, le miel, le coing et même le pruneau…elle y associe aussi les images des êtres aimés et entend même leur voix. Sa tête tourne bien un peu, mais elle peut chasser ainsi les interrogations qui l’habitent : vendre le domaine, le quitter, accéder aux demandes du Maire, ou bien trouver une autre propriété, la maison des Charpentier par exemple, mise en vente justement par les petits enfants. C’est aussi l’occasion de voir Corentin, et son épouse Célestine qui sait clairement et depuis toujours que son mari est amoureux de sa cousine Claudia.

Puis, c’est un épisode de la vie de Marie-Jeanne qui occupe sa pensée, épisode douloureux : sa maman souffrait du ventre, depuis deux jours, et le docteur, venu rapidement décèle une inflammation du péritoine. Elle est immédiatement hospitalisée, mais trop tard et elle décède d’une septicémie. En réfléchissant, elle se rend compte que c’est Paulin qui a conseillé de poser des bouillottes chaudes pour diminuer les douleurs abdominales ; mais pour traiter l’appendice, il faut éviter ce qui fait progresser l’inflammation et particulièrement la chaleur.

Des visiteurs viennent la déranger pour évaluer les avantages de sa maison et faire le choix en vue du projet municipal, « la maison des seniors ». Les choix sont difficiles et Claudia freine les arguments qui seraient en faveur du projet, pour défendre ses biens. Il lui faut trouver ce qui pourrait retarder ou stopper le projet du Maire et des entrepreneurs. Elle va visiter le site de Séviac, connu pour les fouilles gallo-romaines et un petit musée qui valorise la commune ; elle cherche des informations de tous côtés. Puis, ses méditations lui rappellent des paroles entendues sur le passé de Paulin, qui serait peut-être responsable du décès de sa propre grand-mère dû à une septicémie inflammatoire de l’appendice. Elle ne peut supporter que son mari ait deux fois conseillé des pratiques de soins dangereuses, elle ne veut plus vivre avec lui. Il réagit bien sûr mais cela ne peut durer ; elle apprend que Paulin a eu un fils, Michel, qu’il n’a pas reconnu : cela fait beaucoup d’arguments pour une séparation.

Des incidents vont précipiter la prise de distance entre Claudia et Paulin, il part comme ébéniste en ville et ne semble plus désireux de vivre avec elle. Dans sa vie présente, elle se rend compte qu’elle ravive toutes ses peines, et pourtant elle poursuit ses efforts pour avancer ; elle prend le chemin du grenier pour un travail de rangement nécessaire…Elle cherche une sorte de rêve positif, une nouvelle illusion de vie ou de joie et surtout elle veut changer sa façon de penser. Elle a laissé longtemps les choses s’entasser dans sa grande maison et à 83 ans, elle pense à faciliter un déménagement possible. Devant l’étendue du problème, elle espère que sa famille va l’aider peut-être, et chacun pourrait choisir ce qu’il aimerait garder. Elle élabore donc un processus de changement qui va lui donner une nouvelle énergie. Comment va-t-elle procéder ?

Pour ceux qui souhaiteraient lire le livre, je vais arrêter mon récit.

Pour ceux qui ne le liront pas, je peux donner quelques pistes supplémentaires.

*Nous apprenons que Michel, le fils de Paulin, est resté auprès de sa mère qui l’a élevé seule, soutenue par un frère plein de sagesse et de générosité. Un jour le jeune homme rencontre par hasard son père à Eauze, leur ressemblance est telle qu’ils se reconnaissent. Furieux, Paulin le menace avec sa bèche, comme s’il était surpris dans un travail interdit. S’il le revoit à la Ténarèze, il le frappera… Paulin s’est rendu compte qu’il n’est plus à sa place dans le domaine et au cours d’une explication violente il décide de partir en ville et de reprendre son travail d’ébéniste. Claudia ne sait pas encore qu’il laisse de beaux meubles en marquèterie dans son atelier.

Et il disparaît en 1938, sans laisser de traces, Claudia reste toutes ces années dans l’attente de nouvelles, comme une veuve éplorée. Quand elle essaie de forcer sa mémoire, elle se voit dans la cuisine préparer un plat composé de farce et de purée. Elle voit Corentin venu demander un service et Paulin rentrer très excité avec sa bèche, puis il devient furieux en voyant son rival ? Puis elle ne voit plus rien. Et ces souvenirs sont très douloureux pour elle.

*Le grenier est nettoyé peu à peu ; Agnès, la fille de Corentin, passionnée d’archéologie, est devenue la confidente de Claudia, Célestine et ses fils ont largement partagé ces tâches. Ils ont choisi des souvenirs et ont décidé de vendre les objets anciens, et quelques meubles, des poupées anciennes, dans un marché annuel d’antiquaires. Ce travail collectif en famille devient une vraie réussite et Claudia peu à peu sort de sa solitude, répond à la tendresse de Corentin, à celle d’Agnès qui prend une grande place auprès de sa tante et dans le domaine, au point que Célestine ne ressent plus aucune jalousie devant cette communauté familiale.

La propriété est expropriée et vendue, les travaux commencent, Claudia ne supporte pas la destruction de l’intérieur de sa maison, ce pendant qu’elle profite de l’aménagement d’un pavillon qui lui donne tout le confort moderne. Un matin, elle est attirée par le Figuier qui est renversé, racines apparentes ; et que trouve-t-elle ? une mosaïque romaine et un collier qu’elle connait bien avec un coquillage de pèlerin. Paulin a reposé dans cet endroit ? Il avait trouvé le trésor, il était venu pour l’annoncer à Claudia cette journée de 1938 et voyant Corentin, il s’était emporté contre lui. Et tout d’un coup la clarté se fait dans son esprit, le hachoir qu’elle voit auprès du collier, c’est elle qui l’a envoyé contre Paulin alors qu’il allait frapper Corentin avec la bèche. Folle d’angoisse elle rentre chez elle et appelle Corentin. Il se souvient, lui, de la scène, elle l’a sauvé de la mort en envoyant le hachoir en direction de Paulin ? Hasard, douleur, tous les deux avaient posé Paulin dans l’excavation qu’il avait ouverte à l’époque…Le Maire et Claudia tiennent conseil et au bout de 45 ans, il y a prescription. En compensation, il ne faut pas parler du trésor des Elusates, sinon le marché va s’annuler… C’est sans compter la passion d’Agnès qui, trouvant les indices du trésor dans le potager, appelle ses professeurs d’archéologie…

 Dix années plus tard, c’est un Musée qui remplace la maison des séniors et Claudia est toujours là, dans sa petite maison au fond du parc.  Sa vie est douce, son esprit est calme, ses angoisses latentes sont résolues, maintenant. Mais elle n’est plus la dame de Ténarèze, elle est devenue Mme veuve Berthon. Agnès a entrepris d’écrire la biographie de Claudia, la courageuse, pour un livre titré : « La dame de Ténarèze ». Le Musée est riche, maintenant de pièces d’or et d’argent (120kg) et de bijoux ; les traces au sol de la structure d’une riche villa romaine font la gloire de Eauze.

Le style de ce roman est agréable, composé de nombreux retours en arrière qui évoquent les années de jeunesse et ses drames familiaux. Ils sont bien repérables et faciles à intégrer. Les références à l’antiquité sont nombreuses, mais bien adaptés aux visites des sites de fouilles, un vocabulaire assez précis pour une lecture aisée, sans prétention. Un joli roman régional, et une héroïne sympathique. A conseiller pour préparer une visite dans le Gers !!!

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Evelyne lit énormément, elle a toujours un ou deux livres à nous présenter. Elle prend la parole. Je l’en remercie.

Christian Signol est un spécialiste des terroirs. Elle a lu « Là où vivent les hommes. »2021 chez Albin Michel.

Ce roman lui a beaucoup plu, dit-elle, elle a aimé les personnages, la nature très bien valorisée par l’écrivain sensible et poète. Le style clair, aisé, qui s’introduit dans notre lecture comme par enchantement. Le thème est positif, une renaissance pour un être en grande souffrance. L’écrivain est originaire du Quercy, né en 1947, une enfance heureuse dans un village du Causse Martel, entouré de sa mère et de sa grand-mère ; il est sensible aux lumières des collines, aux parfums des fleurs, aux mystères de la campagne. Après des études de droit et de lettres, il s’installe à Brive et se marie en 1970. Cadre administratif, à la Mairie, il commence alors une carrière d’écrivain ; en 1990, il a un grand succès avec « La rivière Espérance », et depuis ses productions sont nombreuse, 36 titres importants chez trois éditeurs, et une douzaine de prix littéraires, des adaptations cinématographiques par épisodes. « J’écris l’histoire des familles françaises… » Ses livres laissent une sensation d’apaisement et de sérénité. Il rend hommage à la nature, aux animaux et aux choses simples. Et si c’était la vraie vie ?

Se remettre en question, quitter le monde moderne pour se satisfaire des choses élémentaires, ce n’est pas facile à faire, mais c’est dans l’air de notre temps. Il est bon d’y réfléchir.

« Après un drame familial, Etienne quitte la ville, ses repères, son poste de cadre dans une banque ; c’est par hasard, au bout d’un chemin encombré par la neige, qu’il abandonne sa voiture et se réfugie dans une ferme en Lozère. Il se réchauffe, rencontre le berger, Achille, et un lien se tisse, non par les mots, parce que le berger est taiseux, mais par les tâches à accomplir pour que le troupeau de moutons soit bien soigné. On ne demande rien à Etienne, sinon de s’occuper de soi, de se remettre et de ne pas peser. Achille fait comprendre au voyageur perdu que l’on peut encore vivre après un drame et que, là, ils vivent les vraies richesses. Peu à peu, Etienne se retrouve lui-même, repousse les injonctions familiales, se sent devenir responsable de celui qui l’a sauvé, vend son appartement en ville, aide le vieux berger   et reconstruit une autre vie, à sa façon.

Un échange important se produit entre Evelyne et Jean, sur le sens de la vie, les rythmes de la modernité…Est- ce que vivre bien c’est échapper à l’ennui en trouvant beaucoup d’activités ou bien est-ce la méditation qui peut apporter cet équilibre ? « L’ennui naquit un jour de la monotonie » que faire alors !

Jean raconte qu’il lit avec un de ses petits-enfants, un livre très court : « Matin brun » 1998, de Frank Pavloff , écrivain français ; il nous le raconte en quelques phrases et nous sommes scotchés par la force de ces quelques phrases.  Vous trouverez facilement ce feuillet de 10 pages, et les autres livres de l’écrivain, « Le pont de Ran-Mositar, L’homme à la carrure d’ours, Les soirs bleus, L’espérance est ma patrie.»

Il cite aussi : Ismaël Kadaré, écrivain Albanais, né à Tirana en 1936 : « Le général de l’armée morte, 1963 ; Chronique de la ville de Pierre 1971 ; Avril brisé 2001 ; Le Palais des rêves ;

Le général de l’Armée Morte 1963, a eu un grand retentissement dans une Europe où la guerre a fait tant de morts. Deux adaptations cinématographiques, une en italien 1983, l’autre en Albanais1989, ont été largement appréciées sur le thème de « Plus jamais ça ! » Ce livre répondait à Dino Buzzatti « Le désert des Tartares 1940 » la vie absurde des soldats de l’armée Italienne dans l’attente des troupes adverses.

Amadou Hampaté Bâ : « l’Enfant peul »1991 ; « L’étrange destin de Wargon »1973.

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Merci à vous chers amis de creuser nos réflexions à la lumière de vos expériences. Nous apprenons et nous sommes en confiance.

Le Café Littéraire du 30 Mai sera consacré au film de Gérard « Au long du Mékong » à L’Ermitage à 14h30. Vous pouvez venir avec vos amis-es. Nous le commenterons par la suite. Amitiés Nicole.