Café littéraire du 13/06/2022 📜📚

Nous nous retrouvons à l’Ermitage ce lundi, Michèle nous aide à mettre en valeur une intervention avec projection d’images, elle nous accueille, Louis et moi, dans une salle qui devient familière. Peu après nous rejoignent : Evelyne, Marie, et Marie Christine, Marie-José, Marie Françoise, fidèles lectrices et amies. Se sont excusés Jean, Marcel, Mauricette, Jean Jacques, Suzel, Christine, ils sont retenus.

Marie prend la parole pour nous rappeler l’histoire de Cagots que nous avions évoquée lors de la lecture du « Gardien des sables » de Madeleine Mansart-Berthaud.

Elle nous présente Arreau, un gros bourg ancien situé dans les hautes Pyrénées, avec de belles maisons et des traditions historiques. L’ancien château rénové en Musée, comporte une synthèse des recherches sociologiques sur la vie en haute montagne, mentalité, activités artisanales et agricoles. Parmi eux, les Cagots et Cagotes sont décrits dans leurs exclusions, leurs souffrances, avec beaucoup de respect pour leur courage. Les diapos recueillies dans le Musée par Marie, sont posées dans notre site « Passerellesasso33.fr », à votre disposition. Nous avons ainsi des témoignages de ce que fut pendant plusieurs siècles la « mise au ban » d’un groupe social de chez nous, tout près de nos ancêtres. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres… Merci à Marie d’avoir approfondi cette recherche à partir d’un beau roman du terroir…

Vous pouvez télécharger le diaporama de Marie qui permet de voir d’autres photos et de lire beaucoup d’informations sur les Cagots en cliquant ici

Une transition est possible et Louis nous parle de la vérité scientifique et du doute, ce que nous tutoyons tous les jours dans notre société. Un texte avait attiré mon attention en introduction de la revue de Science et Vie de Juin 2022.  La directrice éditoriale de la revue évoque la difficulté de parler de Science dans notre monde de mass media : « A l’heure des invectives sur les réseaux sociaux, conserver sa crédibilité est devenu tout un art. Il faut sans arrêt s’assurer qu’il existe bien des frontières claires entre la science, les conseils scientifiques et la politique. Et rappeler qu’une preuve scientifique est d’un autre ordre que les valeurs, les croyances ou les opinions dans une société. » Elle lance cette question : « Comment produire une société démocratique capable de faire face à la complexité de la science et de la technologie ? » C’est ce que nous vivons depuis des mois.

Science et vérité – Passerelles 13 juin 2022

Dominique LEGLU conclut son édito : « En démocratie, c’est le public qui doit en effet prendre, in fine, des décisions sur ce qu’il pense de la-dite science et aussi des techniques à mettre en œuvre. (La) seule solution, sauf à déléguer les arbitrages à une élite technocratique, c’est le dialogue, les débats, la délibération. En combinant le tout à une vraie rigueur d’analyse. »

Sur cet article et le sujet vaste et complexe, LOUIS nous parle de ce que l’on tient pour vrai en science, actuellement, avec un premier détour vers le philosophe du XVIIIème siècle Emmanuel KANT, qui, dans sa Critique de la raison pure, décrit les différents modes du « tenir-pour-vrai » à savoir :

1) l’opinion, 2) la croyance (foi) et 3) le savoir (connaissance). Une grande confusion règne souvent dans les esprits entre ces modes, seule la science tentant d’établir des vérités subjectives et objectives. A la même époque, la science et la théologie commencent à se séparer. Jusqu’à la Renaissance, la religion explique tout, ne laissant pas de place au doute. Mais des doutes commencent à s’installer dans les esprits de gens comme Copernic ou Galilée, au XVIIème siècle, s’intéressant au mouvement des astres ; les résultats de leurs travaux sont en contradiction avec l’Eglise de Rome et ils sont soit mis à l’index, soit condamnés (Galilée, 1633). Mais le mouvement scientifique est dès lors lancé et repose toujours sur le scepticisme et le défi.

Pour revenir à l’article de Mme Leglu, Louis souligne une énorme difficulté quant à prise de décision par le public sur ladite science : le public, et même les politiques en général, n’ont aucune compétence pour prendre de telles décisions (Covid, vaccins..) La majorité – en opinion – n’établit jamais une vérité scientifique. Tout au mieux peut-on chercher à informer le plus objectivement possible le public, ce qui n’est pas une tâche aisée comme le montrent trop d’exemples de manipulations d’opinion ou de fabrique du mensonge qui sont en général le fait d’industriels mais pas toujours.

L’article souligne l’aspect révolutionnaire de la science. Les grandes avancées en science mettent en effet à mal le système en place et suscitent dans un premier temps l’hostilité. Elles arrivent – c’est du moins ce que montre l’histoire des sciences – en général par un seul homme (ou femme) qui se bat seul contre tous pour faire accepter une idée nouvelle ; il doit convaincre d’autres chercheurs du même domaine ce qui prend parfois beaucoup de temps avant que cette idée finisse par s’imposer.  On a vu cela de Copernic à Einstein en passant par Pasteur, Freud, etc… La majorité d’opinion ne définit jamais une vérité scientifique. En science, celui qui se bat seul contre tous a souvent raison ! On met souvent beaucoup de temps pour le reconnaître ! Les débats et le dialogue sont très importants dans cette phase, avec des arguments scientifiques évidemment. La science est aussi révolutionnaire par le fait qu’elle change la vie concrète des gens : la découverte de l’électromagnétisme (Maxwell) a amené les télécommunications (radio, téléphones, télévision, etc..), l’informatique, les diagnostics médicaux ‘scanners, IRM et CC) et bien d’autres choses. La physique nucléaire a amené entre autres choses les centrales nucléaires pour la production d’électricité, mais aussi la bombe atomique qui a changé le monde à partir du XXème siècle. On pourrait multiplier les exemples. 

La science a la caractéristique d’être en mouvement et en perpétuelle évolution. Certains points du savoir sont bien sûrs acquis et ne seront pas remis en question : la terre est sphérique, l’évolution des espèces, l’existence des atomes, l’expansion de l’univers etc…Mais l’acquisition de nouvelles connaissances peut amener à infirmer ce qu’on croyait savoir, à modifier une théorie, voire provoquer une rupture en développant une nouvelle théorie. Une théorie est en fait tenue pour vraie tant qu’une expérience nouvelle ne viendra pas montrer qu’elle est en défaut. Le scientifique tient donc rarement des vérités définitives et c’est le but de la recherche de résoudre les questions en suspens. Sur des problèmes ouverts les scientifiques doivent donc être prudents dans leurs communications et dire : dans l’état de nos connaissances, nous pouvons dire que… »

Louis présente un point à son avis important (opinion, donc sujet à discussion et controverses) sur le fondement inavoué même de la démarche scientifique, à savoir qu’il n’est pas possible d’être scientifique sans avoir foi en l’intelligibilité rationnelle de l’univers. L’univers, la nature ne sont ni arbitraires ni absurdes, même si le hasard existe bel et bien. C’est pour cela qu’on peut découvrir les lois de la nature et qu’un principe essentiel est celui de causalité. Pour Einstein : « le plus incompréhensible est que le monde soit compréhensible ». Il convient d’ajouter que la compréhension à laquelle nous pouvons accéder est toutefois limitée : les nouvelles connaissances ne font en général que montrer l’étendue de notre ignorance.

Merci à Louis qui nous apporte son expérience scientifique, il la met à notre disposition et nous fait réfléchir. Un ensemble de commentaires ont suivi, mais il m’est difficile de les réécrire de mémoire.

Evelyne nous parle d’un livre qu’elle a aimé lire malgré son côté subversif, et amoral : « L’homme Dé » de Luke  Rhinehart . 1971, il est resté longtemps confidentiel, puis le succès a grandi.

Un psychanaliste new-yorkais, d’un certain âge commence à s’ennuyer dans sa vie personnelle et professionnelle, il se laisse aller jusqu’au jour où sur un coup de tête, il se met au défi d’aller violer la femme de son meilleur ami et collègue « si le dé s’arrête sur le chiffre « 1 ». Ainsi commence la Dé-Vie. Les dés sont pour lui un moyen de concrétiser ses fantasmes les plus fous, de donner libre-cours à son imagination et à sa folie… Il devient pionnier d’une nouvelle philosophie de vie, qu’il élève presque au rang de religion, devenu dé-vot, il va tenter de convertir un maximum de gens à son culte du Hasard, sans se soucier des dérives que ses pratiques peuvent engendrer.

Plein d’intelligence et d’humour ce livre a eu un grand succès dans certains milieux, c’est un roman-culte dans la littérature américaine. L’écrivain semble avoir transcrit dans ce livre ses vraies expériences et fantasmes. Pour lui les règles de la société actuelle, ses codes, ses principes étriqués, détruit l’homme à petit feu et lui enlève sa liberté de pensée et d’action. Comment se libérer de la contrainte du regard des autres et remettre ses décisions quelles qu’elles soient, au Hasard. Livre époustouflant, un peu dérangeant où l’imprévisible règne en maître. 

Le pouvoir du Hasard peut-il apporter une liberté ? choisir entre trois choix à chaque coup de dé, est-ce une liberté ? A-t-on le droit d’entraîner les gens dans un délire transgressif ? (valable en psychiatrie et en politique…)

Nous voilà dans la discussion autour de ce livre, présenté avec fougue et humour. Les questions s’enchaînent autour des petits gâteaux et du thé, elles nous passionneront presque une heure.

Merci à Evelyne de nous sortir de notre confort intellectuel et moral.

Je lance l’idée d’une lecture pour les vacances, sur un thème sensible avec Mohamed NBougar Sarr : « De purs hommes »2018. ( livre de poche n°35776)

Nous rappelons les rendez-vous programmés pour Juin, certains projets ont été abandonnés pour ne pas surcharger la fin de ce mois très chaud :

22 juin, promenade sur le fleuve ;

27 juin, tous les adhérents se retrouvent chez Louis pour un apéritif dinatoire, vers 17h ; vous pouvez venir aider à la mise en place avec vos rires et vos bonnes idées.

2 juillet à Malagar, soirée lecture autour de F. Mauriac et Annie Cocula, présidente de l’association. Venez tôt pour vous asseoir près des artistes et apportez votre pique-nique. Précisions à venir.

3 juillet Concert à l’auditorium, à 11heure.

Merci à vous tous qui nous faîtes vivre de si bons moments.  Nicole.